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UQAC EN REVUE /
PRINTEMPS 2013
DOSSIER : UN REGARD VERS LES ORIGINES
Archéologie préventive
À la fin des années 1980, le ministère de la Culture
du Québec, en collaboration avec certains organismes,
offrait la possibilité de réaliser des programmes de
recherche archéologique sur le terrain. « Il ne s’agissait
pas que de projets dans le cadre de la construction
d’une route, mais bien d’explorations à partir d’une
problématique ou d’une interrogation. Je suis donc
revenu alors que l’UQAC, le ministère de la Culture
et différentes municipalités soutenaient des projets
archéologiques sur la Métabetchouane, sur la Côte-
Nord et ailleurs », se souvient Érik Langevin. Depuis,
les fonds ont été considérablement réduits, ce qui fait
qu’il demeure des activités comme l’École de fouille,
qui revient chaque année et qui permet d’effectuer
de la recherche fondamentale, ainsi que le projet qui
se poursuit depuis 1996 sur le Site de la Nouvelle-
France, à Saint-Félix-d’Otis. Outre cela, le Laboratoire
d’archéologie obtient des contrats en commandite de
la part d’organisations comme Hydro-Québec, qui a eu
recours aux services des chercheurs de l’UQAC pour
réaliser des fouilles sur le site de l’actuel barrage Péri-
bonka 4 ou sur celui du futur parc éolien de la réserve
faunique des Laurentides, et de la part du ministère des
Transports dans le cadre des travaux de construction
de la route 170. Rio Tinto Alcan confie également des
mandats annuels à l’UQAC dans le contexte du pro-
gramme de stabilisation des berges du lac Saint-Jean.
« Il s’agit de mandats qui s’inscrivent dans une démarche
d’archéologie préventive comme nous la qualifions »,
explique Érik Langevin. « Le fait de pouvoir compter
sur un bassin d’étudiants nous permet de disposer d’une
main-d’œuvre locale et de faire travailler nos gens. »
Sur le terrain
« Le Saguenay–Lac-Saint-Jean est aussi intéressant que
tout le reste du Québec et du Canada en terme d’archéo-
logie. » C’est du moins ce qu’affirme Érik Langevin avec
fermeté. « C’est une histoire et une préhistoire qui sont
plutôt jeunes si on compare à l’Europe. Il faut se rappe-
ler que des glaciers recouvraient le territoire il y a 8 000
ans et qu’il n’y avait donc pas d’occupation possible.
Un fait demeure toutefois, c’est que, contrairement à la
situation en Europe, tout reste encore à découvrir. Au
Québec, l’archéologie professionnelle, avec des spécia-
listes formés dans cette discipline, n’existe que depuis le
milieu des années 1970 », selon Érik Langevin. D’après
lui, l’archéologie véritable n’a pas 50 ans au Québec et,
au Saguenay–Lac-Saint-Jean, il n’y avait rien de vrai-
ment structuré avant Jean-François Moreau, vers 1984.
Auparavant, il y avait des archéologues amateurs qui
ont souvent fait un excellent travail et qui ont permis
de sauver du matériel qui serait disparu sans leur inter-
vention. Il y avait peu de publications et les chercheurs
travaillaient chacun de leur côté. On peut même affir-
mer que, jusqu’à 1996, alors que s’engagent les fouilles
sur le Site de la Nouvelle-France et à l’embouchure
de la rivière Sainte-Marguerite, les connaissances sur
l’ensemble du territoire entre Tadoussac et le lac Saint-
Jean sont embryonnaires, si l’on excepte le poste de
traite de Chicoutimi. Conséquemment, chaque nouvelle
fouille ajoute aux connaissances.
L’archéologie chez nous
La pratique de l’archéologie en Europe, en Afrique ou
en Asie diffère radicalement de ce qui se fait chez
nous. Alors que, dans les « vieux pays », on découvre
maintenant des villes disparues et des monuments aux
proportions gigantesques par repérage satellite alors
qu’ils sont enfouis depuis des siècles, chez nous, rien de
tel n’a jamais existé et l’on recherche des emplacements
de feux plutôt que des temples ou des pyramides. Dans
notre région, les traces matérielles « solides » de l’occu-
pation humaine ne remontent en grande partie qu’à la
fin du 19
e
siècle.
« Lorsqu’on tente de présenter l’archéologie à nos
visiteurs ou à la population, on doit donc miser sur
l’imaginaire et la sensibilité des gens pour reconstituer
les sociétés passées à partir de fragments d’objets. Nous
pouvons toutefois éduquer les visiteurs du Site de la
Nouvelle-France, par exemple, à l’archéologie comme
telle, à sa pratique, aux méthodes de recherche, au
traitement des objets et à leur interprétation », explique
Érik Langevin. « Même si les découvertes sont loin
d’avoir la somptuosité des structures égyptiennes, les
gens sont quand même fascinés lorsqu’on leur montre
une pointe de flèche qui peut remonter à plus de
5 000 ans. Ces personnes sont généralement surprises
d’apprendre qu’il se fait de l’archéologie au Saguenay–
Lac-Saint-Jean et qu’il existe 425 sites archéologiques
dans la région. »
Haches préhistoriques en pierre
1. 1 000 ans avant aujourd’hui
2. 1 000 ans avant aujourd’hui
3. 2 000 à 3 000 ans avant aujourd’hui
Fouilles archéologiques, 1997 à 2003
Site de la Nouvelle-France, Saint-Félix-d’Otis
Hache historique en fer (19
e
siècle)
Fouille archéologique, 2004
Aménagement hydroélectrique de Péribonka
Promoteur : Hydro-Québec
1
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PHOTOS : GUYLAIN DOYLE
JEANNOT LÉVESQUE
Érik Langevin
examinant des
objets découverts
dans le cadre
d’un stage en
archéologie
qu’il supervise
Site de la
Nouvelle-France,
Saint-Félix d’Otis