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Design autochtone, un nouveau regard sur la tradition et la modernité.

RÉALISATIONS - Élisabeth Kaine présente ses réalisations des dernières années au sein des communautés autochtones dans «Métissage». (Photo Rocket Lavoie)
Par sa passion du design autochtone, la professeure et chercheuse à l’Université du Québec à Chicoutimi Élisabeth Kaine a littéralement ouvert la porte à la modernisation des traditions.

«Je voulais montrer aux étudiants qu’il existe d’autre chose, en design, que le modèle de consommation habituel», souligne Élisabeth Kaine. En voulant transformer le modèle habituel pour l’adapter aux communautés autochtones, cette dernière a décidé d’aller fouiller les réserves des différents musées québécois et canadiens, à la recherche de matériel inédit, intéressant, et innovateur quant au design. «J’ai choisi 500 objets que je croyais les plus pertinents à l’enseignement d’une nouvelle forme de design, qui jette un autre regard face à la société de consommation», lance la chercheuse qui considère ces objets comme étant des «leçons de design».

Avec ces objets, d’art, de cuisine ou de défense, une banque de données a été créée. «Pour chaque objet, il y a 200 éléments d’information qui englobent toues les sphères de l’objet. C’est un projet qui s’intéresse à la philosophie et au savoir-faire du design autochtone». Ainsi, la fonction, l’esthétisme, les relations avec le territoire ou les aspects symboliques de chacun des objets sont identifiés. Utile pour les étudiants qui la consultent dans le cadre de leurs travaux, cette banque de données est aussi ouverte aux communautés. Pour qu’ils sentent l’importance de leurs propres objets traditionnels, mais aussi pour qu’elles puissent énoncer quelle vision et quelle utilisation ils ont de leurs objets aujourd’hui. «Les gens qui consultent la banque voient les parentés entre les objets et son évolution au fil du temps. Ça évoque l’aspect générationnel des objets», décrit Élisabeth Kaine.

Cette banque de données permet un véritable métissage culturel. Le mélange est fait entre les objets d’art, de la vie courante, traditionnels ou modernes et surtout, de diverses cultures. Entre elles, ces cultures possèdent des objets courants communs, mais avec des utilités ou des fabrications différentes.

Lancement

Après dix ans de travail dans et pour les communautés autochtones, Élisabeth Kaine lancera, ce jeudi, au musée Shaputuan de Uashat, un livre qui permettra de faire un bilan de ces années de recherches, de travaux et d’expérimentations, mais aussi de faire connaître ce projet. Édité par la Boîte rouge vif, en collaboration avec la galerie l’Œuvre de l’Autre de l’Université du Québec à Chicoutimi et Caféine Design, «Métissage», véritable oeuvre d’art en soi, comprend des essais, des comptes-rendus de recherche et un manifeste. Bilingue, ce livre se veut en fait un mélange de tout ce que la professeure et chercheuse a appris au cours des dernières années. «Ça va me permettre de propager ma passion pour le design autochtone et de manifester pour la sauvegarde de la culture autochtone».

Lors du lancement de «Métissage», Élisabeth Kaine et son équipe présenteront aussi un documentaire des entretiens effectués avec le cinéaste Arthur Lamotte. Ce cinéaste a lui-même, tout au long de sa carrière, évoqué dans ses oeuvres les communautés et cultures autochtones.

«Ne pas avoir le droit de créer, c’est épouvantable», croit la chercheuse et professeure en design à l’Université du Québec à Chicoutimi, Élisabeth Kaine. Pour cette passionnée du design autochtone, la création et la valorisation de la culture est le moyen par excellence pour combattre les difficultés économiques et sociales vécues dans les communautés autochtones du Québec, du Canada et même du Brésil. Et c’est pour cette raison que l’alliance Design et culture matérielle a mis sur pied des ateliers de valorisation dans différentes communautés québécoises. «Lorsque nous étions dans une communauté inuite, il y a eu deux suicides. Et nous nous sommes rendus compte qu’ils n’avaient pas le droit de développer leur créativité», résume Élisabeth Kaine. En effet, la communauté avait des cours de culture qui permettaient de conserver les traditions et faisaient confectionner des objets ancestraux comme les mocassins ou les raquettes. Mais ils ne pouvaient dépasser ces productions. L’idée a alors germé d’offrir des ateliers de design pour eux, afin qu’il puisse conserver leur valeurs traditionnelles mais en les modernisant, en les transformant. D’abord offert aux enfants des écoles, le projet a eu un tel succès que l’alliance Design et culture matérielle a décidé de l’offrir aux artisans adultes de ces diverses communautés autochtones. «On essaie de leur enseigner comment valoriser leur travail et comment se valoriser eux-mêmes. Pour s’assurer d’un développement économique, mais aussi d’un développement communautaire. Pour passer de l’artisanat à un produit de marché», explique la chercheuse.

Encadrés de cette façon, les artisans autochtones peuvent concilier les traditions plus ancestrales à la modernité et l’exploitation de leurs talents. Fiers et valorisés, les participants voient leur travail d’autant plus reconnu que le programme permet, une fois les ateliers complétés, d’exposer leur travail dans les trois communautés autochtones québécoises participant au projet pour prendre fin au musée anthropologique de Vancouver. Les participants à ces ateliers ont par la suite l’opportunité de devenir formateurs pour d’autres communautés autochtones, afin de faire partager leur savoir-faire et de valoriser leurs acquis.

Ce projet transportera aussi ses pénates vers le sud, alors que le musée de Rio de Janeiro a demandé ą l’alliance Design et culture matérielle de transférer son expertise dans ses propres communautés autochtones. Là aussi, on développera le projet de recherche et de développement d’une banque de données sur les éléments locaux traditionnels et leur évolution. Un métissage culturel sera ainsi permis avec les banques de données déjà existantes.