CHAPITRE II
Comment peut-on mesurer lénergie interne dun système ? Et dabord, comment définir un système ? Est-ce quun système peut seulement échanger de la chaleur avec lextérieur ? Sil y a variation de volume au cours dune transformation, cette variation de volume doit commander un certain travail qui sajoute algébriquement à léchange de chaleur. Comment peut-on tenir compte de cet échange de travail ? |
1. Postulat et quelques définitions
Quelques définitions :
-
Variable thermodynamique : ce sont les quantités observables en
thermodynamiques;
- Fonction thermodynamique : fonction qui implique les variables
thermodynamiques;
- Coordonnées thermodynamiques : synonymes de variables thermodynamiques;
- Fonction d’état : fonction thermodynamique qui prend une seule valeur
pour un état donné.
- État d’une substance : liste de toutes ses propriétés physiques et
chimiques.
Quatre paramètres sont nécessaires pour définir thermodynamiquement une substance pure. Toutes les autres propriétés peuvent se déduire (tout au moins en théorie) de ces quatre propriétés. On choisi habituellement la pression P, la température T, le volume V et le nombre de moles n. Mêmes ces quatre paramètres ne sont pas indépendants ; ils sont reliés par une équation appelée équation d’état. Par exemple, pour un gaz parfait le produit pression volume est constant : PV = n RT. Les autres propriétés peuvent être obtenues à l’aide d’opérations appliquées à l’équation d’état.
Postulat :
|
Conséquence, lénergie de lunivers est constante.
Définitions de systèmes fermé et isolé, S : |
1.1 Système ouvert : échange de matière et d'énergie avec l'extérieur;
1.2 Système fermé : étanche à la matière mais est perméable à lénergie;
1.3 Système isolé : étanche à la matière et à la chaleur.
2. Lénergie interne dun système
Cest la quantité dénergie présente à lintérieur dun système : c'est une fonction d'état. Cette quantité est inaccessible. Rien ne permet de la comptabiliser. Pour ce faire, il faudrait mesurer ou avoir accès à toutes les formes dénergies connues et inconnues. On peut cependant se faire une idée de la façon avec laquelle les molécules peuvent emmagasiner de lénergie. Les réservoirs dénergie peuvent être de nature translationnelle (énergie cinétique), rotationnelle (la molécule tourne sur elle-même comme une toupie), vibrationnelle, électronique, magnétique, ...
[2.1] Eint = Si(Etransl + Erot + Evibr + Eélectr + Emagn + ...)
Dans cette équation, i représente chaque molécule comprise dans le système.
3. Variation dénergie interne dun système fermé
Si lénergie interne dun système isolé nest pas mesurable, il nen est pas de même dun système non isolé. Dans un tel système, on peut avoir accès à la variation dénergie interne en contrôlant les échanges dénergie avec lextérieur. On peut comptabiliser négativement lénergie qui sort du système et positivement lénergie qui y entre. Soit par exemple, le système
H2 (g) + 1/2 O2 (g) ® H2O (g)
Cette réaction dégage, libère 240,58 kJ·mol-1 au cours de la formation isométrique dune mole deau gazeuse. Ce dégagement dénergie se fait au détriment de lénergie interne du système. Il faut ajouter que le système doit être mieux défini que seulement par une (1) mole dhydrogène gazeux et une demi-mole doxygène gazeux. Il faut aussi préciser si la réaction a lieu à volume ou à pression constante. Si la réaction se fait à volume constant, dans une bombe calorimétrique, il ny a aucun échange dénergie sous forme de travail avec lextérieur. Si au contraire, la réaction a lieu à la pression atmosphérique, donc à pression constante, le volume diminue au cours de la réaction de 33,6 litres à 22,4 litres, soit par un facteur de 1,5. Il y a alors échange de travail avec lextérieur. Oublions momentanément ce cas pour retenir seulement la réaction à volume constant. Lénergie libérée, mesurée dans un calorimètre par exemple, sest faite au détriment de lénergie interne du système. L'énergie interne est une fonction d'état. Sa variation DE est telle que :
DE = - 240,6 kJ·mol-1 de H2O (g) formée.
Si au contraire, la réaction se fait à pression constante, il faut aussi tenir compte des forces de pression et comptabiliser le travail ainsi libéré. La convention de signe est inverse de celle retenue pour léchange de chaleur.
|
échange de chaleur |
échange de travail |
Si q = 0, le processus est dit adiabatique. Le travail effectué lors dune modification de volume (de V' à V") - travail effectué par S sur le milieu- est donné par la relation
(voir un premier cours de thermodynamique). |
Si le volume V est constant, w = 0 et si le volume n'est pas constant, DV ¹ 0, Þ w ¹ 0 .
Dans le cas dune réaction seffectuant sans changement de volume - on dit aussi que la réaction est isochore - la variation d'énergie DE = QV.
Par exemple, la chloration du méthane CH4 se fait sans changement de volume :
CH4 (g) + Cl2 (g) ® HCl (g) + CH3Cl (g); QV = - 107 kJ·mol-1 .
Lénergie interne du système diminue de 107 kJ·mol-1 pour chaque mole de méthane consommée.
4. Lenthalpie
Cependant, la grande majorité des réactions se font à la pression atmosphérique, donc à pression constante - on dit ici que les réactions sont isobares - et
[2.2] |
|
= q - PV1 + PV2 |
Cétait le cas de la réaction H2 (g) + 1/2 O2 (g) ® H2O (g) . On définit alors une nouvelle fonction d'état : lenthalpie H, telle que H = E + PV . Tout comme lénergie interne E, H nest pas susceptible dêtre mesuré. Par contre sa variation, DH, peut lêtre.
[2.3] DH = DE + D(PV) et comme la pression P est constante,
[2.4] DH = DE + P DV
[2.5] DH = qP - w + P DV
Comme w = P DV, cela entraîne que DH = qP . Dans ce cas, qP est en fait la variation denthalpie à pression constante.
Exemple : C(graphite) + 1/2 O2 (g) ® CO (g)
En ignorant le volume du carbone solide devant ceux des gaz,
DV # 1/2 · 22,4 litres = 11,2 litres par mole de CO formé.
qP = - 110 420 J·mol-1 à 298 K sous la pression de 1 atmosphère.
DE = DH -P DV Comme PV = n RT,
DE = - 110 420 - (-1/2) (1,987 × 4,18 × 298)
DE = - 110 420 + 1238 = - 109183 J·mol-1.
Relation entre qP et qV
Soit un système chimique qui réagit à pression constante - On dit aussi que la réaction se déroule dans des conditions isobares - la variation dénergie interne au cours de la réaction est
Sil y a variation isotherme de volume, cest-à-dire sil y a variation du nombre de moles (nombre de moles de produits - nombre de moles de réactifs = Dn)
DE = qP - P(V2 - V1) = qP |
Mais, DE = qV car alors dV = 0 : il ny a pas eu échange dénergie avec lextérieur : w = 0.
[2.6] | qV = qP - Dn R T |
Si Dn = 0, qV » qP
Si Dn ¹ 0, Dn RT = Dn × (2 × 4,18) × 300 = Dn × 2508 J à 300 K
Note : la bombe calorimétrique qui est, et a été, largement utilisée pour mesurer le dégagement dénergie lors dune réaction doxydation, par exemple, travaille bien entendu à volume constant. Cette technique doit beaucoup à BERTHELOT qui a étudié ce type de réactions vers 1865.
5. Lenthalpie standard de réaction - loi de HESS (1802-1850)
Puisque lenthalpie, H, ne peut pas être estimée et puisque seule la variation DH peut lêtre, on définit arbitrairement une référence, appelée lenthalpie standard de réaction
.
Létat standard dune substance est représenté par sa forme la plus stable à la pression dune atmosphère et 298 K. Lenthalpie standard de réaction correspond à la variation denthalpie dans les conditions TPN observée au cours de la réaction. Ainsi,
[a] C(graphite) + O2 (g) ® CO2 (g); | = - 393,13 kJ·mol-1 |
Cette valeur correspond à l'enthalpie standard de formation.
[b] CO (g) + 1/2 O2 (g) ® CO2 (g); | = - 282,69 kJ·mol-1 |
Cette dernière valeur correspond à l'enthalpie standard de réaction.
Quelle sera lenthalpie standard de la réaction ?
[c] C (graphite) + 1/2 O2 (g) ® CO (g); | = ? |
La loi de HESS ou encore le principe de létat initial et de létat final, stipule que la variation denthalpie dun système est indépendante du chemin suivi (loi énoncée en 1840).
Cette démarche est connue sous le nom de cycle de BORN-HABER. Il s'agit d'imaginer deux successions différentes de réactions ayant en commun leurs points de départ et d'arrivée.
Remarquons quen soustrayant léquation [b] de léquation [a], on obtient léquation [c]:
[a] C(graphite) + O2 (g) ® CO2 (g) |
= - 393,13 kJ·mol-1 | |
[-b] - CO (g) - 1/2 O2 (g) ® - CO2 (g) |
= + 282,69 kJ·mol-1 |
______________________________________________________
[c] C (graphite) + 1/2 O2 (g) ® CO (g); |
= - 110,44 kJ·mol-1 |
Notons que la loi de HESS est valide pour toute fonction d'état.
6. Lenthalpie standard de formation - DH°f
On peut donc expérimentalement déterminer les enthalpies standards dun bon nombre de réactions et, de proche en proche, déterminer celles des autres en utilisant la loi de HESS. Cependant, il ne serait pas facile de manipuler des tables de chaleur de plusieurs millions de réactions. Ces tables seraient immenses et interminables. La loi de HESS permet de décomposer une réaction en une suite de réactions selon le chemin :
A- décomposition de tous les réactifs en éléments stables, et
B- reconstitution de tous les produits à partir de ces éléments.
Soit la réaction :
HCOOH (l) ® CO (g) + H2O (l); DHo = ?
Commençons par décomposer lacide formique en ses éléments stables, puis recomposons ces éléments pour donner les produits:
HCOOH (l) ® H2 (g) + C (graphite) + O2 (g); DHo = DHo(réactifs)
H2 (g) + C (graphite) + O2 (g) ® CO (g) + H2O (l); DHo = DHo(produits).
On définit arbitrairement que la chaleur de formation des éléments les plus stables dans les conditions standards TPN est nulle. Ainsi,
H2 (g) + C (graphite) + O2 (g) ® HCOOH (l)
[2.7] [2.8] |
et le DHo(réactifs) identifié plus haut est égal à
[2.9] |
Notons que si la valeur de lenthalpie de formation standard du graphite est égale zéro,
et comme |
De la même manière,
H2 (g) + 1/2 O2 (g) ® H2O (l); et C (graphite) + 1/2 O2 (g) ® CO (g); |
Construisons le cycle de BORN-HABER suivant :
En utilisant la loi de HESS,
[2.10] [2.11] |
Comme cette démonstration est valable pour nimporte laquelle des réactions chimiques,
[2.12] |
|
Si lon construit une table des enthalpies standards de formation de chaque produit chimique, on saura calculer lenthalpie de chaque réaction quelle quelle soit. Rappelons seulement que lenthalpie standard de formation nest rien dautre que lenthalpie de la réaction qui forme le produit à partir des éléments stables. Le nombre de produits étant infiniment moins grand que le nombre de réactions possibles, les tables sen trouvent allégées dautant.
Puisque les chaleurs de combustion sont facilement mesurables et que de plus les valeurs des enthalpies de formation de leau, du gaz carbonique et de loxygène sont connues, il sensuit quil est facile dobtenir les chaleurs de formation de nimporte quel combustible. On trouvera donc des tables de chaleurs de combustion. Il en est de même des chaleurs dhydrogénation.
CmHn + (m + 1/4 n) O2 ® m CO2 + n/2 H2O; DH(comb) = X
avec
donc, |
Tableau 2.1. Lenthalpie standard de formation de composés à 25 ºC en kJ·mol-1
Substances |
|
Substances |
|
Substances |
|
H2O () |
- 285,58 |
Ag2O (s) |
- 30,56 |
méthane (g) |
- 74,78 |
H2O (g) |
- 241,60 |
CuO (s) |
-160,93 |
éthane (g) |
- 84,60 |
HCl (g) |
- 92,21 |
FeO (s) |
- 268,77 |
propane (g) |
- 103,75 |
HBr (g) |
- 36,20 |
Fe2O3 (s) |
- 821,37 |
butane (g) |
- 124,61 |
H2S (g) |
- 20,14 |
Fe3O4 (s) |
- 1116,06 |
isobutane (g) |
- 135 |
CO (g) |
- 110,44 |
NaCl (s) |
- 410,60 |
éthylène (g) |
+52,25 |
CO2 (g) |
- 393,13 |
KCl (s) |
- 435,47 |
propylène (g) |
+ 20 |
NH3 (g) |
- 46,15 |
AgCl (s) |
- 126,90 |
1-butène (g) |
- 0,1 |
NO (g) |
+ 90,29 |
NaOH (s) |
- 426,36 |
acétylène (g) |
+ 226,51 |
NO2 (g) |
+ 33,82 |
KOH (s) |
- 426,36 |
propyne (g) |
+185 |
SO2 (g) |
- 296,61 |
Na2SO4 (s) |
- 1381,49 |
benzène (g) |
+83 |
SO3 (g) |
- 394,80 |
CaCO3 (s) |
- 1205,72 |
éthanol () |
- 277,38 |
7. Influence de la température sur le DHo(réaction) - loi de KIRCHHOFF (1824-1887)
Soit la réaction a A + b B ® m M + n N; DHo(réaction) = ?
Quelle sera la variation de lenthalpie de la réaction , DHo(réaction), avec une variation de la température ? Écrivons le cycle de BORN-HABER de telle manière que la réaction puisse avoir lieu soit à la température T1, soit à la température T2.
[a A + b B ] à T2 | [m M + n N ] à T2 | |
DH' | ¯ DH" | |
[a A + b B ] à T1 | [m M + n N ] à T1 |
Lapplication de la loi de HESS conduit à :
[2.13] DHo(T1) = DH' + DHo(T2) + DH"
Définissons la capacité calorifique des réactifs, Cp(réactifs), et des produits, Cp(produits) :
[2.14] [2.15] |
[2.16] Þ DHo(T2) = + DHo(T1) - DH' - DH"
[2.17]
|
On réécrit plus simplement lexpression précédente sous la forme de la loi de KIRCHHOFF, loi énoncée en 1858 :
[2.18] |
|
où
[2.19] DCp = Cp(produits) - Cp(réactifs)
Si la variation des capacités calorifiques est nulle, DCp = 0, lenthalpie de la réaction est indépendante de la température : DHo(T2) = DHo(T1);
Si au contraire elle n'est pas nulle, DCp ¹ 0, lenthalpie varie avec la température : DHo(T2) ¹ DHo(T1);
Exemple : Soit la réaction CO + 1/2 O2 ® CO2 avec
|
= - 282,74 kJ·mol-1. |
On donne aussi:
(CO) = + 29,13 J·degré-1·mol-1, | |
(O2) = + 29,13 J·degré-1·mol-1, | |
(CO2) = + 29,13 J·degré-1·mol-1, |
Calculer la valeur de l'enthalpie de la réaction à 100 °C (398 K) .
La variation des capacités calorifiques à pression constante DCp doit d'abord être calculée :
DCp = 37,45 - 1/2 (29,47) - 29,13 = - 6,415 J·degré-1·mol-1.
= | - 6,415 (398 - 298) | ||
= | - 282 740 - 641,5 = - 283 381 J·mol-1. |
Dans cet exemple, on a considéré que les capacités calorifiques sont des quantités fixes: elles ne variaient pas avec la température. Cette approximation est valable lorsque lintervalle de température considéré est relativement étroit. Ce nest plus le cas lorsque cet intervalle DT, est supérieur à 100 o.
8. Lenthalpie de liaison
Il est bien évident quun système réactionnel implique la rupture de certaines liaisons et la reconstruction de nouvelles. Il est tentant dessayer de calculer les enthalpies requises ou les énergies requises pour briser ou reconstruire ces liaisons chimiques. Par exemple :
CH4 (g) | ® C (g) | + 4 H· (g) | |
- 74,85 | + 718,38 | + 4 (217,94) kJ·mol-1. |
DH°(réaction) |
= + 718,38 + 4 (217,94) - (- 74,85) = 1 665 kJ·mol-1. |
Comme la réaction consiste essentiellement en la construction de quatre liaisons C-H de type s, on peut estimer que lénergie requise pour briser une telle liaison est 416,25 kJ·mol-1 soit encore 99,6 kcal·mol-1. On peut ainsi, de proche en proche établir une liste, une table des énergies de liaisons courantes (Tableau 2.2). On trouve dans la littérature thermodynamique des tables de chaleurs de combustion. Les réactions impliquées étant relativement semblables, et lexothermicité des réactions relativement importantes on procède avec linstrument appelé bombe calorimétrique. Cet appareil maintient le volume constant et permet de mesurer la chaleur dégagée pendant la réaction (voir Fig. 2.1).
Tableau 2.2. Enthalpies de quelques liaisons simples (kJ·mol-1) à 25 ºC
Br |
C |
Cl |
F |
H |
I |
N |
O |
S |
P |
|
Br |
193 |
285 |
219 |
249 |
366 |
178 |
234 |
218 |
264 |
|
C |
348 |
339 |
489 |
413 |
218 |
305 |
358 |
272 |
264 |
|
Cl |
242 |
253 |
431 |
211 |
192 |
208 |
271 |
322 |
||
F |
159 |
567 |
280 |
278 |
193 |
327 |
503 |
|||
H |
436 |
298 |
391 |
463 |
367 |
322 |
||||
I |
151 |
234 |
184 |
|||||||
N |
163 |
201 |
||||||||
O |
146 |
335 |
||||||||
S |
255 |
|||||||||
Voir Aylward, G. H. et T. J. V. Findlay, SI Chemical Data, J. Wiley & Sons, 2e éd., (1974). |
Note : ces enthalpies de liaison correspondent à lénergie quil faut fournir pour rompre chacune dentre elles.
Tableau 2.3. Enthalpies de quelques liaisons multiples (kJ·mol-1) à 25 ºC
Liaisons doubles |
Liaisons triples |
|||||
C |
N |
O |
S |
C |
N |
|
C |
614 |
615 |
745 |
536 |
839 |
891 |
N |
418 |
607 |
945 |
|||
O |
498 |
|||||
Voir Aylward, G. H. et T.J.V. Findlay, SI Chemical Data, J. Wiley & Sons, 2e éd., (1974). |
On trouvera dautres énergies de liaison dans : Bond dissociation energies in simple molecules, NSRDS-NBS 31, U.S. Dept of Commerce, janvier 1970.
Figure2.1. Bombe calorimétrique.
Compte tenu de léquivalence ou de la relation très étroite entre les processus chimiques mis en cause et les variations de lenthalpie, on conçoit aisément, par exemple, que la chaleur des réactions dhydrogénation des alcènes ne doit pas dépendre de lalcène impliqué. En effet la réaction dhydrogénation du propène en propane, du 1-butène en butane normal, ... met en cause, dans chaque cas, louverture ou le bris de la liaison p de lalcène, la rupture de la liaison s de la molécule dhydrogène et la formation de deux liaisons s de type C-H. On observe en effet que la chaleur de cette réaction est de lordre de -122 ± 3 kJ·mol-1 dans le cas des alcènes linéaires avec double liaison en position terminale. La valeur est plus élevée dans le cas de léthylène : DH = -137 kJ·mol-1 . Cette différence est due au fait que la répartition spatiale des orbitales est ici légèrement différente ou encore que lencombrement électronique autour de la double liaison est différent de celui observé dans le cas des oléfines terminales.
CH3-(CH2)n-CH=CH2 + H2 ® CH3-(CH2)n+1-CH3 avec n = 0, 1, 2,...
Cette concordance thermochimique se traduit aussi de la même manière et pour les mêmes raisons en cinétique. Par exemple, la vitesse de la réaction dacétylation des alcools terpéniques catalysée par la N,N-diméthyl-4-aminopyridine dans le tétrahydrofuran à 25 ºC est indépendante de la nature de lalcool : tableau suivant. Tout au plus, les valeurs indiquées laissent-elles présager un effet stérique important lorsque lon passe des alcools primaires aux alcools secondaires.
Tableau 2.4. Acétylation
de quelques alcools :
Constantes de vitesse de pseudo premier ordre (min-1)
alcools primaires |
||||||
1-pentanol |
citronellol |
cis-3-hexén-1-ol |
2-phényléthanol |
géraniol |
nérol |
myrténol |
6,2 10-2 |
6,9 10-2 |
5,6 10-2 |
7,7 10-2 |
8,9 10-2 |
3,9 10-2 |
8,2 10-2 |
alcools secondaires |
||||||
cyclohexanol |
1-menthol |
thimbérol |
isobornéol |
bornéol |
||
1,25 10-2 |
1,6 10-2 |
1,7 10-2 |
0,13 10-2 |
0,84 10-2 |
||
Lamaty, G. et al., Parfums, Cosmétiques, Arômes, 101, 53 (octobre - novembre 1991). |
9. Influence de la pression sur le DHo(réaction)
Pour un gaz parfait, la relation entre l'enthalpie et la pression est donnée par la relation [2.3] :
Les fonctions enthalpie H et énergie E sont des fonctions d'état.
- Pour un gaz idéal, le produit PV est constant à température constante. Donc:
Pour un gaz idéal, la valeur lenthalpie standard de réaction est indépendante de la pression.
- Pour un gaz réel, pour un solide ou un liquide, ce nest plus vrai. On montre que la variation d'enthalpie avec la pression est donnée par la relation :
est la chaleur molaire de variation de pression (ce nest pas une chaleur molaire de changement de phase). On montrera plus loin que cette valeur est reliée à a le coefficient de dilatation thermique : |
[2.24] |
[2.25] |
- Si le constituant est un gaz réel idéal :
Donc,
1 - a T = 1 - RT / PV = 0
car PV = RT. Cela nest bien sûr plus vrai si le gaz obéit à léquation détat de VAN DER WAALS :
[2.26] |
|
- Dans le cas des solides et des liquides, le volume molaire est approximativement constant puisque ces phases condensées sont réputées incompressibles.
|
Dans cette expression, la pression P est exprimée en atmosphères.
10. Conclusions
On ne sait pas a priori déterminer lénergie interne dun système, même fermé. On sait par contre en mesurer les variations au cours dune transformation physico-chimique en particulier lorsque la transformation se fait à volume constant (cas moins fréquent). Lorsque les transformations se font à pression constante on définit la fonction enthalpie. Cette fonction tient compte de léchange de travail avec lextérieur du système. Les variations dénergie interne et denthalpie sont reliées entre elles à travers une relation qui implique la variation du nombre de moles observée au cours de la réaction. Les variations dénergie interne et denthalpie avec la températures sont mathématiquement reliées aux capacités calorifiques à volume ou à pression constante.
|
11.1 La chaleur (lenthalpie) de combustion dune mole disobutane dans un excès doxygène à volume constant (bombe calorimétrique) est de -2871,65 kJ·mol-1 avec formation concomitante de CO2 (g) et de H2O (l). Calculez la valeur de la chaleur de formation de lisobutane.
11.2 La combustion dune mole de benzène, en présence dun excès doxygène et à volume constant, produit un dégagement de chaleur de 3301,51 kJ·mol-1. Calculez lenthalpie de formation de ce composé.
Réponse : 85,99 kJ/mol
11.3 À partir des données suivantes, calculez lenthalpie standard de formation du carbure daluminium solide (Al4C3) :
Composé |
CO (g) |
CO2 (g) |
Al2O3 (s) |
|
- 110,35 |
- 393,13 |
- 1672 |
On sait en outre que la réaction suivante est exothermique :
Al4C3 (s) + 9 CO2 (g) ® 2 Al2O3 (s) + 12 CO (g);
DH°(réaction) = - 935,1 kJ·mol-1.
Réponse :
-194,99 kJ/mol
11.4 Les capacités calorifiques molaires à pression constantes exprimées en J·(K·mol)-1 de leau, de loxyde de carbone, du gaz carbonique et de lhydrogène sont les suivantes :
Molécules | = a' + b' T + c' T2 | ||
H2O (g) |
+ 36,83 |
- 7,94 10-3 T |
+ 9,28 10-6 T2 |
CO (g) |
+ 27,17 |
+ 4,18 10-3 T |
|
H2 (g) |
+ 27,17 |
+ 3,76 10-3 T |
|
CO2 (g) |
+ 29,26 |
+ 29,68 10-3 T |
- 7,77 10-6 T2 |
On étudie la réaction de synthèse du gaz à leau :
H2 (g) + CO2 (g) ® H2O (g) + CO (g)
Calculez :
1- La chaleur de réaction dans les conditions standards TPN.
2- Les variations denthalpie de la réaction à 400, 500, 600, 700, et 800 K.
11.5 On étudie la réaction de réduction du gaz carbonique en oxyde de carbone gazeux à laide du carbone graphite. En utilisant les données numériques apparaissant dans les tableaux 2.1 et 2.7b, établissez la fonction
DH°(réaction) = (T).
Calculez les valeurs numériques de cette fonction entre 300 et 900 K par valeur de 100 K. Tracez la courbe entre ces mêmes valeurs. Établissez graphiquement, numériquement et analytiquement sil y en a un, le maximum que peut prendre cette fonction.
C (graphite) + CO2 (g) ® 2 CO (g)
11.6 À laide du principe de létat initial et de létat final, calculez lenthalpie de formation de AgCl (s) à 25 ºC. On donne :
Ag2O (s) + 2 HCl (g) ® 2 AgCl (s) + H2O (l); DHo = - 324,41 kJ
2 Ag (s) + 1/2 O2 (g) ® Ag2O (s); DHo = - 30,56 kJ
1/2 H2 (g) + 1/2 Cl2 (g) ® HCl (g); DHo = - 92,21 kJ
H2 (g) + 1/2 O2 (g) ® H2O (l); DHo = - 285,58 kJ
Réponse : DHof(AgCl(s)) = -126,9 kJ
11.7 Le fer existe dans les conditions standards avec une structure cristalline appelée a; il est de plus magnétique. À 760 ºC, il perd cette propriété: il devient paramagnétique. À 910 ºC, le fer change de structure cristalline et devient le fer g.
[1] Fe (a, magnétique) [2] Fe (a) |
Fe (a, paramagnétique) ;
DH = 2 759
J·mol-1 Fe (g) ; DH = 920 J·mol-1 |
a) Lenthalpie de formation standard de FeO (s) est de - 264,2 kJ·mol-1, calculez la chaleur de réaction standard de la réaction suivante :
[3] Fe (a) + 1/2 O2 (g) ® FeO (s)
Réponse : -264,2 kJ/mole
Composé | = a + b T + c T-2 | ||
Fe, a, magn. |
+ 17,5 |
+ 24,75 10-3 T |
|
FeO, s |
+ 48,74 |
+ 8,36 10-3 T |
- 2,80 10+5 T-2 |
O2, g |
+ 29,93 |
+ 4,18 10-3 T |
- 1,67 10+5 T-2 |
c) Calculez la chaleur de la réaction suivante à 760 ºC.
[4] Fe (a, param.) + 1/2 O2 (g) ® FeO (s)
d) La capacité calorifique du fer paramagnétique ne dépend pas de la température :
Fe (a, param.) |
= 37,62 J·(K·mol)-1. |
Calculez la chaleur de la réaction [4] à 910 ºC.
e) Calculez la chaleur de la réaction suivante à 910 ºC :
[5] Fe (g) + 1/2 O2 (g) ® FeO (s) |
f) La capacité calorifique du fer (g) est connue :
fer (g) |
= 7,69 + 19,48 10-3 T J·(K·mol)-1 |
Calculez la chaleur de la réaction [5] à 1350 ºC.
11.8. Loxyde de chrome pur, Cr2O3, réagit avec laluminium pur à 25 °C pour donner lalumine et le chrome liquide pur. Étant donné que la température finale atteinte est de 1900 °C, calculer la chaleur dégagée et absorbée par le milieu extérieur par kilogramme daluminium. Les données disponibles sont :
|
Tfus |
DH°(fusion) |
|
|
Al (s) Cr (s) Cr ( l)Al2O3 (s)Cr2O3 (s) |
0 0 - - 1672 - 1128 |
679 1850 - - - |
10,45 19,23 - - - |
- 24,41 + 9,86 10-3 T - 3,68 105 T-2 39,29 114,45 + 12,87 10-3 T - 34,28 105 T-2 - |
* : jusquà 1800 °C (2073 K) |
Réponse : 23,71 % en masse daluminium et 76,29 % en masse doxyde de fer.
Calculez la quantité dénergie libérée à 25 °C lors de la réaction complète. En déduire la quantité dénergie fournie par gramme daluminium.
Réponse : -15,48 kJ/g d’aluminium
Dans un creuset contenant 27,2 kg de mélange stchiométrique, la température sélève à 2600 °C. Évaluer la chaleur spécifique apparente du creuset. Cette température étant excessive. On ajoute au mélange une certaine quantité de limaille de fer. La température finale est de lordre de 2400 °C. En considérant que la capacité calorifique du creuset est constante entre 300 et 2800 K, calculez la quantité de limaille de fer ajouté à 27,2 kg de mélange stchiométrique. Les données disponibles sont :
(kJ/mole) |
Ttransf | DH°(fusion) (kJ/mole) |
(J · mol-1 · °C-1) |
|
Fe (a, magn.) | 0 | 760 (® a, non magn.) | 2,75 | 17,5 + 24,75 10-3 T |
Fe (a, non magn.) | - | 910 (® g) | 0,92 | 37,62 |
Fe (g) | - | 1401 (® d) | 0,88 | 7,69 19,5 10-3 T |
Fe (d) | - | 1539 (® liquide) | 15,5 | 43,9 |
Fe (liquide) | - | - | - | 41,8 |
Al (s) | 0 | - | - | - |
Al2O3 (s) | - 1 672 | - | - | voir tableau précédent |
Fe3O4 (s) | - 1 155,66 | - | - | - |
Réponse : 3,60 kg de fer.
11.9 À partir des données apparaissant dans le Tableau 2.2, calculez lenthalpie standard de la réaction :
CH4 (g) + Cl2 (g) ® HCl (g) + CH3Cl (g).
Réponse : -115 kJ/mole
11. 10. Température de flamme
Calculez la température maximum des produits de combustion de la flamme issue d’un mélange stœchiométrique air – méthane lui-même à la température de 300 K et à la pression atmosphérique. On supposera que 90 % du méthane sont effectivement oxydés.
CH4 + 2 O2 ® CO2 + 2 H2O ; DH298 = 756,3 kJ
On donne les valeurs des capacités calorifiques suivantes (en J · K-1 · mol-1 entre 300 et 2000 °C) :
CP(CH4, g) = 31,5 + 0,014 T
CP(O2, g) = 26,0 + 0,0045 T
CP(N2, g) = 28,3 + 0,003 T
CP(CO2, g) = 32,35 + 0,005 T
CP(H2O, g) = 34,2 + 0,002 T
Réponse : T = 2 225 K = 1 952 °C
Pour aller plus loin :
Dernière mise à jour : 2021-07-08.
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