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Le cancer, le dorloter pour mieux l’assommer.

André Pichette, directeur du LASEVE (Laboratoire d'analyse et de séparation des essences végétales). Photo : Jeannot Lévesque
CHICOUTIMI (FSTG) – À l’Université du Québec à Chicoutimi, on cultive le cancer. On le dorlote. On lui permet de croître, puis on l’assomme d’un grand coup de molécules extraites du sapin baumier ou de l’écorce de bouleau blanc. Pour les chercheurs du LASEVE (Laboratoire d’analyse et de séparation des essences végétales), il ne fait aucun doute que la forêt boréale renferme des armes puissantes susceptibles de venir à bout du cancer, et pourquoi pas, de plusieurs autres maladies!

Jour après jour, l’équipe de professeurs-chercheurs de ce laboratoire s’acharne à décortiquer les moindres détails de la composition des végétaux qui composent la forêt nordique.
« Dans nos laboratoires, nous cherchons à isoler, à extraire et à analyser les composés chimiques naturels des plantes et des arbres. Ensuite, nous visons à identifier ceux qui présentent des propriétés avantageuses, entre autres dans la lutte contre le cancer », explique André Pichette, chimiste organique et directeur du LASEVE.

Cela peut sembler simple, mais il s’agit d’une tâche complexe, ne serait-ce qu’à cause du nombre de végétaux qui croissent dans la forêt boréale et des millions de composés et de molécules qu’ils renferment.

Afin d’identifier des espèces prometteuses, les chercheurs du laboratoire se basent sur le savoir ancestral des autochtones, qui utilisent certains extraits végétaux depuis fort longtemps. Ensuite, les membres du LASEVE se lancent dans la décomposition de leurs échantillons afin d’en extraire tous les composés, avec à la clé de nombreux tests afin d’évaluer si l’un ou l’autre de ces composants présentent des effets bénéfiques. « Si nous parvenons à déterminer un certain résultat, nous devons pousser notre enquête jusqu’au niveau des molécules pour identifier celles qui sont à l’origine de l’action que nous recherchons », expose André Pichette.

Une fois la molécule « miracle » isolée, les chercheurs doivent encore la travailler afin de déterminer son action, son mode d’attaque, l’ensemble de ses effets sur les cellules cancéreuses ou saines ainsi que son degré de toxicité. Une démarche longue, coûteuse et complexe nécessitant même des essais sur des animaux, mais susceptible de mener à des percées majeures dans le domaine du traitement du cancer.

Et si elle s’avère très complexe, cette démarche s’inscrit également hors du seul champ de compétence des chimistes car elle nécessite alors des études pharmacologiques.

Ce n’est cependant pas un problème pour le LASEVE, qui comprend, outre la partie d’analyse de chimie organique, un autre volet destiné aux études de pharmacologie et aux tests pratiques sur des cellules cancéreuses « élevées » à l’UQAC. « Des infrastructures de recherche comme la nôtre sont uniques. Nous sommes les seuls à pouvoir travailler l’ensemble du processus dans les mêmes locaux et à unir ainsi les deux volets de recherche. Les deux parties peuvent se parler quotidiennement et travailler ensemble à partir de la séparation des composés jusqu’aux tests sur les animaux de laboratoire. Seul, aucun des deux ne pourrait faire de magie », indique M. Pichette.

Cette expertise unique du LASEVE porte d’ailleurs fruits, les chercheurs du groupe ont réussi à identifier des molécules issues du sapin baumier qui présentent de fortes propriétés anti-cancéreuses. De fil en aiguille, cette découverte a permis au LASEVE de mettre au point un agent potentialisateur qui, une fois joint avec d’autres molécules ayant déjà des capacités thérapeutiques, en augmente grandement les effets. Plusieurs autres projets de recherche actuellement pilotés par le LASEVE risquent d’aboutir dans un proche avenir à des découvertes semblables. Si bien que d’ici quelques années, les médecins et les pharmaciens, du monde entier, pourraient s’attaquer au cancer avec des armes provenant de la forêt boréale inventées par des chercheurs et des étudiants de l’UQAC. « C’est un défi, un objectif ultime que nous nous sommes donné et que nous souhaitons voir réaliser », assure André Pichette.

Sans contraintes financières, la recherche occuperait deux fois plus d’étudiants

CHICOUTIMI (FSTG) – « De 60 à 80 % des antibiotiques et des anticancéreux qui se retrouvent dans les pharmacies sont des médicaments d’origine naturelle. La majorité des gens croit pourtant que la plupart de ceux-ci sont chimiques. Nous avons encore beaucoup à tirer de la nature parce que moins de 10 % de tous les végétaux ont été analysés ».

André Pichette, directeur du Laboratoire d’analyse et de séparation des essences végétales (LASEVE) de l’Université du Québec à Chicoutimi, estime que la forêt boréale recèle une foule de médicaments potentiels. Mais il croit également qu’énormément de travaux de recherche restent à faire avant que l’on ne puisse prétendre en connaître toutes les ressources.

« Les plantes qui ont déjà été investiguées l’ont souvent été dans un but de recherche précis, par exemple la lutte contre le cancer. Ces chercheurs ne prennent pas toujours la peine d’analyser les autres propriétés que pourrait avoir l’échantillon : la plante n’a peut-être pas de capacité de lutte contre le cancer, mais elle pourrait servir dans l’élaboration d’un antibiotique », nuance André Pichette.

Protocole

En ce sens, les chercheurs du LASEVE ont mis au point un protocole qui permet de tester les végétaux étudiés sous toutes ses coutures, dans le but d’en déceler d’éventuelles propriétés antifongiques, antibiotiques, anti-inflammatoires et anticancéreuses. « Nous aurions du travail pour plus du double d’étudiants à la maîtrise ou au doctorat qu’actuellement. Nos recherches n’arrêtent jamais, soutient le directeur du LASEVE, qui accueille, présentement, 16 candidats à la maîtrise et plusieurs du niveau du doctorat et du post-doctorat ».

Cela s’avère d’autant plus vrai que, selon le professeur-chercheur, les végétaux de la forêt boréale, parce qu’ils sont soumis à du stress et à d’importantes variations de température, présentent de fortes concentrations en composés chimiques naturels. « Ce sont des contraintes financières et d’infrastructures qui nous limitent », dit André Pichette.