Chronique

Le fichier BALSAC, l’oeuvre d’une vie

Photo : En 1972, Gérard Bouchard a commencé à compiler les données généalogiques des membres de notre communauté régionale. Quarante ans plus tard, il ne s'attendait certainement pas à ce que son projet soit « l'oeuvre d'une vie ». (Archives)
Gérard Bouchard, historien et sociologue

CHICOUTIMI – Lorsque le jeune professeur Gérard Bouchard a commencé à compiler les données généalogiques des membres de notre communauté régionale, en 1972, il ne s’attendait certainement pas à ce que son projet soit « l’oeuvre d’une vie ». Pourtant, presque 40 ans plus tard, l’historien et sociologue, aidé d’une équipe de 20 personnes, travaille encore sans relâche à ce qui est devenu « le fichier BALSAC ».

« C’était un projet risqué au début. On s’en allait vers l’inconnu. Il n’y avait jamais eu quoi que ce soit de tel dans le monde entier. J’ai eu droit à une collaboration remarquable de la direction de l’UQAC et de la Fondation de l’UQAC », mentionne monsieur Bouchard, un homme connu à l’échelle provinciale pour avoir, entre autres choses, coprésidé la Commission Bouchard-Taylor sur les accommodements raisonnables.

À ce jour, le fichier BALSAC regroupe plus de 2,5 millions d’actes de naissance et d’actes de mariage. Quelque quatre millions d’individus sont ainsi répertoriés dans le fichier central. Lorsqu’il a débuté ce « travail de moine », Gérard Bouchard n’était pas conscient qu’un jour, toute une équipe allait s’affairer à construire une banque de données informatisées contenant la trace de la généalogie des Québécois depuis le 17e siècle.

BALSAC a de multiples fonctions, dans plusieurs domaines dont la génétique, la science sociale, l’histoire et la démographie. Madame Michèle Jomphe, qui s’occupe du service aux chercheurs, explique que sur une trentaine de projets traités, environ 20 concernent la génétique.

Des problèmes à venir?

Les chercheurs du fichier BALSAC, une base de données reconnue et exploitée par des universitaires de partout dans le monde, travaillent présentement sur des données des années 1970. Certains problèmes pointent à l’horizon.

« Au cours de ces années, les unions de fait ont commencé à être plus fréquentes, expliquent monsieur Bouchard et madame Jomphe. Ce type d’union ne laisse aucune trace dans l’État civil, là où nous obtenons nos données. Le fait aussi que des enfants portent deux noms de famille pourra nous compliquer la tâche. Les historiens, dans 200 ans, trébucheront aux mêmes endroits où nous trébucherons bientôt. »

Patience

Les chercheurs du fichier BALSAC doivent s’armer de patience. Gérard Bouchard y va d’une révélation qui en dit long.

« J’ai voulu abandonner 98 fois en 40 ans! C’est une idée séduisante, mais qui demande beaucoup de patience. »

Des gens d’un peu partout dans le monde ont contacté Gérard Bouchard afin de savoir de quelle manière il s’y est pris afin de construire une telle base de données. Ils étaient intéressés à faire de même dans leur pays.

« Tout le monde n’est pas prêt à mettre 40 ans là-dessus. Nous avons une équipe stable et c’est ce qui fait son excellence. »

Seule l’Islande a décidé de tenter le coup. La population trop restreinte de ce pays (environ 320 000 personnes) ne constitue cependant pas un échantillon suffisamment grand pour pouvoir mener des recherches internationales.

Quel est l’objectif de monsieur Bouchard pour les cinq prochaines années? « Exactement le même qu’en 1972. Je veux accélérer la recherche pour avoir des données récentes. »

Plusieurs domaines intéressés
Des donnés plus qu’utiles

CHICOUTIMI (KBM) – Puisqu’ils sont les seuls au Québec à avoir accès aux données de l’État civil, les employés du fichier BALSAC ont dû s’astreindre à des conditions sévères afin de s’assurer de protéger la vie privée des individus « étudiés ».

« On ne veut pas que des gens sachent que telle maladie circule dans telle famille, par exemple. Tous nos employés sont assermentés. Nous pourrions perdre notre crédibilité rapidement si des données sortaient de ce bureau ! Nous sommes soumis à des règles d’éthique sévères », explique Gérard Bouchard.

Même si des recherches sont faites à ce sujet, jamais les données médicales ou génétiques n’entrent dans la banque du fichier BALSAC.
Une liste de douze mesures de protection des informations personnelles régit l’exploitation du fichier qui a vu le jour grâce à la persévérance de Gérard Bouchard. Elles vont du souci de protéger l’image des collectivités et des réputations individuelles, jusqu’à l’interdiction de s’ingérer dans la vie privée.

Pour chercheurs seulement

Monsieur et Madame Tout-le-monde ne peuvent pas utiliser les données du fichier BALSAC. Des projets, le plus souvent universitaires, sont choisis avec soin. En 2007-2008, par exemple, des projets ayant pour titres « Les conditions de vie en enfance peuvent-elles expliquer la longévité? » et « Analyse et caractérisation des effets fondateurs pour les mutations responsables des maladies de Morquio et de Tay-Sachs chez les Canadiens français » ont été autorisés.

« Une banque de données comme la nôtre permet des recherches dans toutes sortes de domaines. Il est possible de se représenter la population dans une période donnée. »

Une entente de collaboration existe entre l’UQAC, l’Université McGill, l’Université Laval et l’Université de Montréal dans le cadre du fichier BALSAC. L’institution régionale joue par contre un rôle prépondérant et est responsable de la protection de la vie privée.

Le Quotidien, Samedi, 17 octobre 2009
Un texte de Katerine Belley-Murray