Interaction

Un tournant marquant du 20e siècle est sans contredit l’avènement de la cybernétique ; celle-ci repose sur le concept de la « boucle de rétroaction » (feedback loop) (Weiner, 1948). Lorsque des systèmes s’influencent mutuellement et s’adaptent l’un à l’autre, il y a interactivité. Or, avec la numérisation croissante de la société, une variété de capteurs et de senseurs destinés à traduire la réalité en données peuvent désormais compléter la boucle de rétroaction reliant humain et ordinateur. En retour, l’ordinateur peut exprimer le produit de l’interaction grâce à un feedback visuel, sonore, lumineux ou tactile. Le paradigme de l’interaction a profondément bouleversé le paysage des arts médiatiques : « interaction is the medium » est dorénavant le mot d’ordre, en corollaire à la célèbre phrase de Marshall McLuhan (Salter, 2010, p. 328).

« Ce sont les regardeurs qui font les tableaux. » Cette célèbre phrase de Marcel Duchamp fait référence à la migration du Beau depuis l’objet vers l’esprit de celui qui le contemple, (Couchot, 2012, p. 62). Désormais, grâce à l’interaction, un échange explicite entre œuvre et public est plus que jamais envisageable. Cette interaction ouvre la voie aux expériences médiatiques nouvelles, et vient remettre en question la notion d’auteur. Comment se construit la dimension narrative lorsque le spectateur devient acteur ? Voilà une des questions auxquelles les chercheurs sont désormais confrontés.

What is important to understand is that interactivity still needs to discover its own language. It is still very difficult to create an experience merging interactivity and storytelling. There are major issues, especially regarding interface, that still have to be solved. It is difficult to invent a language when there is no pen and when a new type of paper is being invented every week (Surman, Cage, 2007, p.103).

Avec cette remise en question de la fonction du spectateur, un nouveau rôle est créé : le terme consacré est maintenant interacteur : il n’est pas l’auteur de l’œuvre, mais détient forcément un rôle de premier plan dans la finalité de l’œuvre et du même élan, dans la réalisation de son plaisir esthétique. L’interaction prise comme un média permet donc d’exacerber l’agentivité [1]  de l’interacteur, et se veut porteuse de sens (Muller et Edmonds, 2006).

La relation artiste/public est désormais complexifiée : le spectateur [2] est à la fois l’auteur de l’expérience et le sujet de l’expérimentation, mais l’instigateur demeure l’artiste (Paci, 2005, p. 3). Cette remise en question de la passivité du spectateur suscite beaucoup d’enthousiasme – tout particulièrement dans l’espace public et les festivals – générant des industries entières vouées à offrir des expériences sur mesure, de la musique à l’architecture en passant par le cinéma, le récit et les installations interactives, autant de pratiques attentives aux intentions et aux désirs du public.

[1] C’est-à-dire sa capacité d’agir sur son environnement.

[2] Louise Boisclair recourt au terme spectacture (sic) pour définir l’interaction lors de la traversée de l’installation interactive. (2013, p. 39).