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UQAC EN REVUE / 

PRINTEMPS 2013

DOSSIER : UN REGARD VERS LES ORIGINES

Cela s’entend toujours… Jean-François Moreau est né en 

Belgique. Pourtant, il n’a pour ainsi dire jamais habité 

le « plat pays ». Quelques mois à peine après sa nais-

sance, ses parents s’installent au Congo où la famille vit 

une dizaine d’années, de 1950 à 1960. Au moment de 

l’indépendance de la colonie, le père de Jean-François 

recherche une nouvelle terre d’adoption avec deux 

exigences en tête : « S’installer dans une communauté 

francophone et jouir de grands espaces. » Le Québec 

fut sa réponse. Un choix d’autant plus enthousiasmant 

qu’il survenait en pleine Révolution tranquille. « Dès 

le départ, on est venu le chercher pour enseigner au 

séminaire Sainte-Marie de Shawinigan et, après deux 

ans, il s’est retrouvé au collège Saint-Laurent où il a 

terminé sa carrière d’enseignant », raconte son fils qui 

se trouve donc en terre québécoise depuis l’âge de 10 

ans. « Toute mon adolescence s’est déroulée au rythme 

de l’adolescence sociale du Québec et je me sens par-

faitement intégré à la trame de la société québécoise. 

Mon fond de culture belge me donne toutefois ce petit 

écart qui me permet d’avoir un coup d’œil légèrement 

différent de celui du Québécois de souche. Je crois 

aussi que toutes les expériences multiculturelles qui ont 

marqué ma jeunesse ont contribué à me diriger vers 

l’anthropologie », explique le scientifique aujourd’hui 

au bord de la retraite.

L’anthropologie fait partie des matières enseignées tra-

ditionnellement au Québec. À l’époque de sa formation, 

Jean-François Moreau avait le choix entre trois variantes 

de cette discipline : l’anthropologie physique ou sociale 

et l’archéologie. Les trois l’intéressent, mais l’archéolo-

gie l’emporte au baccalauréat alors que, à la maîtrise 

et au doctorat, il se spécialise dans la recherche sur les 

amas coquilliers du Costa-Rica. « Ce sont des poubelles 

préhistoriques. Des amoncellements de coquillages 

rejetés après qu’on ait extrait leur chair. La maîtrise a 

porté sur la démonstration de la saisonnalité d’occupa-

tion de ces coquilliers alors que le doctorat a abordé la 

question de la surexploitation du milieu marin à long 

terme. » Cet intérêt envers les ressources halieutiques 

l’a finalement conduit vers Grandes-Bergeronnes, sur la 

Côte-Nord, où il a codirigé une équipe d’archéologues 

avec deux collègues de l’UQAM où il était alors engagé.  

« Nous y avons fouillé un site d’exploitation du phoque, 

ce qui était tout à fait en lien avec mes expériences 

précédentes. »

Entretemps, l’historien Jean-Paul Simard, professeur à 

l’UQAC et un des pionniers de l’archéologie autochtone 

au Saguenay–Lac-Saint-Jean, décédait en 1983 alors que  

Jean-François Moreau soutenait sa thèse de doctorat. 

Dès juin 1984, Jean-François Moreau était engagé pour 

occuper le poste qu’on avait transformé pour qu’il soit 

exclusivement dédié à l’archéologie régionale. Les locaux 

et le financement étaient au rendez-vous pour la recher- 

la période de contact

Durant sa carrière d’archéologue, Jean-François Moreau 
a été fasciné par ce qu’on a appelé « la période de contact », 
soit le laps de temps au fil duquel s’est étalée la rencontre 
entre les Autochtones et les Européens. 

L’outil ou l’objet qu’il a privilégié pour matérialiser et 
mesurer ce laps de temps est une minuscule perle 
blanche en verre ainsi qu’un chaudron de cuivre. Les 
technologies de datation les plus évoluées permettent 
d’établir avec précision l’âge de ces bijoux et de ces 
récipients qui ont été introduits sur le territoire avec les 
colonisateurs. Pour ce faire, Jean-François Moreau a pu 
compter sur la précieuse collaboration du physicien Ron 
Handcock, spécialiste en activation neutronique de l’Uni-
versité de Toronto, aujourd’hui à l’Université McMaster.

Aux yeux de Jean-François Moreau, l’expression « période 
de contact » en elle-même recèle son lot d’ambigüités.  
« Au sens strict du terme, la première fois qu’un Amé-
rindien a rencontré un Blanc, le contact devient chose 
du passé et nous nous retrouvons au-delà de cette 
période. Je ne peux toutefois accepter cette définition et, 
pour moi, le contact demeure en cours dans la région à 
partir de 1600 jusqu’à la création de Mashteuiatsh, vers 
1830. Il s’agit donc d’une période très allongée, en ce 
qui concerne le Saguenay–Lac-Saint-Jean, plutôt qu’un 
moment précis dans le temps. »

Au départ, les recherches effectuées sur le poste de traite 
de Chicoutimi ne livrent à peu près pas d’information sur 
la période de contact, comme si personne n’occupait le 
territoire. « Avec les perles en verre de Chicoutimi, nous 
pouvons remonter jusqu’à 1625 environ, alors que notre 
point de repère historique de la présence européenne 
au Saguenay reste 1647 avec Jean Dequen. On peut 
conséquemment affirmer que, plusieurs années aupa-
ravant, des objets européens circulaient déjà dans la 
région depuis le Saint-Laurent.  Il est également possible 
d’optimiser ces conclusions jusqu’à l’identification d’un 
système de réseautage qui empruntait une grande voie 
de circulation vers le nord, à partir de Tadoussac, par 
le lac Saint-Jean, jusqu’au nord du Témiscamingue, en 
pays huron », conclut Jean-François Moreau. 

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che en laboratoire et les fouilles sur ce terrain, ce qui 

a permis de mettre en place l’enseignement de premier 

cycle avec le certificat en archéologie et la possibilité, 

pour certains mémoires, de passer au domaine des 

sciences exactes, en géologie, ou aux sciences humaines, 

à la maîtrise en études et interventions régionales. 

« Cette activité fut donc ma préoccupation principale 

durant 25 ans, à l’exception de la période de 1994 à 

2002, alors que j’ai été doyen des études de cycles 

supérieurs et de la recherche. Une expérience qui n’a 

pas été sans influencer le développement de l’archéo-

logie, puisque c’est le développement en général qui 

m’a prioritairement intéressé », affirme Jean-François 

Moreau. Actuellement, ce dernier s’engage dans un 

processus de retraite progressive qui devrait se conclure 

en 2015. Ce qui ne devrait pas l’empêcher de préserver 

un lien avec l’UQAC et avec la recherche. £

Jean-François Moreau a 
consacré la quasi-totalité 
de sa carrière à 
l’archéologie régionale...