Chronique

La mondialisation change les réalités régionales

LABORATOIRE – Pierre-André Tremblay, anthropologue et sociologue professeur à l'UQAC et Geneviève Nootens, professeure de sciences politiques et titulaire de la Chaire du Canada sur la démocratie et la souveraineté de l'Université, coordonnent leurs efforts, entre autres, afin de mieux cerner comment la mondialisation de l'organisation politique influence les sociétés régionales comme le Saguenay–Lac-Saint-Jean. (Photo : Rocket Lavoie)
CHICOUTIMI (FSTG) – Les concepts de mondialisation de la démocratie, de glissement des pouvoirs nationaux vers des organisations regroupant plusieurs États ou encore la réorganisation du mode de gestion de l’État peuvent sembler bien loin des préoccupations des citoyens du Saguenay–Lac-Saint-Jean. Pourtant, ces concepts ont des effets de plus en plus tangibles sur les réalités qui touchent la région.

Des questions épineuses comme le dossier du traité de l’Approche commune ou les résultats de la consultation populaire menée par la Conférence régionale des élus (CRÉ) au sujet de la décentralisation de la gestion des ressources naturelles montrent bien les effets directs que ces concepts peuvent avoir sur les Saguenéens et les Jeannois. Aux niveaux québécois et canadien, ces changements dans l’organisation du pouvoir ont aussi des impacts importants sur l’évolution de la société. C’est donc afin de mieux saisir l’ampleur des changements entraînés par cette évolution de la politique qu’a été mise en place, en juin 2005 à l’Université du Québec à Chicoutimi, la Chaire du Canada sur la démocratie et la souveraineté, dirigée par la professeure Geneviève Nootens. Et, c’est dans cette optique qu’a été mis en place, dans le cadre de cette chaire, le laboratoire sur les identités, les communautés et les appartenances en recomposition (ICARE).

Regroupant plusieurs professeurs-chercheurs de l’UQAC du domaine des sciences humaines de même que des étudiants de cycles supérieurs, ce laboratoire fonctionne aussi en collaboration avec des spécialistes internationaux. Il tente de cerner comment l’évolution de la gestion des pouvoirs des États et comment la mondialisation accélérée des idées et des citoyens affectent les réalités régionales et la composition de la société.

« Concrètement, nous tentons de voir comment les rapports de force s’organisent désormais. Comment les groupes sociaux et les individus peuvent prendre en main leur destin alors que les décisions importantes et que le pouvoir véritable évoluent de plus en plus sur la scène internationale, donc à un niveau loin de leur influence directe », explique Geneviève Nootens.

La professeure soutient que l’écart, entre le pouvoir réel des citoyens qui votent à des niveaux locaux et nationaux et les organismes internationaux, qui ont de plus en plus d’influence dans leur vie, s’élargit constamment. De là l’importance d’en faire l’analyse et de proposer de nouvelles façons de fonctionner.

« Nous devons réfléchir sur les outils et les cadres de référence avec lesquels nous appréhendons ces réalités et ces changements, afin de mieux en saisir la portée », indique Mme Nootens.

D’ailleurs, l’étude de ces divers changements n’est aucunement limitée à la seule sphère politique. Elle porte aussi, dans le cadre des travaux du laboratoire ICARE, sur les aspects sociaux et économiques.

« La mondialisation et les flux d’émigration et d’immigration ont des effets directs sur ce qui se passe dans la région. La mobilité des capitaux, de la main-d’œuvre et des individus concernent directement la grande industrie du Saguenay–Lac-Saint-Jean. Cela concerne aussi l’organisation sociale. La question de permettre l’application de la charia en Ontario, débattue récemment, résulte de toute cette mobilité. Cela nous oblige à nous interroger sur notre propre organisation sociale et politique », souligne Pierre-André Tremblay, anthropologue et sociologue, professeur à l’UQAC et membre d’ICARE.

Le dossier du traité de l’Approche commune, qui vise à donner aux Amérindiens plusieurs pouvoirs concernant la gestion d’une vaste portion du territoire québécois prouve également comment l’évolution de l’organisation des pouvoirs des États peut avoir des impacts majeurs pour la région.

« C’est une illusion de penser que tous ces enjeux ne nous concernent pas. Nous sommes concernés par tous ces changements dans l’organisation du pouvoir. Ce sont des éléments importants que nous devons étudier sous notre propre angle régional », illustre Geneviève Nootens.