L’amour en l’an 4000

[extrait]

À l’occasion du quatrième millénaire, le Ministère mondial des Loisirs avait inauguré, à grand renfort de publicité, la dernière merveille du monde : le grand tapis roulant Marseille-Monaco, destiné à promener sans arrêt le long de la basse corniche les amateurs de soleil méditerranéen. Quand vint son tour de congé payé, Donald H. Gallot, comptable à la fosse 4 des mines d’uranium du pôle sud, n’hésita pas une seconde : il prit l’hydravion pour Marseille.

Débarqué sur l’étang de Berre, il s’engouffra aussitôt sous le portique monumental qui marquait la tête de ligne de l’Estaque, et, bientôt mollement allongé sur le large tapis de caoutchouc-mousse dont le ruban sans fin glissait avec douceur au long du rivage, il s’abandonna au décor. Après les brumes polaires, s’exposer au soleil devant l’horizon bleu de la mer tiède était un enchantement auquel nul n’avait échappé depuis la plus haute antiquité, Donald n’y échappa pas, et ne revint à lui qu’à l’approche du grand solarium de Bandol dont le tapis roulant traversait le sable stérilisé. (p.67)

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