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UQAC EN REVUE / 

PRINTEMPS 2013

DOSSIER : UN REGARD VERS LES ORIGINES

L’archéologie des savoirs 

Pour Camil Girard, l’historien cherche l’essence de l’hu-

main. Et, derrière cet humain, celle d’un autre humain 

qui l’a précédé et ainsi de suite, jusqu’aux origines. 

C’est dans l’esprit de cette démarche que l’historien 

devient l’archéologue des savoirs.

Son territoire englobe ce qu’on désigne comme le 

Moyen-Nord. Son archéologie adapte celle des pyra-

mides à un terrain où sévit la froidure de l’hiver, la 

dispersion, l’isolement, la solitude. L’ont occupé des 

microgroupes qui se sont disséminés au fil des saisons 

millénaires. L’analyse y apporte une meilleure compré-

hension des dynamiques de peuplement et de culture. 

Une vision qui conduit à un large renouvellement du 

champ des sciences humaines. 

Il affirme : « La science de l’archéologie participe à 

une révolution qui me semble importante autour de 

l’archéologie des savoirs. En ce sens que chaque science 

humaine doit s’obliger au regard anthropologique, une 

recherche de l’homme comme acteur. Comme partici-

pant de sa société, de sa colonie ou de son état. Il est 

alors évident qu’une anthropologie qui repositionne 

l’humain pour le sortir de l’ombre repose sans fin des 

questions qui peuvent parfois sembler anodines. Dans 

mon champ de l’histoire, ceci s’est avéré par la révision 

de notre passé colonial puis national. J’ai voulu repen-

ser l’histoire du XVI

e

 siècle autour des découvertes et 

des fondations. M’interroger sur la valeur du simple 

geste qui consiste à planter une croix en disant que 

l’Amérique est découverte; l’écrire sur papier; l’enté-

riner par un acte du roi… Me demander comment cela 

suffit pour prétendre conquérir l’Amérique. »

Camil Girard, dans une perspective qui tient compte 

du point de vue autochtone, s’est également attardé à 

repenser l’œuvre de Samuel de Champlain à partir des 

alliances avec les Premières Nations. 

Il s’agit conséquemment d’une démarche qui induit 

l’effondrement de larges pans de l’histoire tel qu’en-

tendu à ce jour et la révélation de nouvelles réalités 

fascinantes. Celle des Amériques autochtones avec 

 

75 millions de personnes et une multitude de peuples, 

de nations ainsi que de cultures. Celle de rencontres qui 

ont lieu ou non. Celle du regard de soi et de la négation 

de l’autre. La construction d’un nous colonial puis 

national. « L’histoire requestionne donc les fondements 

mêmes de la science, mais à partir de l’anthropologie 

et d’une ethnographie qui doit reconsidérer toute chose 

à partir de ses fondements : retrouver dans chaque 

trace les pas des humains qui sortent de l’ombre pour 

reprendre parole. D’où l’importance de replacer les 

individus, aux sens collectif, communautaire, familial 

et social, dans les structures du quotidien. Comme 

l’archéologue, nous allons chercher à l’intérieur des 

petits coquillages que nous recueillons, dans les restes 

d’un foyer ou dans des récits de vie, les éléments qui 

contribuent à la construction d’une structure, à l’élabo-

ration d’une conjoncture. »

L’analyse de ces informations permet à l’historien de 

saisir à quel point, sur le temps qui recule à plus de  

7 000 ans, l’Innu, même contemporain, reste « tatoué »  

de sa culture, même sans en être conscient. Quant à 

l’histoire récente du Saguenay–Lac-Saint-Jean, comme 

elle ne date que de 175 ans, cette empreinte reste 

beaucoup moins profonde et elle fait toujours référence 

aux influences européennes et charlevoisiennes, selon 

Camil Girard.

« Nous sommes en pleine archéologie des savoirs et, 

plus encore, en pleine anthropologie. Et je pense que la 

recherche universitaire et chaque science humaine doit 

faire ce pas vers l’anthropologie dans chacun de ses 

champs d’intervention. » £

JEANNOT LÉVESQUE

PHOTO P

. 14 : MARCO BACON

Diplômé en histoire de 

l’Université du Québec 

à Chicoutimi, de 

l’University of Western 

Ontario (maîtrise) et de 

la Sorbonne (doctorat), 

Camil Girard enseigne 

à l’UQAC depuis 1977. 

Il a été professeur 

à l’Université du 

Québec à Rimouski en 

1982-1983, chercheur 

à l’Institut québécois 

de recherche sur la 

culture (aujourd’hui 

l’INRS-Culture et 

Société) de 1986 à 

1989, où il a rédigé, 

en collaboration 

avec Normand 

Perron, Histoire du 

Saguenay–Lac-Saint-

Jean (première 

édition, 1989). 

Associé aux travaux 

de la Commission 

royale sur les peuples 

autochtones du Canada 

(1993-1995), il est 

professeur invité à 

l’INRS-Culture et 

Société depuis 1995 

(projet Réseau UQ 

portant sur la 

migration des jeunes, 

sous la direction de 

Madeleine Gauthier). 

Il anime le Groupe de 

recherche sur l’histoire 

de l’UQAC depuis 

1983. Il est l’auteur 

de plusieurs ouvrages 

sur l’histoire régionale, 

sur le patrimoine et la 

culture autochtones, 

sur l’histoire de 

la presse et sur le 

nationalisme au 

Canada.