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Les rituels funéraires aujourd’hui

 

Depuis plusieurs décennies  ça bouge du côté des rituels funéraires au Québec voire en Occident.  La traditionnelle route des morts empruntées par les  générations passées  est devenue aujourd’hui une autoroute à voies rapides et aux échangeurs multiples.  Plusieurs études insistent sur  le démembrement progressif des rituels entourant la mort.  Diminution progressive du temps dédié à l’exposition, célébration d’adieu peu déployée,  service anniversaire du décès oublié. Il y aurait donc un appauvrissement des séquences rituelles   et par ce fait même un déficit du « faire sens » quand survient la mort d’un proche.

Comme observatrice de cette scène, j’ai eu la chance de côtoyer ces dernières années des familles touchées par le départ d’un proche et des intervenantes et intervenants des différents milieux impliqués dans la gestion de ce passage. Le récit des familles souvent démunies devant les choix rituels à opérer, les défis nombreux que les intervenants doivent relever démontrent l’importance des rites  pour enclencher le travail de séparation, permettre l’entrée et la traversée du deuil. Il y a un   consensus social   autour de la question de la pertinence ou du pourquoi des rites. Par ailleurs, il nous semble que plus timide est la réflexion entourant la question de l’urgence de recomposer dans l’espace de notre culture des rituels plus proche de l’expérience des personnes qui vivent un deuil.  Ainsi la problématique ne porterait pas tant sur la fonction des rituels que sur le comment proposer et construire des rituels en dehors de l’espace religieux qui les a supportés et encadrés pendant des  siècles. Il y a donc un travail important de recomposition et de réappropriation de rituels plus « proches » des significations et représentations que les personnes donnent à la mort .

 Un lien intéressant

Si vous voulez en apprendre un peu plus sur la fonction des rituels nous vous suggérons la lecture  de Denis Jeffrey, Éloge des rituels. Presses de l’Université Laval.   Denis Jeffrey possède un doctorat en religiologie de l’Université de Montréal, il enseigne à la Faculté des sciences de l’éducation de l’Université Laval, il est un des rares spécialistes de la ritualité au Québec.

Quelques conseils pour guider vos choix en matière de ritualité

Une  étape dans le processus de séparation : la visite au salon

 Il est rare aujourd’hui que des familles passent trois jours au salon funéraire telle que le suggérait  jadis le balisage de la route des morts. Le plus souvent on se limite à une soirée , quelques heures ou quelques minutes avant la célébration.  La visite au salon est une source de stress pour plusieurs personnes. Que vais-je dire ? Dois-je rester très longtemps ?  Est-ce important d’y aller  ?

  •  Dès que vous entrez au salon ,   il est de mise de faire un arrêt  pour se recueillir devant la dépouille ou les cendres de la personne décédée.  Il n’est pas rare qu’à ce moment , un proche de la famille viendra à votre rencontre. C’est à ce moment qu’il convient de lui offrir vos condoléances. Il n’y a pas  une seule façon de montrer que nous compatissons à la douleur de l’autre. Soyez bref. Quelquefois les mots sont inutiles, un regard, une main tendue, une accolade en diront plus que tous les mots.
  • Ce n’est pas le moment de questionner la personne sur les détails entourant le décès de la personne.  Accueillez simplement ce qu’elle jugera pertinent de vous raconter.  La curiosité à ce stade-ci n’est pas de mise.  N’ayez pas peur des moments de silence et évitez de prendre toute la place en parlant de vos propres deuils .
  • Vous n’êtes pas obligé de rester très longtemps au salon, surtout si votre lien se limite à la connaissance d’un seul membre de la famille.    Et si jamais il y a un moment rituel il est bon de profiter de la fin de la prière, du chant ou de la réflexion pour quitter.
  •  Ne prenez aucune initiative sans en avons discuté au préalable avec les membres de la famille .

  Un rituel de séparation: la célébration d’adieu ou de funérailles

En Occident, plus du tiers des cérémonies funèbres sont organisées sans l’intervention d’institutions religieuses. De plus, il semble bien que ce phénomène soit en expansion.  Peu importe l’endroit que vous choisissez pour la célébration le défi est grand.  Les célébrations  d’adieu au salon funéraire comme  les funérailles à l’église soulèvent de nombreux malaises. Pourtant il s’agit d’un temps important  dans la prise de conscience de l’absence de l’autre et de l’irréversibilité de la mort.  Rendre célèbre une vie qui vient de s’achever est une responsabilité importante dévolue à ceux qui restent.   Alors peu importe le choix que vous ferez faites vous un devoir de prendre votre place et de faire de ce moment une voie de passage qui souvent marque l’amorce  et l’entrée dans le temps du deuil.    Si vous souhaitez aller plus loin dans la préparation de célébrations plus « significatives » voire « sur mesure » nous vous suggérons l’ouvrage suivant: Jeltje Gordon-Lennox, Funérailles. Cérémonies sur mesure, Genève, Labor et Fides, 2012

 Le soutien pour la sortie du deuil :  un service anniversaire oui ou non?

La traditionnelle route des morts faisait une grande place au premier anniversaire de la mort du défunt. Il s’agissait souvent d’une célébration à l’église paroissiale qui voulait marquer ou indiquer « la fin » de la période plus intense du deuil et l’importance pour les vivants de revenir pleinement dans le courant de la vie. Il va sans dire que la surcharge des agendas et les rares moments de retrouvailles ont rendu peu à peu caduc une tel événement. Peu importe le choix que vous ferez,  la sagesse des anciens nous rappelle qu’il convient de marquer le temps  qui nous sépare de ceux que nous avons aimé et qui vivent par et à travers nous. Il y a là une exigence de mémoire. Ce moment peut prendre différentes formes: une courte évocation lors d’un rassemblement familial, un souper un peu spécial où on se donne rendez vous pour prendre soin les uns des autres et voir le chemin parcouru depuis le départ de la personne .  Faites-vous confiance et vous trouverez le bon lieu, le moment important et les mots pour dire et faire mémoire .

 


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