Chronique

Un partenariat rareArts et lettres et Sciences fondamentales

Le biologiste Jacques Ibarzabal enregistrera les chants de parulines à gorge grise et les fera analyser, ceci dans un but de conservation de l'espèce. (Photo Annie Éthier)
CHICOUTIMI – Les projets de recherche multidisciplinaires entre l’Unité d’enseignement en linguistique et en langues modernes et le Département des sciences fondamentales sont plutôt rares, voire inexistants. Un projet singulier qui permettra au biologiste Jacques Ibarzabal d’enregistrer les chants de parulines à gorge grise et de les faire analyser par le professeur Vincent Arnaud, qui s’intéresse à la variété phonétique, se mettra en branle cet été.

La paruline à gorge grise habite dans des aires discontinues, en petites communautés, au Lac-Saint-Jean, en Abitibi et sur la Côte-Nord. Il y a une population de 15 à 20 parulines à Normandin. On en retrouve d’autres à Albanel, Labrecque et L’Ascension.

« Il s’agit d’une espèce plutôt difficile à trouver, qui habite dans les peuplements de pins gris, affirme le professeur de l’UQAC et ornithologue Jacques Ibarzabal. C’est un oiseau discret. Il marche dans les feuillages, comme une souris, et vole rarement. Il ne chante pas beaucoup non plus. »

Monsieur Ibarzabal travaillera avec monsieur Arnaud afin de trouver les empreintes vocales des bêtes. Il enregistrera les oiseaux dans un contexte naturel, puis les capturera. Dans les prochaines années, il pourra donc voir si les diverses communautés présentent des « accents » différents. Il pourra également observer si les parulines sont fidèles à leur site.

« Nous pourrons aussi voir si le bagage génétique d’une communauté du Lac-Saint-Jean, par exemple, est différent de celui d’une communauté de l’Abitibi. »

C’est dans un intérêt de conservation que messieurs Arnaud et Ibarzabal uniront leurs connaissances.

« Après avoir analysé les chants, nous pourrons voir, l’année suivante, s’il y a de nouveaux individus dans la communauté. S’il n’y en a pas, on pourra constater que l’espèce ne se reproduit pas ou peu. »

Bleuetières

La présence de plusieurs bleuetières, qui occupent les mêmes territoires que ceux appréciés par les parulines, diminue les chances de survie de cet oiseau.

« Quand on coupe des arbres pour faire des bleuetières, on change l’habitat. La paruline à gorge grise risque de disparaître sans que quiconque s’en rende compte. L’industrie du bleuet risque d’être montrée du doigt par les écologistes. Cela serait dommage, car c’est une industrie primordiale pour la région. Il faut donc travailler en collaboration pour que le milieu de vie de cette espèce ne soit pas détruit. »

Le professeur souligne qu’il n’y a guère longtemps, la plus grande communauté de parulines à gorge grise se trouvait à Saint-Honoré. Les importants développements dans cette municipalité ont fait totalement disparaître l’espèce.

Monsieur Ibarzabal explique qu’en 2001, la superficie cultivée en bleuets dans la région était 170 kilomètres carrés. En 2008, elle avait grimpé à 230, ce qui équivaut à près du quart du Lac-Saint-Jean.

« Il s’agit de l’un de mes intérêts de recherche, de voir ce que l’on peut faire comme aménagement. »

Atlas

Monsieur Ibarzabal fait présentement partie d’un groupe d’ornithologues du Québec qui répertorient tous les oiseaux nicheurs de la province afin d’actualiser l’atlas publié en 1995. « Le projet avait débuté en 1984, pour être publié en 1995. Nous devons recommencer le travail. »

Pour cet atlas, le professeur est coordonnateur régional. Il quitte donc régulièrement son « nid » familial, vers 20 h, afin d’aller écouter et observer les diverses espèces.

« Nous divisons le Québec en zone de dix kilomètres. Il y a des stations d’écoute à chaque kilomètre. C’est une entreprise difficile », explique celui qui a commencé à s’intéresser sérieusement à l’ornithologie en 1983, alors qu’il était adolescent.

Relève

L’homme est très impliqué au sein du club d’ornithologie du Saguenay–Lac-Saint-Jean. « J’ai commencé alors que je faisais partie d’une colonie de vacances aux Grandes-Bergeronnes. J’ai adoré. Nous avons maintenant plus de difficulté à attirer les jeunes. »

Le Quotidien, 24 avril 2010
Un texte de Katerine Belley-Murray