Pierre Bost, Porte-Malheur
Préface de François Ouellet
Suivi de « Bertrand Tavernier se souvient de Pierre Bost »

Porte Malheur

Le Dilettante, 2009, 159 p.

Mais si, faites un effort, Bost ! Aurenchébost ! Les scénaristes de Douce, La traversée de Paris, L’auberge rouge, les Castor et Pollux de la qualité française, lapidés de bouses sèches par la Nouvelle Vague et restaurés par Tavernier (voir la  postface) dans L’horloger de Saint Paul. C’est de ce Bost-là qu’il s’agit ; pas son frère, Jacques Laurent, dit « le petit Bost ». Ce que nous réapprend François Ouellet dans la préface de Porte-Malheur, c’est que avant de s’occuper d’Amélie ou d’avoir le diable au corps, il fut dramaturge et romancier. Élève d’Alain, ami du romancier Emmanuel Robin, il entre en lettres à vingt et un ans sous l’invocation de Proust et publie, dans l’entre-deux-guerres, outre de nombreux chroniques littéraires et reportages, six romans et trois recueils de nouvelles. Il y plaide pour une littérature débarbouillée des juvéniles angoisses du moi et déprise des avant-gardismes chichiteux – maturité, ouverture sur l’autre – et le monde des réalités objectives – langue sèche et probe. Classique, disons le mot. Publié en 1932 chez Gallimard, Porte-Malheur va selon : roman sec, social noir. L’histoire de Dupré, garagiste, qui travaille dur, monte sa boîte, fait confiance pour finir sous le cric de son numéro 2 Denis Levioux, piégé par la fille Lucie. Arrêté, ce dernier voit cependant Dupré passer l’éponge. Empêtré dans sa mansuétude, Dupré participe à l’acquittement de son second qu’il réengage illico. À mi-course du roman, c’est Levioux qui devient le héros, et cela pour une fin d’un noir de poix. James McCain à la française, Bost nous livre avec Porte-Malheur une version Paris popu, casquette en grande roue, du Facteur sonne toujours deux fois : bâtie sans faille, l’histoire file en ligne droite, sombre et cassante, comme une balle dans le canon. « Salauds de pauvres ! », dirait certain.