par Alexandre Arnoux
Quel est pour vous le comble de la misère ?
Avoir de l’argent et pas de désirs.
Où aimeriez-vous vivre ?
N’importe où, pourvu qu’il y ait des arbres, de l’eau, des hommes, des livres.
Votre idéal de bonheur terrestre ?
Ne pas être comblé. Avoir une marge de bonheur imaginaire.
Pour quelles fautes avez-vous le plus d’indulgence ?
Les miennes.
Quels sont les héros de roman que vous préférez ?
Huon de Bordeaux et Julien Sorel.
Quel est votre personnage historique favori ?
Louis XI, l’homme le plus habile à tirer tout leur suc des événements.
Vos héroïnes favorites dans la vie réelle ?
Un certain type de femme moderne, forte, non empâtée, lucide et bien entraînée à la vie.
Vos héroïnes dans la fiction ?
Chimène, Hélène de Troie et Molly Flanders. Ce trio représente assez bien l’éternel féminin.
Votre peintre favori ?
Velasquez.
Votre musicien favori ?
Mozart.
Votre qualité préférée chez l’homme ?
L’humanité.
Votre qualité préférée chez la femme ?
La féminité.
Votre vertu préférée ?
Toutes celles que je ne possède pas. L’énumération serait trop longue.
Votre occupation préférée ?
Ne pas en avoir.
Qui auriez-vous aimez être ?
Le moi-même que je rêve et que je ne suis pas.
Le principal trait de mon caractère ?
La constance sous une apparence de diversité.
Ce que j’apprécie le plus chez mes amis ?
L’amitié.
Mon principal défaut ?
Le doute de moi-même mêlé à une confiance exagérée en moi, le tout s’embrouillant dans une extrême confusion où, parfois, mes actes s’enlisent.
Mon rêve de bonheur ?
Avoir des malheurs grandioses, à la mesure de mon orgueil enfantin.
Quel serait mon plus grand malheur ?
Ne pas croire, chaque fois, sans que l’expérience me décourage jamais, ne pas croire, dis-je, quand j’ai raté un livre, que le prochain sera réussi.
Ce que je voudrais être ?
Cela dépend des jours. Tantôt Achille et tantôt Thersite. Il faut de tout pour faire un monde.
La couleur que je préfère ?
Le bleu turquoise presque vert.
La fleur que j’aime ?
Le plantain.
L’oiseau que je préfère ?
Le tchirouli, qui n’est pas plus gros qu’une abeille, qui habite le Vénézuela et que je n’ai jamais vu.
Mes auteurs favoris en prose ?
Montaigne et Pascal.
Mes poètes préférés ?
Boileau, Baudelaire et Mallarmé.
Mes héros dans la vie réelle ?
Ces anonymes patients qui, à l’écart de toute gloire, construisent leur époque.
Mes héroïnes dans l’histoire ?
La Papesse Jeanne (qui n’a pas existé) et Cléopâtre.
Mes noms favoris ?
Gontran et Almanzor. Leur ridicule légendaire me ravit.
Ce que je déteste par-dessus tout ?
La tiédeur.
Caractères historiques que je méprise le plus ?
Les faux Machiavels.
Le fait militaire que j’admire le plus ?
D’avoir, personnellement, pris part à deux guerres, et de n’être pas mort.
La réforme que j’admire le plus ?
Celle que l’on fera demain et qui, contrairement aux précédentes, aura un résultat.
Le don de la nature que je voudrais avoir ?
La spontanéité absolue, qui ne se doute pas d’elle-même.
Comment j’aimerais mourir ?
Tard et vite.
État présent de mon esprit ?
Le détachement du passé, même si je l’aime, l’ouverture à l’avenir, même si je le crains.
Ma devise ?
À bon vin, pas d’enseigne(mais j’ai grand peur de ne pas la mériter).
(tiré de Livres de France, revue littéraire mensuelle, juillet 1955, 6e année, nº 6, p. 9)