CHAPITRE VI

 

 

RÉPARTITION THERMIQUE DES MOLÉCULES ENTRE LES DIVERS ÉTATS DE ROTATION ET DE VIBRATION

 


Objectifs

La molécule diatomique, la plus simple, tourne sur elle-même et vibre le long de sa liaison inter atomique. Les niveaux d’énergie sont quantifiés. Ils portent donc des énergies bien précises. À la température normale, est-ce que tous ces niveaux sont peuplés ? Est-ce que les molécules ont les moyens, l’énergie requise pour occuper l’un quelconque de ces niveaux ? Si non, quelles sont les lois qui s’appliquent ?

 


6.1 Introduction

 

La molécule peut être excitée, c’est-à-dire passer à un état d’énergie supérieure par l’un quelconque des mécanismes résumés dans le tableau 6.1.

Suivant la quantité d’énergie disponible, la molécule pourra être portée à l’un ou l’autre des niveaux d’énergie possible. Nous avons vu qu’un certain nombre de niveaux de rotation et de vibration étaient possibles. Nous verrons plus loin qu’un certain nombre de niveaux électroniques sont également possibles (ce phénomène est tout à fait analogue à l’existence des niveaux électroniques dans l’atome). Les sauts électroniques peuvent même conduire à l’ionisation complète de la molécule. De même, la vibration peut être si énergétique qu’elle puisse conduire à la dissociation de la molécule.

Avant de traiter l’effet de l’excitation thermique des molécules il est bon de comparer les énergies qu’il faut mettre en jeu pour réaliser les diverses transformations précédentes.

Il faut ensuite comparer ces énergies à l’énergie thermique disponible à une température T afin de pouvoir étudier l’effet thermique sur les molécules (Fig. 6.1).

Figure 6.1.  Excitation thermique des molécules.

 

La figure 6.2 rend compte de quelques phénomènes associés à la photochimie des molécules, en particulier dans les cas de la photochimie ultraviolette et infrarouge.  Cette figure comprend aussi, dans la partie supérieure droite, les indications de chemins réactionnels disponibles lorsque la molécule a acquis une énergie supérieure ou égale aux énergies d'activation E', E", E"'...

Figure 6.2. Excitation photochimique infrarouge ou U.V. des molécules.

 

 

Une fois excitée, la molécule M*, peut utiliser cette énergie interne de nombreuses façons. Elle peut réagir elle-même, sans intervention extérieure dans ce que l’on nomme des réactions monomoléculaires : émission de lumière, d’un électron (auto ionisation), fragmentation (rupture de liaison), isomérisation,... Elle peut aussi effectuer ces mêmes réactions sous l’influence d’une perturbation extérieure (induction par collision). Bien souvent elle peut transférer tout ou partie de cette énergie interne dans des réactions bimoléculaires. Dans ces cas, la nature de cette énergie interne est importante: énergie de translation, de rotation, de vibration, électronique. La figure suivante schématise quelques cas de figures. Plusieurs de ces processus sont disponibles pour des atomes excités: voir un cours de physique moderne ou atomique. Un cours de cinétique chimique présente des aspects particuliers de plusieurs d’entre eux. Les tableaux qui suivront expliciteront quelques cas particuliers.

 

     Émission : 
          - M + h
n, spontanée, 
          - M + 2 h
n simulée (laser), 
          - M + A + h
n, induite par collision,... 
     Transfert d’énergie par collision :
          - en résonance M + M*,
          - non résonnant M + B + énergie,
          - par pompage M + M**,
          - électronique en énergie :
              - cinétique M + B + énergie,
              - vibr. + rot. + cin., M + B# + énergie,
     Réaction :  
     a- M est un atome:
        - M + B + C  dissociative,
        - MB + C      par abstraction,  
        - MBC#        d’insertion,...,...
    b- M est une molécule    R'-R": 
       - N                    isomérisation,
       - N + D             isomérisation par collision,
       - R' + R"            fragmentation,
       - R' + R" + D     fragmentation par collision,...
     Ionisation :
         - détachement par collision, M+ + C + e
-,
        
- Penning                             M + C+ + e
-,
        
- associative                        MC+ + e
-,
        
- dissociative                       M + B+ + C + e
-,
        
- après réarrangement          MB+ + C + e
-,...

Figure 6.3. Quelques modes réactionnels d’une molécule excitée.

 

Comportement chimique d’un radical vibrationnellement excité

 

•H + O3 ® O2 + •OH# (u = 9)
•OH#(
u = 9) + R ® Produits
•OH (
u = 0) + R ® Produits

 

Tableau 6.1. Constantes de vitesse de réactions de radicaux •OH différemment excités avec des hydrocarbures

R

Vitesses relatives

·OH (u = 0)

·OH#(u = 9)

CH4

0,03

0,58

CD4

0,02

0,39

CF4

< 0,001

0,07

C2H6

1,0 a

1,0

C3H8

4,3

1,6

n-C4H10

9,3

2,8

iso-C4H10

8,9

2,7

n-C5H12

13,2

3,9

C2H4

31,4

8,5

C3H6

107

16,2

cis-2-C4H8

221

17,7

C6H6

4,3

10,7

a: constante de vitesse absolue = 2,8 10-13 cm3·molécule-1·s-1.
Réf. :  Finlayson-Pitts, B. J., D. W. Toohey et M. J. Ezell, 
Intern. J. Chem. Kinetics
, 17, 613-628 (1985).

La vitesse de réaction de type bimoléculaire dépend de l’énergie de vibration disponible dans l’un ou l’autre des partenaires en réaction.

 

 

Réactions des atomes de mercure électroniquement excités

1. Dissociation directe :

Hg(3P1) + RH(CH4, C2H6, C3H8, . . . )
               
® Hg(1S0) + •H + •R (•CH3, •C2H5, •C3H7, ...);
Hg(3P1) + H2S    
®   Hg + •H + HS• ;
Hg(3P1) + N2O   
®   Hg + N2 + •O;
Hg(3P1) + NH3   
®   Hg + •NH2 + •H.


2. Formation d’un composé de mercure :

Hg(3P1) + H2 ® HgH + ·H,       F = 0,80
Hg(3P1) + HCl
® HgCl + •H
Hg(3P1) + CH3Cl
® HgCl + •CH3
Hg(3P1) + C2H2
® HgH + •C2H(?);      F = 0,18


3. Relaxation du type spin-orbite (
F est le rendement quantique):

Hg(3P1) + CO ® Hg(3P0) + CO;    F = 0,74
Hg(3P1) + N2
® Hg(3P0) + N2;     F = 0,9


4. Transfert d’énergie électronique en énergie de vibration :

    Hg(3P1) + CO ®   Hg(3P0) + CO (u" = 1-10)

 

5. Formation d’une molécule électroniquement excitée :

Hg(3P1) + CS2 ® Hg(1S0) + CS2*
Hg(3P1) + H2O
® Hg(3P0) + H2O*

 

NOTE : Hg(3P1): E = 4,886 eV; (l = 253,7 nm) ;
        Hg(1P1): E = 6,703 eV; (
l = 184,9 nm).

 

Cas du quenching de la molécule d’oxygène électroniquement excitée :

O2* + M ® O2 + M
O2*
® O2 + hn

 

Tableau 6.2. Constantes de vitesse de Quenching de O2
électroniquement excité à 300 Ka

Gaz

O2 (a' D)

O2 (b' S+)

He

8 10-21

10 10-17

O2

2 10-18

4,5 10-16

N2

1,4 10-19

1,8 10-15

H2

5,3 10-18

1,1 10-12

CO

7 10-18

1,1 10-12

O3

4,4 10-15

2,5 10-11

a : k est exprimé en cm3·molécule-1·s-1.

 

 

Physico-chimie de NO électroniquement excité

Tableau 6.3. Temps de vie des émissions spontanées
de NO électroniquement excité

État initial

Émission vers les états a :

X2 P

A2 e

A2P

0,51 107

- -

B2P

0,32 106

- -

C2P

5,1 107

3,5 107

D2S

4,1 107

0,95 107

a : en secondes.

Le temps de vie d’une espèce électronique excitée dépend de l’état excité.

 

Tableau 6.4. Exemples de demi-pression de quenching

État initial

NO

CO2

N2a

Ar

CO

H2

A2 S (u'=0)

0,66

0,39

1 880

< 1 900

7,14

9

c2 P (u'=0)

13,1

16

34a

3 760

28

 

D2 S (u'=0)

0,44

1,4

5,5a

10

 

8,3

B2 S

0,077

1,02

17

     

a : N2 induit les transitions D ® A, C ® A avec formation concomitante de N2 (A3 S).

L’efficacité d’une réaction de transfert d’énergie dépend de la nature de l’état électronique ou des niveaux de vibration (et l'on peut inclure les niveaux de rotation) des partenaires en collision.


6.2 Processus physiques intra moléculaires

Ionisation L’énergie est du même ordre de grandeur que celle nécessaire aux atomes soit 5 à 14 eV par molécule ou 480 à 1350 kJ/mol.
Dissociation L’énergie peut être déterminée par voie spectroscopique ou chimique. Elle est de l’ordre de 125 à 500 kJ/mol
Saut électronique L’énergie est du même ordre de grandeur que pour les atomes et donne lieu à l’absorption ou à l’émission de quanta dans le visible et l’ultraviolet (0,5 mm à 0,1 mm. Elle est de l’ordre de 240 à 1 200 kJ/mol.
Vibration (passage du niveau u = 0 à u = 1) Donne lieu à l’absorption de quanta dans la région 5 mm - 2 mm. De l’ordre de 25 à 60 kJ/mol.
Rotation (passage du niveau J = 0 à J = 1) Donne lieu à l’absorption de quanta dans la région 1 nm à 50 mm. De l’ordre de 0,13 à 2,5 kJ/mol.

 


6.3 Énergie thermique à une température donnée

 

Le principe de l’équipartition de l’énergie de Maxwell déduit de la théorie cinétique des gaz, nous apprend que l’énergie disponible dans un gaz à une température T est répartie de façon identique dans les différentes catégories d’énergie possibles. Une molécule individuelle possède l’énergie 1/2 kT (k = constante de BOLTZMANN) par degré de liberté. Remarquons bien que cette valeur kT est une valeur moyenne de l’énergie. Il existera des molécules qui possèdent plus que cette valeur moyenne et d’autres moins que cette valeur moyenne; mais d’un point de vue statistique, une majorité de molécules possèdent l’énergie 1/2 kT par degré de liberté.

On rappelle qu’une molécule quelconque ayant n atomes, disposent de 3 n degrés de libertés.  En effet dans un système cartésien, chaque atome peut se mouvoir dans chacune des trois directions déterminées par les axes Ox, Oy et Oz (Fig. 6.3 et 6.4).

Figure 6.3. Molécule tridimensionnelle. Figure 6.4. Molécule linéaire.

 

En supposant, pour avoir un ordre de grandeur, que toutes les molécules possèdent l’énergie moyenne, on trouve que l’énergie disponible par mole (N est le nombre d’AVOGADRO) et par degré de liberté est :

(6.1)           1/2 (R/N) T ´ N = 1/2 R T

Rappelons que la constante des gaz parfaits R est égale à 8,31 joules/K/mol soit environ 2 10-3 kcal/oC/mole et que N k = R.

À la température de 300 K, le produit RT devient :

R T   =   8,314 J mol-1 K-1 ´ 300 K   =   2,5 kJ mol-1

Envisageons maintenant les diverses formes d’énergie possibles et le nombre de degrés de liberté attachés à chacune d’elles.

Translation Trois degrés de liberté (3 coordonnées du centre de masse)
- énergie disponible pour la translation: 3/2 RT.
Rotation Deux degrés de liberté (deux angles q et  j).
- énergie disponible pour la rotation : RT (grandeur molaire).
Vibration Cas des molécules diatomiques: un degré de liberté (distance inter nucléaire) ;
- cas des molécules linéaires  3N
- 5;
- cas des molécules polynucléaires : 3N
- 6.
L’énergie disponible pour chaque vibration est  kT*.

*: Dans le cas de la vibration, on considère que l’énergie est à la fois distribuée sous forme d’énergie potentielle et sous forme d’énergie cinétique.  La molécule a ainsi deux façons d’accumuler de l’énergie.  Elle a donc la possibilité de "stocker" 2 fois 1/2 kT par degré de liberté de vibration (RT pour une mole).

 


6.4 Excitation thermique de la molécule

 

On peut maintenant, à partir des données fondamentales précédentes calculer la température à atteindre pour effectuer une transformation donnée. Les résultats approximatifs sont notés dans le tableau ci-après :

On peut tirer quelques conclusions intéressantes en examinant ces nombres.

-Les molécules seront en majorité à la température ordinaire dans l’état de vibration fondamental. Une très faible partie pourra être dans le niveau u  = 1. Il faudra chauffer pour les faire passer aux états suivants.
-Les molécules tournent; même à basse température et à la température ordinaire elles atteignent certainement des niveaux d’énergie de rotation élevés.
-Il faut chauffer vers 1 000 degrés pour avoir des chances de dissocier un certain nombre de molécules.
-On observera les raies caractéristiques des sauts électroniques que dans les flammes très chaudes.
-L’ionisation s’observera dans le soleil et les étoiles (en réalité on l’observera également pour certaines molécules dans certaines flammes car il ne faut pas oublier que kT est l’énergie moyenne disponible et que certaines molécules pourront avoir une énergie beaucoup plus élevée).

Tableau 6.5. Relations transformation intra moléculaire – énergie

Transformation
intra moléculaire

Énergie nécessaire
(kJ/mole)

Température à
atteindre (K)

rotation (J=0 ® J=1)

0,10 - 2,5

15 - 300

vibration (u=0 ® u=1)

30 - 60

3 500 - 7 000

10 % dissociation

12 - 50

1 500 - 6 000

10 % saut électronique

24 - 120

2 850 - 14 000

10 % ionisation

50 - 135

5 700 - 16 000

 

 

Figure 6.5. Répartition des molécules dans les niveaux de vibration.

 

Le problème posé est de savoir combien de molécules occupent les divers niveaux possibles d’énergie de vibration à une certaine température T.

 

La loi statistique de distribution de MAXWELL-BOLTZMANN montre que, dans une enceinte à la température T, le nombre NE de molécules possédant l’énergie de vibration E est donné par :

(6.2)          NE  =  N e-E/kT

Dans cette égalité, N est le nombre total de molécules et k la constante de BOLTZMANN.

 

L’énergie de vibration à fournir pour un niveau quelconque u est hc[G(u)-G(0)],  h est la constante de PLANCK.  Le nombre de molécules dans le niveau u est :

(6.3)      Nu = N e-hc[G(u)-G(0)]/kT

Il est donc proportionnel au facteur   e-hc G(u)/kT  

On peut facilement calculer le rapport du nombre des molécules d’un niveau quelconque au nombre de molécules dans le niveau u = 0. Par exemple, ce rapport pour les niveaux u = 1 et u = 0 est :

(6.4)

  Voici quelques nombres donnant ce rapport pour différentes molécules et pour les deux températures 300 K et 1 000 K. Ces nombres donnent une idée du peuplement relatif des deux niveaux. On voit que, pour la plupart des molécules, même à 1 000 K les niveaux supérieurs seront très peu peuplés.

 

Tableau 6.6. Populations relatives de quelques niveaux de vibration

Molécule

G(1) - G(0) (cm-1)

e-hc[G(1)-G(0)]/kT

300 K

1000 K

H2

4 160,2

2,16 10-9

2,51 10-3

HCl

2 885,9

9,77 10-7

1,57 10-2

N2

2 330,7

1,40 10-5

3,50 10-2

CO

2 143,2

3,43 10-5

4,58 10-2

O2

1 556,4

5,74 10-4

1,07 10-1

Cl2

556,9

6,92 10-2

4,49 10-1

I2

213,2

3,60 10-1

7,36 10-1

 


6.5 Intensité des raies spectrales

 

L’intensité d’une raie d’émission, résultant de la transition entre deux niveaux d’énergie n et m, peut être considérée comme l’énergie totale transportée par tous les quanta hnnm provenant des atomes ou molécules qui ont effectué cette transition, par unité de temps.

Si Wnm est ce dernier nombre on peut écrire : I = Wnm hnnm

Le nombre Wnm peut être mis sous la forme : Wnm = Nn Anm

Nn représente le nombre d’atomes dans l’état initial et Anm un nombre appelé probabilité de transition. Cette probabilité de transition fixe le nombre de transitions effectuées par un groupe ou de molécules pendant l’unité de temps. Il est calculable théoriquement et mesurable dans certains cas. On a donc finalement:

 

(6.5)      Iémis   Nn Anm hnnm

Il faut retenir surtout que l’intensité de la raie est directement proportionnelle à la population Nn du niveau initial.

 Figure 6.6. Transition en émission.

L’intensité des raies d’absorption peut également être mise sous une forme analogue. Un coefficient supplémentaire est dû au fait que l’intensité d’une raie d’absorption est directement proportionnelle à l’intensité rn du fond continu pour la fréquence n. Le même raisonnement que précédemment permet d’écrire :

(6.6)        Iabs = Nm Bmn hnnm rn

La probabilité de transition en absorption est différente de la probabilité de transition en émission.  On doit remarquer de nouveau que l’intensité de la raie dépend directement du nombre de molécules dans l’état initial.

 

Bandes de vibration pure

 

On comprend maintenant que seule la bande d’absorption de vibration u = 0 ® u = 1 soit observée.  Les niveaux u = 1, 2, 3, . . . étant très peu peuplés, les bandes correspondantes (par exemple : u = 1 ® u = 2) ne sont pas observées.

 

On peut également comprendre pourquoi l’émission due à de telles transitions n’est pas observée à la température ordinaire. La possibilité la plus favorable serait en effet u = 1 ® u = 0 mais le niveau u = 1 étant peu peuplé, le nombre de transitions est insuffisant pour être observé.

 


6.6 Répartition thermique des molécules entre les divers états de rotation


La loi de MAXWELL-BOLTZMANN est encore valable pour l’énergie de rotation. Si la distribution statistique de BOLTZMANN était seule en cause, le nombre de molécules dans un niveau devrait décroître à mesure que J augmente. Donc l’intensité des raies d’absorption de rotation devrait décroître régulièrement depuis J = 0, si on admet que les probabilités de transition sont les mêmes pour chaque raie. Au lieu de cela, on a vu que l’on observerait un maximum d’intensité pour une certaine valeur de J ; on a vu également que la position de ce maximum dépendant de la température. Un autre phénomène vient donc perturber cette distribution.

 

Ce phénomène est la multiplicité de chaque niveau. La rotation des charges (noyaux) entraîne la création d’un moment magnétique dans la direction du moment cinétique. La molécule est en fait un petit aimant. Ce moment magnétique s’oriente dans un champ magnétique suivant 2J + 1 positions possibles (phénomène exactement analogue à l’orientation des moments magnétiques atomiques de spin). Par suite de la valeur différente de l’énergie du dipôle pour chaque orientation, un niveau J est dédoublé en 2J + 1 sous niveaux dans un champ magnétique extérieur (on observe très difficilement cet effet de dédoublement sur les raies de rotation pure car il est très petit). En l’absence de champ extérieur, les niveaux sont dégénérés, mais ils correspondent tout de même à des niveaux possibles. Peupler le niveau J = 2 cela veut dire en fait, peupler 5 niveaux. De même, peupler J = 3 revient à peupler 7 niveaux, etc.   Puisque la répartition thermique entre les niveaux ne dépend que de l’énergie, le niveau J = 3 sera 7/5 fois plus peuplé que le niveau J = 2.

 

Le nombre NJ de molécules dans un niveau J sera donc proportionnel au nombre de sous niveaux possibles et au facteur de BOLTZMANN :

(6.7)     Nj  =  N (2J+1) e-hc F(J)/kT

Figure 6.7. Répartition des molécules dans les niveaux de rotation.

 

La représentation de cette fonction est donnée sur la figure pour HCl à 300 K. À cause du facteur 2J+1 la courbe est d’abord croissante puis passe par un maximum lorsque le terme exponentiel est compétitif et enfin décroît à peu près exponentiellement (voir aussi le tableau 6.7).

 

L’intensité des raies étant liée à la population des niveaux, le maximum d’intensité pour une raie correspondant à un certain niveau initial J est donc expliqué. Ce niveau Jmax correspond au maximum de la courbe précédente, c’est-à-dire :

(6.8)

Or F(J) = B J(J+1), donc :

N(J) = K(2J + 1) e-hcBJ(J+1)/kT       K est un facteur de proportionnalité

et N(J) est maximum quand  dN(J)/dJ   =  0,

Pour que le membre de droite de l’équation soit nul, il faut que l’un des facteurs composant le produit soit nul.  Ce ne peut être que le facteur entre crochets.

 

 


 

(6.9)

 

Cette expression montre la dépendance de la raie d’intensité maximum avec la température. Elle est la base d’une mesure de température de la molécule dont l’exploitation est utile dans le cas où on ne peut atteindre le système (étoiles) ou dans le cas où l’introduction d’un thermocouple perturbe le système (flammes).

 


6.7 Intérêt des spectres d’absorption des molécules

 

Identification de la molécule (analyse) : Fréquences fondamentales d’absorption caractéristique.

Dosage : L’intensité de la bande fondamentale d’absorption est proportionnelle au nombre de molécules dans le niveau u = 0 donc, pratiquement au nombre total de molécules.

Température de la molécule : Le maximum d’intensité du spectre de vibration-rotation dépend de la température T.

Structure : Valeurs du moment d’inertie, de la distance inter nucléaire, de la constante de force, de l’anharmonicité et information sur la déformation de la liaison sous l’effet de la force centrifuge sont des éléments de structure.

Théorie : Un système mécanique simple a permis d’expliquer complètement les phénomènes observés. Cette théorie est précieuse car elle permet d’aborder les molécules polyatomiques beaucoup plus compliquées.

 

Tableau 6.7. Populations relatives des niveaux de rotation de H¾Cl
à différentes températures (niveau fondamental de vibration
u = 0)

Niveau de rotation J

Température (K)

200

400

600

800

1 000

0

30,22

15,31

10,25

7,70

6,17

1

77,67

42,50

29,20

22,23

17,95

2

95,00

60,69

43,90

34,30

28,12

3

83,62

67,37

52,65

42,76

35,88

4

57,91

63,57

55,08

46,09

40,70

5

32,66

52,77

52,02

47,44

42,68

6

15,26

39,21

45,12

44,45

41,89

7

5,96

26,33

36,29

39,13

38,92

8

1,96

16,07

27,22

32,54

34,44

9

0,54

8,96

19,13

25,68

29,14

10

0,13

4,57

12,63

19,28

23,63

11

0,03

2,14

7,84

13,80

18,42

12

0,00

0,92

4,59

9,43

13,81

13

 

0,36

2,54

6,16

9,98

14

 

0,13

1,32

3,85

6,95

15

 

0,04

0,65

2,30

4,67

16

 

0,01

0,30

1.32

3,03

17

 

0,00

0,13

0,73

1,90

18

   

0,06

0,38

1,15

19

   

0,02

0,19

0,67

20

   

0,01

0,09

0,38

21

   

0,00

0,04

0,21

22

     

0,02

0,11

23

     

0,01

0,06

24

     

0,00

0,03

25

       

0,01

Jmax

2,04

3,10

3,90

4,59

5,19

Note : Population normalisée à 401,0; Maximum = 100 à 200 K.

 



CONCLUSIONS

À la température ordinaire, seule une vingtaine (approximativement) de niveaux d’énergie de rotation sont peuplés. Dans le cas de la vibration, les molécules se retrouvent en très grande majorité dans le niveau de vibration fondamental u = 0.

 

 

Pour en savoir plus

 

Sur le NET :  Une page bien documentée sur la distribution de MAXWELL-BOLTZMAN, voir à l'index sous "Maxwell-Boltzman statistics" et la distribution de vitesse de particules dans un gaz sous "Maxwell distribution" :

 http://hyperphysics.phy-astr.gsu.edu/hbase/hframe.html (visité le 2021-06-21).

 


6.8 Exercices

 

1. Calculez l’énergie kT disponible à la température ordinaire et comparez-la à l’énergie requise pour effectuer le saut rotationnel (J = 1 à J = 2) dans le cas de la molécule HCl. Même question pour le saut de vibration u = 0 à u = 1.

 

2.  Calculez les populations relatives des niveaux de rotation J = 0, 5 et 10 pour la molécule H-Cl à 300 et à 1 000 K. On établira la population du niveau J = 0  à 1 (B = 10,34 cm-1).

Calculez la valeur théorique maximum du nombre quantique de rotation à la température de 1 000 K.

Réponse :  J  =  5.

3. Calculez les populations relatives des niveaux de rotation J = 0, 2, 4, 6, 8 et 10 pour HI à 300 et 1000 K. Calculez la valeur de J pour laquelle N(J) est maximum à 300 et à 1 000 K.
                  (Note: I = 4,31 10
-47 kg·m2)

 

4. L’azote moléculaire est chauffé dans un arc électrique. On observe par spectroscopie que les nombres relatifs de molécules dans chacun des états de vibration (E = (u + 1/2) hn) sont les suivants :

u   0 1 2 3
Nu / N0 1,00 0,26 0,07 0,02

a) Montrer que le gaz est en équilibre dynamique avec la distribution de l’énergie vibrationnelle.
b) Quelle est la température du gaz ?

(Note : la vibration d’élongation de N2 est située à 2 331 cm-1).

Réponse :  T  =  2523 K.

5. Les constantes de rotation de HF, H35Cl et H80Br sont respectivement égales à 20,956, 10,593 et 8,465 cm-1. Calculez pour chaque molécule

- son moment d’inertie
- la longueur de la liaison HX (en Ängstrom)
- les populations relatives des niveaux J = 4 et J = 5 à 1 000 K
- les valeurs de J pour lesquelles les intensités de raies sont maximum à 1 000 K.

Réponses : J = 4 pour HF, J = 5 pour HCl et J = 6 pour HBr.

6. À haute température, T = 1 000 K, 39K35Cl vapeur montre une absorption à 7 687,94, 7 640,78, 7 593,83 et 7 547,07 MHz. Ces transitions ont été indexées aux transitions J = 0 à J = 1 dans chacun des niveaux de vibration u = 0, u = 1, u = 2 et u = 3 respectivement.

a) Calculer le moment d’inertie et la longueur de la liaison dans chacun des états de vibration.

Réponse :  r  =  0,2669  nm.


b) Calculer l’énergie, en cm-1, de chacun des niveaux J = 0, 1, 2, 3, 4 et 5 dans le niveau de vibration  u = 0.
c) Calculer la population relative dans chacun de ces 6 niveaux de rotation (
u = 0).
d) Quel sera le niveau J le plus peuplé à 1 000 K ?

Réponse :  Jmax   »    52.

 

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Dernière mise à jour : 2021-07-02.