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UQAC EN REVUE /
PRINTEMPS 2013
DOSSIER : UN REGARD VERS LES ORIGINES
Depuis les débuts
Dans une région passionnée d’histoire comme le
Saguenay–Lac-Saint-Jean, l’archéologie a toujours été
un sujet d’intérêt. À la suite des pionniers qu’ont été
Jean-Paul Simard, Robert Simard et Georges-Henri
Fortin, Jean-François Moreau est arrivé en 1984 avec
une démarche scientifique structurée qui a conduit à
l’implantation du Laboratoire d’archéologie de l’UQAC
de même qu’à d’importantes découvertes quant à la
présence autochtone dans la région.
« Avant que j’arrive ici, il n’y avait pas de laboratoire
d’archéologie, mais il y avait déjà eu des recherches
effectuées par des précurseurs. C’est en 1985 que le
Laboratoire est mis en place avec la participation de
précieux collaborateurs comme Érik Langevin. Érik a
orienté ses recherches vers le passé lointain autochtone
alors que, pour ma part, je me suis concentré vers la
période de contact avec les Européens. Plus récemment,
Marie-Josée Fortin nous est revenue après un passage
au Projet Balsac », explique Jean-François Moreau.
Présente, mais méconnue
Une fois sortie de son image hollywoodienne, l’archéo-
logie demeure une science méconnue et condamnée
à le demeurer en partie, selon Jean-François Moreau.
Heureusement, la loi québécoise attribue à l’archéologie
une place incontournable.
Selon Jean-François Moreau, professeur titulaire, un
des facteurs qui explique une certaine méconnaissance
du grand public par rapport à l’archéologie est lié à
cette caractéristique intrinsèque de la discipline qui
veut que : « en tant que scientifiques, nous sommes
parmi les rares à devoir détruire une grande partie de
nos données une fois qu’elles sont acquises. Certes,
l’objet trouvé, la pointe de flèche ou toute autre
pièce d’intérêt, est conservé. Toutefois, l’information
fondamentale associée à sa localisation et au contexte
physique dans lequel il a été retrouvé est perdue. »
Jean-François Moreau souligne en contrepartie que le
Québec s’est heureusement doté d’une législation visant
la protection du patrimoine archéologique, dont la Loi
sur la qualité de l’environnement qui prévoit que tout
développement doit être précédé d’une étude de poten-
tiel et de la réalisation d’un inventaire obligatoire avant
de procéder aux aménagements.
En ce qui a trait aux petits projets, comme la construc-
tion d’une maison, c’est la Loi sur les biens culturels
qui prend la relève en prévoyant une obligation de
divulgation. « Conséquemment, quiconque tombe sur
des objets archéologiques en excavant des fondations
devrait en avertir le ministère des Affaires culturelles. »
Grands projets
Aux yeux de l’universitaire, l’implication des archéo-
logues dans le cadre de grands projets d’infrastructures
s’avère l’aspect le plus intéressant et le plus productif
de la recherche. « Prenons quelques exemples de projets
d’envergure récents auxquels les chercheurs de l’UQAC
ont été associés, comme la route de la réserve faunique
des Laurentides, le barrage Péribonka 4 érigé par Hydro-
L’archéologie
est sans doute
l’une des
disciplines
scientifiques
qui font le plus
rêver. Nombre
d’émules
d’Indiana
Jones se sont
imaginés
en train de
mettre à jour
la chambre
funéraire
d’un pharaon
égyptien
oublié ou les
ossements du
plus ancien
ancêtre de
l’humain.
Nourrie par
l’imaginaire
hollywoodien
et par
un déluge de
documentaires
plus spectacu-
laires les uns
que les autres,
notre perception
de l’archéologie
reste empreinte
d’un roman-
tisme qui cède
peu de place à
la dimension
scientifique de
la recherche
du passé. En
réalité, nous
savons bien peu
de choses de
cette activité
scientifique.
Encore moins
sur la formation
universitaire
qu’elle requiert
et sur les
recherches
qu’elle suscite.
Québec à la confluence des rivières Manouane et Péri-
bonka ainsi que la réfection des berges du lac Saint-
Jean par Rio Tinto Alcan, des travaux qui se prolongent
chaque année. Avant que les travaux ne soient entre-
pris, nous vérifions s’il y a un potentiel archéologique
et si nous identifions un site relativement prometteur,
on nous donne le temps de faire une fouille », explique
Jean-François Moreau.
C’est alors qu’on réalise l’importance de localiser de la
façon la plus précise possible tous les éléments identifiés
afin de pouvoir les replacer dans leur contexte original
et d’obtenir toutes les informations révélées. L’exemple
le plus simple qui illustre ce propos est celui de pierres
trouvées sur un site potentiel. Sans noter leur posi-
tionnement en rond, on ne peut déduire qu’il s’agit de
l’emplacement d’un feu. On comprendra ensuite que
la section de flèche brisée trouvée non loin a dû être
extraite d’une proie avant sa cuisson. Toute cette infor-
mation, aussi significative que les objets eux-mêmes,
demeure toutefois inaccessible sans la localisation
précise des éléments du site.
Multidisciplinarité
Une autre caractéristique inéluctable de l’archéologie
reste sa dimension largement multidisciplinaire Pour
Jean-François Moreau : « il est clair que l’archéologie a
plus d’affinités avec les sciences exactes au moment de
la cueillette des données. Pour bien comprendre ce que
les sites archéologiques nous apprennent, il faut savoir
lire les sols de même que la distribution des objets, inté-
grant à ce stade les notions de géologie, par exemple.
Au point d’arrivée, l’archéologie devient science sociale
lorsqu’arrive le moment de reconstituer le mode de
vie des êtres humains il y a des milliers d’années.
Entre les deux surviennent les étapes de l’analyse des
objets trouvés dans le sol, l’intégration des données
de localisation et des données culturelles matérielles.
Dans l’ensemble du processus interviennent donc des
disciplines associées aux sciences humaines (typologie,
taxonomie et autres) ou sciences exactes (archéométrie,
géologie, biologie, chimie, physique) ».
Périodisation
En archéologie, la périodisation définit les grandes
périodes d’occupation territoriale qui débutent par les
premières occupations provenant du sud avec la remon-
tée des glaciers. Suit la période d’enracinement, à partir
de 3 500 avant J.-C., sur laquelle la région compte
d’excellents témoignages matériels à cause de l’uti-
lisation systématique du quartzite de Mistassini. On
observe ensuite une période caractérisée par la présence
de la poterie, qui laisse croire que les Iroquoiens se
retrouvaient de temps à autre à Chicoutimi. « Au Sague-
nay–Lac-Saint-Jean, on peut ensuite faire remonter la
période de contact à l’an 1600 jusqu’à 1835. Avant
1835, le nombre de Blancs que l’on retrouvait sur le
territoire s’avérait infime. Il ne s’agissait en réalité que
de quelques missionnaires et aventuriers, en plus des
commis des postes de traite. À cette époque, la région
comptait probablement de 2 000 à 3 000 Amérindiens,
un nombre qui a été égalé par les colons vers 1850