Chronique

Pour bien comprendre l’art contemporain

Essayiste, poète, philosophe, professeur et directeur de la galerie L'Oeuvre de l'Autre de l'Université du Québec à Chicoutimi, Michaël La Chance estime que les recherches actuellement menées dans le domaine des arts se basent surtout sur l'image et la perception du réel. Un défi à l'époque des images projetées par les médias et la télé-réalité. (Photo Rocket Lavoie)
CHICOUTIMI (FSTG) – La mission culturelle de la galerie l’Oeuvre de l’Autre de l’Université du Québec à Chicoutimi n’est plus à démontrer. Son importance en matière de recherche en art contemporain, elle, est moins connue. Il s’agit pourtant d’un aspect majeur de sa mission : transformer cette discipline dans un reflet plus exact de la réalité.

Ce volet de recherche s’incarne dans les travaux de Michaël La Chance, professeur au Département des arts et lettres de l’UQAC; essayiste, philosophe, poète et directeur de la galerie.

Avec ses étudiants, il essaie de redéfinir et de mieux comprendre l’art contemporain. Il tente d’en cerner l’évolution et les enjeux qui s’y rattachent. D’abord en analysant les impacts des nouvelles technologies sur l’image, devenue un objet de consommation de masse universelle, puis en se penchant sur la notion de performance de l’art, où l’artiste devient partie de son œuvre.

« Nous vivons à une époque de privatisation des expériences visuelles et des arts. Nous sommes saturés d’images préprogrammées diffusées par des grands médias. Ceux-ci nous font pleurer et rire tous au même moment, plongent la société dans une seule réalité, justement du type télé-réalité. Les artistes d’aujourd’hui veulent créer des images, une perception différente de cette réalité. Ils se posent des questions. Ils se demandent, par le biais des arts, si cette perception est la bonne, si elle est réelle. Ils veulent diversifier l’expérience humaine par leurs œuvres, ce qui laisse une large place à l’étude des impacts des nouvelles technologies et du numérique sur les arts », explique Michaël La Chance, qui a même écrit un essai sur ce concept à partir du film « The Matrix » et certains jeux vidéo.

Le professeur soutient que la recherche sur les arts inclut donc l’ensemble des disciplines humaines, de la sociologie à l’histoire, en passant par la philosophie et l’anthropologie.

Ce dernier constate également que l’art tend de plus en plus à se décloisonner, à devenir relationnel. De nouveaux courants étudient dorénavant « l’art performance ».

« L’artiste intervient de plus en plus dans l’art. Il se met lui-même en scène et devient une partie de l’œuvre. Il y a là une volonté de provocation, de tester les limites de la société et des gens afin de les déranger, de créer de nouveaux codes de communication », lance Michaël La Chance.

Les résultats des recherches qu’il effectue sur cette notion de codification de la communication et de la transmission de l’art le prennent même par surprise.

« Toutes les formes d’art sont régies par des conventions. Je découvre que les jeunes qui étudient l’art font preuve d’inventivité avec ces codes. Malgré le recul de la culture, la créativité est exacerbée, tout comme la volonté d’innover. Cela est d’autant plus intéressant que les jeunes ont maintenant plus de moyens pour le faire », estime M. La Chance.

L’art et les nouvelles technologies
Le concept d’équipe devient incontournable

CHICOUTIMI (FSTG) – « Nous ne sommes plus plongés dans le paradigme de l’artiste seul dans son atelier penché sur son oeuvre. Les prochains éléments marquants seront le fruit du travail de longue haleine d’une équipe multidisciplinaire. »

C’est ainsi que le professeur Michaël La Chance perçoit l’évolution de l’art du 21e siècle.

Il croit que l’œuvre traditionnelle réalisée par un seul artiste existera toujours, que l’attrait d’une signature d’un artiste renommé sera toujours présent. Mais il estime que les nouvelles technologies numériques et informatiques sont appelées à prendre encore plus de place et qu’en raison de la complexité croissante de ces disciplines, le concept d’équipe deviendra incontournable.

« La volonté d’expression individuelle d’un artiste ne disparaîtra pas. Elle sera différente. L’arrivée de la photographie n’a pas tué la peinture, mais cette forme d’art est graduellement redevenue elle-même. Elle n’est plus obligée d’être le même reflet exact de la réalité qu’auparavant, expose Michaël La Chance.

Résultat, l’apport de la technologie permettra d’explorer de nouvelles façons d’exprimer l’art contemporain. Mais elles auront aussi pour effet de rendre le processus de création des grandes œuvres beaucoup plus long et compliqué.