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Intitulé des projets actuels

Poétique de l’enquête dans le roman français contemporain (CRSH 2008-2011).

Ce projet consiste à mettre en lumière la poétique d’une forme romanesque spécifique – l’enquête – dans le champ de la littérature française contemporaine (mais à l’extérieur du roman policier, avec les oeuvres de Patrick Modiano, Olivier Rolin, Arnaud Cathrine, Béatrice Hammer, Gisèle Fournier, Belinda Cannone, Claude Ollier, Éric Chauvier, entre autres), de même que ses enjeux littéraires, philosophiques et culturels.

Le premier volet de la recherche, poétique, vise à décrire ce (nouveau ?) genre particulier, en jaugeant l’écart entre le roman policier et ses avatars contemporains qui, peu ou prou, désorganisent ou réorganisent le modèle original. La réflexion porte ici premièrement sur la mise en scène des deux actions (l’action investigatrice et l’action à élucider) – ses tensions, ses équilibres, ses incompatibilités – ; deuxièmement, sur le dialogisme constitutif de ces textes (multiplicité des hypothèses, des témoignages, des versions) et le pluriel fictionnel qui en découle; troisièmement, sur le jeu entre la concordance et la discordance qui se déploie au sein de ces fictions.

Le second volet consiste précisément à prendre la mesure des enjeux littéraires, philosophiques et culturels de cette forme, enjeux solidement ancrés dans le contemporain. L’analyse porte sur trois aspects. Premièrement, une méditation sur le temps qui donne sens à deux aspects distincts de la temporalité: d’une part, la distance temporelle perçue comme fracture ou perte; d’autre part, un régime d’historicité spécifique où le présent (l’enquête) ne vaut que de permettre et d’empêcher le retour d’un passé (l’action à éluicider) qui déjà lui donne sourdement forme. Deuxièmement, une méditation sur l’action et le récit, où l’on tente d’explorer les diverses manières de donner sens à l’agir humain (du geste intime et presque impénétrable aux déterminations historiques ou sociologiques qui pourtant laissent une part d’ombre) et de fonder la possibilité de raconter malgré tout (malgré le soupçon, la remise en question de l’autorité narrative, l’invention sémiotique). Troisièmement, une méditation sur l’agent et le sujet humains, entre le semblable et l’Autre, qui se décline sur le mode de l’identité et qui se révèle inaccessible; plus radicalement encore, c’est l’existence humaine qui se redessine dans ces fictions, soumise, par delà les figures conventionnelles du mensonge ou de l’inconscient,  à des rythmes et des ruptures imprévus

La théorie du récit à l’épreuve du romanesque contemporain : décalage ou aporie méthodologique ? (CRSH 2009-2011, chercheur principal: René Audet, Université Laval).

Le discours critique sur les oeuvres romanesques actuelles souffre d’un rapport déficitaire avec ses objets, notamment en envisageant leur narrativité, presque négativement, à l’aune d’une banalité, d’un manque d’action ou d’un éclatement de l’histoire qui viendraient dissoudre l’idée même du roman. Par ailleurs, les lectures savantes mentionnent souvent explicitement leurs difficultés à décrire ces romans. Ce malaise dans la critique, nous souhaitons en identifier les manifestations et, surtout, les motivations épistémologiques.

Le présent projet vise ainsi à investiguer la pertinence et l’adéquation des notions fondatrices de la théorie du récit dans le cadre d’analyses de la production romanesque actuelle. Il repose sur l’idée qu’une critique qui témoigne aussi fréquemment de ses propres limites est largement fondée sur un rapport problématique entre pratiques littéraires et notions théoriques.

C’est cette relative inadéquation de la critique dans le contexte du roman français contemporain que ce projet veut analyser. Il s’agira d’abord d’évaluer, sur un corpus romanesque et critique restreint, les écueils méthodologiques rencontrés par les commentateurs des romans actuels et d’identifier les notions ou les procédés narratifs qui causent la déroute de la critique. Ensuite, il s’agira de redéfinir ces notions jugées problématiques par un retour critique sur quatre romanciers de Minuit pour opérer des déplacements théoriques en phase avec le roman actuel.

En plus de favoriser une meilleure compréhension des pratiques romanesques françaises contemporaines, cette recherche a pour enjeu la relecture épistémologique de la théorie du récit. Il s’agira d’identifier ses fondements structuralistes, pour montrer qu’elle est fille d’un temps et d’un corpus spécifiques, et permettre en retour une modulation de cette théorie adaptée aux corpus qu’elle décrit.

Construction du contemporain : événements, textes, savoirs. Équipe de recherche sur l’imaginaire contemporain, la littérature, les images et les nouvelles textualités (FQRSC 2009-2012, chercheur principal: Bertrand Gervais, UQAM).

Ce programme découle d’un constat : notre époque est marquée par des transformations culturelles, sociales et technologiques qui reconfigurent de façon fondamentale notre relation au monde. De nombreux aspects de cette relation ont été déstabilisés, et il importe d’étudier les effets et les conséquences de cette fragilisation. Le programme d’ERIC LINT a pour objectif d’explorer trois révélateurs de ces tensions qui déterminent notre contemporain : une narrativisation malaisée des événements, une textualité en transition et des savoirs en pleine reconfiguration.

L’axe 1, « Formes contemporaines de l’événement et du réci t», porte sur la construction et la mise en récit et en image de l’événement. Comment parvenons-nous à décrire et à mettre en scène ces événements qui font notre quotidien, voire qui fondent notre contemporanéité ? Ce premier axe s’articule autour du « Projet Lower Manhattan (PLM) », qui s’est donné pour objectif d’analyser le processus de fictionnalisation et de mythification amorcé à partir des attentats du 11 septembre 2001. Seul dans son genre, ce projet suit la façon dont cet événement est construit, mis en récit, en fiction et en image.

L’axe 2, « Formes contemporaines du texte et de l’image », explore les expériences esthétiques liées au numérique, de manière à penser les modes de représentation et de prise en charge de l’événement par le récit et l’image, et à comprendre comment le développement du numérique et des formes hypermédiatiques modifie notre conception du monde et de la subjectivité. Ce deuxième axe a pour cœur le « Répertoire ALH : dossiers thématiques et commissariats en ligne », qui vise à identifier et cataloguer les œuvres hypermédiatiques présentement disponibles et participant à cette nouvelle culture de l’écran.

L’axe 3, « Formes contemporaines des savoirs », examine dans une perspective théorique les diverses figures du savoir qui prévalent aujourd’hui et dont l’analyse doit permettre de saisir les tensions qui marquent notre rapport à l’époque contemporaine. Ce troisième axe prend forme autour du projet collectif « l’Observatoire de l’imaginaire contemporain : figures du savoir » Ce projet collectif représente la contribution d’ERIC LINT à l’un des grands projets de Figura : l’Observatoire de l’imaginaire contemporain (OIC). Le programme « Construction du contemporain » sera l’occasion d’amorcer le développement de l’OIC, une plateforme encyclopédique en ligne, conçue comme une métabase de données permettant d’articuler un ensemble d’informations complexes en lien avec les manifestations de l’imaginaire contemporain. Cet axe sera constitué de dossiers explorant une figure propre au contemporain: figure du sujet et théorie du sujet, figure du savant et de la science, figure de l’écrivain, figure de l’oubli et de la mémoire, figure de la violence et de la crise, figure de la maison, figure du livre et du texte, etc.

Anciens projets

Inquiétudes dialogales: description sémio-poétique et interprétation culturelle des transformations de la représentation de la parole partagée dans le roman français depuis 1950 (FQRSC 2005-2008).

Ce projet veut analyser l’intérêt nouveau manifesté, depuis les années 1950, pour le dialogue par tout un pan du roman français qui met en scène la parole partagée dans ses périls, ses égarements, ses malentendus. Chez Beckett, Duras, Ferney, Claude Mauriac, Nobécourt, Nothomb, Pinget, Sallenave, Salvayre, Sarraute, la parole ne va plus de soi, en une inquiétude propre à la seconde moitié du XXe siècle.

Ce projet veut d’abord montrer que les transformations dialogales touchent à trois dimensions implicites essentielles de cette pratique : identitaire (le dialogue est le lieu de la constitution et de la mise en péril de l’identité des interlocuteurs), conventionnelle (de nouvelles règles sont mises en scène) et épistémique (les savoirs présupposés par les répliques entrent en conflit).

Le deuxième volet de la recherche veut prendre la mesure des transformations de certaines composantes romanesques consécutives à l’importance accordée au dialogue. Ainsi, privilégier le dialogue mine la primauté de l’intrigue, et définit l’être par son dire plus que par son faire; et mettre sur le devant de la scène la parole des personnages, c’est diminuer la parole du narrateur et consacrer l’impossibilité d’un discours qui surplombe les êtres et les choses. Ces traditionnelles clés de voûte du roman que sont l’intrigue et le narrateur voient donc leurs places et rôles métamorphosés par l’attention nouvelle accordée au dialogue.

Le troisième volet de la recherche consiste à mettre en regard la pensée romanesque de la parole partagée avec les conceptions de la parole présentes dans le discours scientifique (anthropologique, psychanalytique, philosophique, historique) depuis les années 1950 en France. Littérature et discours scientifique témoignent d’un même questionnement sur la parole. Dans le discours scientifique, plusieurs éléments viennent troubler le rapport de la parole à soi, à l’autre et à ses objets discursifs: de l’inconscient à l’arrière-plan idéologique ou épistémologique; des conventions constitutives mais ignorées aux structures déterminantes; des lieux identitaires indicibles à la voix de la culture – à telle enseigne que la parole semble même finir par échapper au locuteur. Ainsi, discours littéraire et discours scientifique témoignent, chacun à leur manière, d’une commune conception de la parole dans le second XXe siècle – voire d’une commune épistémé, dont le présent projet est peut-être aussi le produit.

Littérature, imaginaire et nouvelles textualités. Équipe de recherche sur l’imaginaire contemporain (FQRSC 2005-2009, chercheur principal: Bertrand Gervais, UQAM).

Les transformations actuelles que connaît le monde des lettres et des arts sont accélérées par l’informatisation massive de la culture. Ces transformations portent sur un plan tant médiatique que symbolique : elles touchent aussi bien les supports que les fondements et les contenus de la représentation. Leur ampleur nourrit par moments un sentiment d’inquiétude que les bouleversements sociohistoriques récents viennent accentuer. L’objectif du programme de recherche est de prendre la mesure de cette inquiétude. Tout un pan de l’imagination contemporaine résonne de ces transformations et il importe de comprendre ce qui alimente cet imaginaire et de proposer des perspectives et des instruments d’analyse originaux afin d’assurer, d’un point de vue esthétique et, plus largement, social, un renouvellement des pratiques et une meilleure compréhension de l’imaginaire contemporain.

Le programme de recherche se divise en deux axes, qui rendent compte d’un amont et d’un aval. Le premier axe, «Formes et figures littéraires», porte en amont sur les formes littéraires contemporaines, qui tentent de rendre compte d’un réel de plus en plus éclaté, tout en restant attachées au livre et aux formes habituelles de la textualité. Le second axe, «Les limites de la textualité», traite en aval du déplacement des pratiques et de la transformation fondamentale que l’apparition des nouvelles technologies du texte et de l’image provoquent.