CHAPITRE XIV


LE GÉNIE DES PROCÉDÉS

Objectif

Certaines Universités québécoises offrent des formations en génie chimique. Ces futurs ingénieurs reçoivent une formation au moins partielle en chimie.

Questions :
   - Quels liens peut-on faire entre la chimie et le génie chimique, entre le (la) chimiste et l’ingénieur(e) chimiste ?
   - Qu’il y a-t’ il de chimie dans le génie chimique ?

Objectif :
   - Connaître les différences qui existent entre ces deux types de formation pour enpprécier leurs limites respectives.

 

 


 

1. Préambule

Ce chapitre constitue moins un chapitre d’un manuel de thermodynamique qu’une introduction à la chimie industrielle et plus particulièrement à la mise en œuvre des procédés chimiques à l’échelle industrielle. L’étudiant en chimie, au laboratoire, ne se préoccupe pas ou peu de la matière qu’il consomme, ni de ce que l’on fera des produits. L’énergie étant disponible en quantités illimitées - ou presque - il n’a pas de questionnement sur la consommation qu’il en fait ou de celle qu’il jette dans l’évier... Cependant, les contingences environnementales étant devenues ce qu’elles sont, il est amené de plus en plus fréquemment à réfléchir, par exemple, sur la disposition des produits dangereux. Il y a donc une sensibilisation de plus en plus grande sur les à-côtés des réactions chimiques réalisées au laboratoire.

À l’échelle industrielle, donc dans une entreprise qui doit faire des profits, le coût des matières premières, de l’énergie, de la main d’œuvre, de la disposition ou de l’élimination des sous-produits (déchets) - ou même de leur valorisation- deviennent une préoccupation majeure. Bien entendu chacun des procédés unitaires doit viser à atteindre un rendement maximum et le recyclage des produits, y compris de l’eau, doit être à son maximum.

C’est là la place privilégiée de l’intervention de l’ingénieur chimiste. Pour chacun des procédés unitaires, il établit (calcule, prévoit, ...) une série de bilans que l’on peut classer en deux catégories: ils sont de matières ou massiques et thermiques ou énergétiques. Par ailleurs, la vitesse de chacun des processus est un élément fondamental à considérer. Plus l’ensemble des processus réactionnel conduisant aux produits recherchés est rapide et moins les inventaires seront importants.

 


 

2. Les bilans de matières

Ces bilans reposent sur le principe de la conservation de la matière. En ce domaine :

 

Rien ne se perd, rien ne se crée !

 

Une conséquence de ce principe est qu’un système clos, ou complètement fermé, n’est l’objet d’aucune variation de masse. Ce cas est évidemment trivial. Rappelons cependant qu’un système fermé n’est pas nécessairement isolé: il peut donc échanger de l’énergie avec l’extérieur. Le système isolé n’échange ni matière, ni énergie avec l’extérieur.

Soit par exemple un cristallisoir : figure 14.1. L’opération vise à cristalliser un sel, S, de faible solubilité, contenu dans une solution de température TS et de concentration CS. Soit Qsol la quantité de solvant et QS la quantité de sel dissout entrant dans le cristallisoir pendant une unité de temps. La température et la concentration de la solution sont telles que la solution n’est pas saturée mais elle en est proche. Dans le cristallisoir, l’opération vise à refroidir la solution initiale à une température finale T'S  telle qu’elle devienne saturée et même sursaturée. Le sel alors cristallise et la solution qui sort du cristallisoir est saturée, concentration C'S, à cette température de sortie. Pour évaluer la quantité de sel que l’on pourra extraire de la solution initiale, on doit connaître la variation du coefficient de solubilité du sel en fonction de la température, c’est-à-dire entre les températures d’entrée et de sortie. Pour refroidir la solution, on utilise un fluide réfrigérant qui entre à la température TR et en sort à la température T'R  selon la méthode du contre-courant.

 

Figure 14.1. Schéma du procédé de cristallisation.

 

On reconnaîtra aisément que 

T'S < TS, que C'S < CS et que T'R > TR.

Par ailleurs, la quantité de sel qui entre dans le cristallisoir doit être égale à la quantité qui en sort , soit en solution soit dans le filtrat. De la même manière la quantité de solvant liquide qui entre sous la forme de solution doit être égale à la quantité de solvant qui en sort partiellement épuisée. Il en est de même des quantités d’entrée et de sortie du fluide réfrigérant. Appliqués ici à un processus physique, ces bilans de matières s’appliquent tout autant à des réacteurs chimiques, où se réalisent les transformations chimiques.

Figure 14.2. Le cristallisoir : bilan de matière.

En complément à cette unité de base d’un processus complexe, on peut penser que le cristallisoir pourra être précédé d’une unité de refroidissement partiel de la solution de manière à amener la solution à une température proche de la saturation. À la sortie, la solution épuisée contient encore du sel en solution : elle sera vraisemblablement recyclée en amont du procédé de manière à en optimiser le rendement global.


3. Les bilans d’énergie

Figure 14.3. Le cristallisoir : bilan énergétique.

À nouveau, rien ne se perd, rien ne se crée! Dans le cas précédent, la solution d’entrée est refroidie lors de son passage dans le cristallisoir. Il y a une quantité d’énergie qui est transférée vers le fluide réfrigérant. On calcule donc par unité de temps, la quantité d’énergie perdue par le solvant et celle gagnée par le fluide réfrigérant :

QS × CPS × DTS   où   DTS  =  TS  -  T'S   est la variation de température de la solution, et

QR × CPR × DTR    où  DTR  =  TR  -  T'est la variation de température du réfrigérant.

 

QS et QR sont les quantités de matières, CPS et CPR sont les capacités calorifiques correspondantes de la solution et du fluide réfrigérant. Ces deux produits ne sont pas égaux puisque le processus de cristallisation n’est pas athermique. Il faudra donc intégrer la quantité d’énergie absorbée par le processus de cristallisation. Sans oublier la quantité d’énergie emportée par les cristaux... Une alternative plus intéressante, et aussi plus exacte est de connaître la capacité calorifique de la solution en fonction de la concentration de soluté.

On peut aussi ajouter que, dépendant de la quantité d’énergie emportée, le fluide réfrigérant peut faire l’objet d’une opération ultérieure de récupération d’énergie. En guise d’exercice, l’étudiant peut essayer d’imaginer, et d’assembler sur un schéma, l’ensemble des opérations unitaires impliquées dans la fabrication du perchlorate d’ammonium (voir Chapitre XIII.4) ou du procédé Solvay (voir Chapitre XIII.3).

 


 

4. La cinétique

Un second élément tout aussi important est la connaissance de la vitesse des processus, qu’ils soient physiques ou chimiques. La vitesse de transfert de chaleur dans un condenseur n’est pas immédiate. Le temps nécessaire à ce transfert entraîne la mise en forme d’un équipement de dimensions convenables. Les coefficients de transfert de chaleur à travers les matériaux utilisés sont donc extrêmement importants. Les mélanges mettant en présence des quantités importantes de réactifs exigent aussi des installations performantes. Il en est de même des processus réactionnels: ils peuvent être très rapides, très lents et souvent incomplets (réactions équilibrées, ...). Tous ces facteurs exigent l’élaboration de design d’équipements certainement beaucoup plus complexes, plus élaborés que ce que laisse croire la manipulation de ces réactions à l’échelle du laboratoire. C’est là tout le défi associé à la pratique du génie chimique.


 

5.  Conclusion

 

Si le (la) chimiste calcule et prévoit comment un mélange réactionnel va se comporter, il ne se préoccupe guère de la mise en œuvre des réactions et des procédés de synthèses, de transformations industrielles. L’ingénieur(e) chimiste adapte les réacteurs et les appareils aux réalités de la production en milieu industriel. C’est moins un chimiste et beaucoup plus un ingénieur de construction. Dans le développement d’un procédé industriel, il effectue la suite logique des travaux entrepris par le (la) chimiste.

 

 


 

Pour en savoir un peu plus :

Fauduet, H., Principes fondamentaux du génie des procédés et de la technologie chimique, Lavoisier TEC-DOC, Paris, 1977.

 

Dernière mise à jour : 2021-07-10.

 

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