Chronique

Nous marchons sur l’eau

RECHERCHE – Les travaux de recherche menés à l'Université du Québec à Chicoutimi, en matière d'hydrogéologie, risquent de devenir de plus en plus importants à mesure que les réserves d'eau souterraine sont exploitées. Jean-François Noël, Réjean Godin, Sylvette Awoh et le professeur-chercheur Alain Rouleau effectuent une partie des ces travaux.
CHICOUTIMI (FSTG) – « Nous marchons littéralement sur l’eau. En creusant, il y a toujours un endroit où l’on peut en trouver. Cela ne veut toutefois pas dire qu’elle s’avère facilement exploitable partout. Il y a plusieurs éléments et plusieurs dynamiques à comprendre au niveau de l’utilisation des sources d’eau souterraine ».

De plus en plus, la question de l’eau potable, de l’or bleu, préoccupent les divers paliers de gouvernement. Il y a eu le scandale de l’eau contaminée de Walkerton en Ontario. Les fermiers du Midwest américain commencent à ressentir les effets d’une possible rupture en approvisionnement. L’Organisation des Nations unies craint même des tensions internationales dans les prochaines décennies à ce sujet. Au Québec, où nous semblons naviguer bien au-dessus de ces problèmes en vertu des innombrables plans d’eau qui jalonnent notre territoire, le défi de l’approvisionnement en eau potable de qualité se pose différemment.

« Ici, le gouvernement a resserré les critères encadrant la qualité et les caractéristiques de l’eau potable. Cela favorise l’exploitation de l’eau souterraine, généralement moins contaminée et filtrée naturellement », illustre Alain Rouleau, ingénieur-géologue professeur au Centre d’études sur les ressources minérales (CERM) de l’Université du Québec à Chicoutimi.

Avant de se lancer dans l’exploitation de telles sources d’eau, il faut en déterminer la dynamique. Il faut également connaître les propriétés ainsi que les différents cycles qui les alimentent ainsi que les effets de la circulation de l’eau produit sur les sols et les structures rocheuses. Des défis hydrogéologiques complexes auxquels s’attaquent depuis plusieurs années le professeur Rouleau et son équipe d’étudiants de cycles supérieurs.

En ce domaine, les recherches de l’UQAC s’orientent selon quatre grands axes : 1) les chercheurs travaillent d’abord à l’évaluation de la qualité et de la quantité des réserves d’eau souterraine du territoire; 2) ils tentent de favoriser le développement d’outils et de guides visant la protection de ces ressources; 3) ils effectuent des recherches portant sur les effets de la circulation de l’eau sur les structures rocheuses, comme dans les galeries de mines; 4) les spécialistes de l’Université espèrent parvenir à rassembler l’ensemble des études menées sur le sous-sol de la région afin de réaliser un portrait exact des réserves d’eau souterraine qui s’y trouvent ainsi que les mouvements de circulation de cette ressource.

« Nous tentons de mettre à profit l’ensemble des autres disciplines de la géologie afin de mieux connaître et de mieux utiliser les milieux aquifères. Nous voulons trouver des moyens d’exploiter ces ressources adéquatement, tout en les protégeant. Nous avons déjà mis des outils au point et publié des guides à cet effet », souligne Alain Rouleau.

Des travaux gagnent en importance

CHICOUTIMI (FSTG) – Les travaux de recherche sur les ressources d’eau souterraine menés à l’Université du Québec à Chicoutimi risquent de devenir plus importants que jamais au cours des prochaines années. Si pour l’instant nous sommes encore loin de surutiliser ces sources, le danger de se mettre à le faire n’est cependant pas bien loin; tout comme la possibilité de les contaminer en gérant mal l’implantation de certaines activités humaines.

« Comme toute autre ressource, il y a un risque de surexploitation. Nous devons nous préparer à cela », souligne le professeur Rouleau.

Selon lui, la meilleure façon de le faire consiste à effectuer du travail de terrain, comme le font plusieurs de ses étudiants, afin de mieux comprendre les effets de la contamination chimique sur les sources d’eau souterraine. Sylvette Awoh a choisi de se pencher sur l’incidence des exploitations agricoles et de leurs engrais sur la ressource régionale. De son côté, Réjean Godin a décidé de faire l’étude d’un bassin versant, celui de la rivière Châteauguay au sud de Montréal, afin de voir comment les activités humaines affectent la dynamique de ces réserves. Jean-François Noël, quant à lui, cherche à déterminer comment l’eau agit sur les structures rocheuses afin d’en saisir le comportement. Une fois ces travaux réunis, les hydrogéologues pourront déterminer le comportement des réserves souterraines et ainsi mieux les mettre en valeur. Un défi important qui suscite de plus en plus d’intérêt.

« J’ai été surpris de l’ampleur que prend la question de l’eau dans mon territoire de recherche », admet d’ailleurs Réjean Godin.

De son côté, Alain Rouleau indique que la prochaine étape importante à franchir, pour les chercheurs, reste de colliger et de mettre en commun l’ensemble des études hydrogéologiques, effectuées dans la région et au Québec, afin de réaliser le portrait complet, clair et exhaustif des ressources d’eau souterraine disponibles.

« Les municipalités, MRC, différents ministères et même Hydro-Québec font des études et des tests de sondage des sols; cela constitue d’énormes sources d’informations sur les réserves souterraines en eau. Il est important de rassembler toutes ces données afin de pouvoir mieux en guider l’exploitation; c’est un beau défi de recherche », croit Alain Rouleau.