La virgule météorologique et les inondations de 1996
La carte couleur représente une image satellitaire NOAA 14 captée et traitée au Laboratoire de télédétection de l'Université du Québec à Chicoutimi, le samedi 20 juillet 1996 à 18 h GMT (14 h, heure locale), en plein cœur d'une tempête tropicale qui, par son énorme système couvrant une grande partie de l'est de l'Amérique, venait de s'enliser au-dessus d'un territoire de prédilection, la réserve faunique des Laurentides, au Québec.
Ce territoire de l'est de l'Amérique couvert par l'orbite du satellite représente un quadrilatère de 4 000 km du nord au sud et de 2 400 km d'ouest en est. Cette immense aire géographique, vue à 800 km d'altitude, s'étend en direction nord-sud de l'île South Hampton, située au nord de la péninsule de l'Ungava québécois, jusqu'à Cap Hatteras à l'est de la Caroline du Nord et, en direction ouest-est, des Grands-Lacs à la Nouvelle-Écosse.
Trois grands ensembles géographiques y sont apparents par le biais des longueurs d'onde du visible, du proche-infrarouge et du thermique:
1)
Les terres continentales en teintes de vert et d'orangé nous dévoilant, sous l'influence d'un front froid, un secteur très dégagé de nuages passant par la péninsule d'Ungava, la baie d'Hudson, la baie de James, les Grands-Lacs, Long Island et la ville de New York, les plissements montagneux des Appalaches, la baie de Delaware, la baie échancrée de Chesapeake et le début de la péninsule de la Floride.
2)
Les eaux froides en noir de la baie d'Hudson avec en bleu des tourbillons de glaces flottantes, les Grands-Lacs froids au nord (en noir) et plus chauds au sud (en rougeâtre), l'Atlantique au sud-ouest des Maritimes avec la séparation nette entre les eaux chaudes du Gulf Stream (en rouge) et les eaux froides du courant du Labrador (en noir).
3)
Une grande spirale nuageuse (appelée virgule) formée par l'immense dépression cyclonique de mouvement anti-horaire s'étalant à partir de l'ouest de la baie d'Hudson, en passant par le Manitoba, le centre américain, en bifurquant au sud-est au-dessus de la Caroline du Nord, en poursuivant vers l'est au-dessus de l'Atlantique pour y pomper, au moyen d'au moins quatre cellules de mini-ouragans, d'immenses quantités d'eau du Gulf Stream, en remontant vers l'est de la Nouvelle-Écosse, en revenant vers l'ouest pour terminer sa course en un tourbillon très serré au-dessus du massif des Laurentides (on peut voir d'ailleurs un trou linéaire au-dessus du Saguenay et un autre ponctuel au-dessus de La Malbaie).
C'est cette gigantesque machine à pluie, s'il en est une, qui s'est enlisée au-dessus du territoire très restreint de la réserve faunique des Laurentides pour laisser tomber jusqu'à 262 mm de pluie en un même endroit en 50 heures. DU JAMAIS VU DE MÉMOIRE HUMAINE!!!
Le versant sud du bassin du Saguenay a été victime d'une convergence et d'une stagnation d'un système dépressionnaire explosif au-dessus d'un territoire restreint
avec des précipitations anormales de plus de 170 à 200 mm en 36 heures et de 250 mm en 48 heures, c'est-à-dire la pluie d'un mois en deux jours. C'est l'équivalent de trois mètres de neige qu'aurait laissé une tempête de janvier (voir la carte b2_2_2).
RÉFÉRENCES
BONN, Ferdinand (sous la direction), (1996), Précis de télédétection, Vol. 2, Applications thématiques, Québec, Presses de l'Université du Québec et AUPELF, 633 pages.
http://www.uqac.uquebec.ca/teledetection/deluge/images/main/start.htm
http://dsf.uqac.uquebec.ca/teleair/
SOUTIEN FINANCIER
Fonds académique du réseau de l'Université du Québec (FODAR)
Fondation de l'Université du Québec à Chicoutimi (FUQAC)
Gilles-H. LEMIEUX, Carl BRISSON, Claude CHAMBERLAND et Martin DION,
Laboratoire de télédétection et de géomatique, Université du Québec à Chicoutimi, mai 2001.
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