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Quoi faire avec les cendres ?

Au Québec près de 70% des familes choisisissent la crémation  en lieu et place de l’inhumation.  Il y a quelques décennies à peine,   l’incinération était  perçue comme  un geste de déni  visant  à effacer toute trace de  la mort.   Aujourd’hui cette pratique   fait consensus au plan social.

Pas étonnant ! En effet, la crémation est un bon indicateur de la manière dont  on se situe aujourd’hui face à la mort.  Jadis inscrite et marquée dans des lieux et espaces collectifs (salon funéraire, église, cimetières,columbarium) la mort aujourd’hui semble plus « confortable »   dans l’intime, le privé. Les familles souhaitent des cérémonies « sur mesure », proches de la vie de la personne et qui « font du sens ». La crémation permet cette  souplesse et cette créativité.  La disposition des cendres rend possible  une grande diversité de choix.  Par exemple, en ce qui concerne   le dépôt de l’urne tout est possible, pourvu que le lieu évoque    la personne décédée :   la tête du foyer familial, la table de chevet,  un bijou, le jardin, sous un arbre, dans une niche au columbarium,  ou au cimetière.  Même chose pour la dispersion  des cendres : sur le bord d’une rivière ou de l’océan, au sommet d’une montagne, dans le lac au chalet, etc. .

Lire à ce sujet l’excellent article de Jenny Hockey.

Hockey Jenny et al., « La crémation et le devenir des cendres », Ethnologie française 2/ 2007 (Vol. 37), p. 295-304
URL : www.cairn.info/revue-ethnologie-francaise-2007-2-page-295.htm.
DOI : 10.3917/ethn.072.0295

Quelques conseils  avant de prendre une décision

Mais en même temps, cette pratique n’est pas sans questionner. On ne saurait taire la forte charge émotionnelle qu’exige des proches le fait d’avoir à disposer des cendres du défunt et d’autant plus si ce dernier n’a donné aucune indication.  Quoi faire, comment faire et pourquoi faire  ? Autant de questions qu’il convient de se poser sur cette pratique qui, sans nul doute, marque un tournant dans la manière de vivre et dire la mort aujourd’hui.

-Est-ce vraiment souhaitable d’avoir l’urne au-dessus du foyer , de porter  sur nous les cendres d’un proche ?  La   pratique millénaire  des rituels funéraires nous apprend que la sortie du deuil se fait par la coupure symbolique entre le monde des morts et celui des vivants. La proximité des cendres au cœur de la vie   des survivants n’est-elle pas au plan des rituels une manière de « garder  l’autre présent avec soi » en prolongeant ainsi indûment le deuil? Certes rien ne va à l’encontre d’une telle pratique mais il faut garder des possibles ouverts et envisager dans quelques mois ou quelques années la possibilité de changer l’urne de place et de prévoir un autre rituel qui marquerait une séparation plus « définitive » avec la personne disparue .

– Très souvent les familles vont déposer l’urne dans un coin du  terrain de la résidence , dans le jardin , sur le bord du lac au chalet familial. Avant de prendre une telle décision, il convient de se demander ce qu’il adviendra de l’urne lors de la vente de la maison ou du chalet ?   Que pensera le nouveau propriétaire d’une telle présence sur son terrain? Et si nous souhaitons  redéplacer l’urne pour qu’elles suivent la migration familiale comment allons-nous vivre ce geste d’exhumation de l’urne?

-En ce qui concerne la dispersion des cendres , il convient de bien penser le rituel. Il importe que ce moment soit vécu en groupe restreint mais rarement seul. Il faut également prévoir la manière dont on va procéder car il n’est pas rare que surviennent des incidents malheureux .  Prenons l’exemple de la dispersion des cendres sur l’eau.   Contrairement à ce que l’on pense les cendres  sont lourdes et flottent souvent sur l’eau . Il faut donc choisir un endroit où il y a un courant si l’on veut que les cendres soient emportées et ne flottent pas pendant de longues minutes au-dessus de l’eau. Même chose avec le vent , il faut y aller dans le sens contraire pour éviter que les cendres se déposent sur les participants. Également éviter le contact direct avec les cendres. Autant de petits conseils qui pourront vous éviter quelques nuits d’insomnies et un rituel qui tourne au cauchemar .

En conclusion, peu importe la décision que vous prendrez, prenez le temps de vous poser les bonnes questions et d’entrevoir les enjeux liés à votre choix.  C’est à cette condition que vous pourrez construire un rite cohérent, créatif  et apaisant.

Une dernière information

Au Québec, il n’existe aucune règlementation concernant la dispersion et la disposition  des cendres.   Les survivants bénéficient  d’une grande  liberté de choix.  Vous avez donc toute la latitude pour prendre une décision éclairée et significative.   Quelques voix se lèvent pour demander une législation sur cette problématique.  Nous pensons à l’Assemblée des évêques du Québec qui en 2010 a déposé un mémoire au Ministre de Santé et des services sociaux du Québec intitulé: « La nécessité d’une règlementation relative à la disposition des cendres du défunt ». En accord avec les autorités ecclésiales,  les responsables des complexes  funéraires  sont   en faveur d’une telle règlementation. Jusqu’à maintenant ces démarches sont restées lettres mortes.

 


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