Chronique

La mort musulmane objet d’un colloque

Le port du voile, la demande d’une alimentation halal dans les cafétérias scolaires ou la séparation des hommes et des femmes dans certaines piscines publiques ont été une source de tensions entre les Québécois et les immigrés musulmans, ces dernières années. Pour la première fois au Québec, le sujet de la mort musulmane en contexte d’immigration et d’islam minoritaire sera traité, les 26 et 27 avril, dans le cadre d’un colloque.

« Nous avons constaté qu’il y a une grande préoccupation dans les communautés, affirme le professeur titulaire de la Chaire d’enseignement et de recherches interethniques et interculturels (CERII), Khadiyatoulah Fall. Toute culture a ses rituels, sa manière de rendre hommage aux morts, et ceux des musulmans ne sont pas les mêmes que ceux des catholiques. Nous sommes devant un nouveau phénomène qui sera sans cesse grandissant. Il y aura de plus en plus de musulmans au Québec, puisque le Québec favorise l’immigration francophone. La problématique de la mort musulmane est vierge au Québec, il n’y a pas eu d’études à ce sujet. »

Dans la ville de Québec, par exemple, il n’y a aucun cimetière musulman, de sorte que plusieurs personnes se font enterrer à Montréal, et ce, même si leur famille réside à Québec. Les proches se rendent donc régulièrement dans la métropole afin de se recueillir. Dans l’esprit de l’islam, le défunt est un organe biologique inerte, mais qui a la capacité de sentir et d’entendre?

« Les rites à suivre sont décrits dans notre livre saint. Nous n’allons pas dans un cercueil, par exemple. La tombe est enterrée à une profondeur définie et est orientée vers La Mecque. En France, ils font des « carrés » musulmans. Seuls les pratiquants de l’islam y sont enterrés. Il s’agit des conditions préférables. Nous sommes conscients que de nouvelles religions arrivent dans l’espace canadien et qu’elles amènent avec elles de nouveaux rites, poursuit monsieur Fall. Le Québec va être confronté à cette réalité. Les immigrants vieillissent, ils ont eu des enfants ici. »

Le professeur juge que l’immigration musulmane en est une de peuplement. Elle n’est donc pas seulement de passage et a de forts risques de mourir ici, entourée de sa famille qui, elle aussi, s’est implantée au pays.

« Les gens veulent faire du sol québécois le sol où ils vont mourir. Ils appartiennent au Québec. »

Dans un écrit concernant le colloque, monsieur Fall souligne que « l’une des craintes les plus fortes du musulman est de ne pas être traité conformément à la tradition islamique, ce qui serait un obstacle à la bonne transition vers la vie éternelle. »

« Avant de venir au Saguenay, plusieurs personnes nous demandent s’il y a une mosquée. Oui, il y en a une. Elles sont toutefois déçues d’apprendre qu’il n’y a pas de cimetière musulman. Ce serait un élément d’attraction. S’il y en avait un à Québec, ce serait déjà un grand pas de fait. »

À Montréal

La demande était forte auprès de monsieur Fall afin que le colloque se déroule à Montréal. Il a refusé cette option. « Nous sommes dans une dynamique de régionalisation de l’immigration. De plus, nous avons un chercheur éminent ici en la personne de Gérard Bouchard. Comme l’initiative de ce colloque international avait été prise en région, nous voulions que ce soit ici qu’il se déroule. »

Monsieur Fall s’attend à ce qu’une centaine de personnes assistent à chacun des ateliers. Il mentionne que le colloque, qui se tiendra à l’Hôtel Chicoutimi, n’est pas réservé uniquement aux musulmans.

Le colloque sera précédé de trois conférences publiques, dont deux à Montréal et une à Québec.

Des sommités dans le domaine du multiculturalisme comme Atmane Aggoun (chercheur associé au CNRS, France) et Uli Windisch (Université de Genève, Suisse) seront de passage dans la région.

Le Quotidien, 17 avril 2010
Un texte de Katerine Belley-Murray