Archives de catégorie : Réflexion

Nuances à propos de l’enseignement à distance

En mars dernier, un article du Détecteur de rumeurs | Agence Science-Presse avait pour objectif ambitieux de vérifier les faits (fact checking) selon lesquels l’enseignement à distance au primaire et au secondaire nuit à l’apprentissage.

Le verdict prononcé était sans appel : Vrai!

En compagnie d’une quinzaine de collègues, je contribue à ce texte qui vise à apporter de sérieuses nuances à ce verdict.

L’importance du contexte

Parution aujourd’hui du texte « S’opposer à l’enseignement à distance sans tenir compte des contextes différenciés: une attitude réductrice risquée ».

Ce texte propose une incursion dans une démarche d’investigation d’enseignants de mathématiques qui ont vécu l’enseignement à distance en 2020 et 2021. Notre intention est de contribuer à la réflexion sur la pertinence, sinon la nécessité d’étudier les contextes éducatifs dans leur ensemble et leur dynamique, plutôt que leur faire une analyse réductrice, au nom de certains desiderata.

Conférence de consensus sur le numérique

Je participe aujourd’hui à titre d’expert à la conférence de consensus sur l’utilisation du numérique en éducation. Cet événement est organisé par le CTREQ. On m’a demandé de me prononcer sur la question suivante:

Dans quelle mesure le numérique peut contribuer à l’approfondissement des connaissances et le développement des compétences des élèves eu égard du curriculum scolaire, aux pratiques de classe et au contexte d’autonomie professionnelle ? Quelles propositions pourraient être faites pour associer des équipes écoles à ces réflexions ?

Mon texte préparatoire, intitulé « La valeur ajoutée du numérique en éducation: une question de principe », peut être consulté ici.

Regard sur l’éducation en sept minutes après sept mois de pandémie

NOTE: Ce texte reprend les principales idées d’une communication dans le cadre de l’activité spéciale organisée par le CTREQ le 7 octobre 2020.

J’aimerais d’abord remercier le CTREQ pour l’invitation. C’est un plaisir de participer à ce panel en compagnie des autres intervenants.

Mon propos va s’articuler en trois temps. D’abord, j’expliquerai trois points positifs résultant de la situation de pandémie. Ensuite, je vais présenter une lacune de notre système qui est mise en exergue par la crise sanitaire. Je conclurai en partageant un espoir.

Points positifs

Le premier point positif de la pandémie, c’est qu’on n’a jamais autant entendu parler de science et de recherche. Leur impact sur chacun de nous et sur le fonctionnement des sociétés est évident plus que jamais. Et ça concerne tout autant l’éducation que la santé. On comprend mieux les retombées de la recherche, mais aussi la nature de ce travail. Par exemple, on constate que même si on est dans l’urgence, une solution sérieuse à un problème complexe, ça prend du temps à trouver!

Il faut toutefois faire attention à l’association qu’on fait lorsqu’on parle d’impact concret de la science. Ça ne concerne pas que la recherche appliquée. Aujourd’hui, la solution à la pandémie dépend en grande partie de la recherche fondamentale. Malheureusement, on ne la reconnait pas toujours à sa pleine valeur.

Par exemple, saviez-vous que, sous prétexte que la H1N1 a peu touché l’Amérique du Nord, on a arrêté de financer des études en 2009 qui aujourd’hui auraient pu nous aider à comprendre plus rapidement des aspects de la COVID-19?

Même si les impacts de la recherche fondamentale sont souvent différés dans le temps, on réalise qu’elle a autant de pertinence et de nécessité que les autres formes de recherche.

Comme second point positif, je dirais que la pandémie a amené des parents à mieux comprendre toute l’exigence du travail des enseignants.

Rappelons-nous la difficile conciliation du télétravail et de la gestion des enfants à la maison lors du confinement prolongé au printemps. Il semble qu’un certain mouvement de reconnaissance implicite à l’égard des enseignants en ait découlée. Compte tenu de l’importance de la relation école-famille, cette prise de conscience me semble des plus positives.

Comme troisième point favorable découlant de la pandémie, je vais aborder la prise de conscience accrue quant à la pertinence de la mission de socialisation de l’école.

Rappelons-nous l’évolution du discours dans les médias le printemps passé. Au début, on craignait qu’il manque des apprentissages aux élèves. Ensuite, c’est l’annulation des examens qui a donné lieu à une crainte. Celle de l’incapacité de statuer sur le niveau de progression des élèves. Comme s’il n’y avait pas d’autres moyens d’y parvenir… Enfin, on a réalisé la solitude que les jeunes ont vécue. Une étude de collègues de l’UQO se penche d’ailleurs sur cette question actuellement.

Évidemment, les volets d’éducation et de qualification de la mission de l’école québécoise sont importants. La pandémie nous rappelle que la socialisation est aussi un aspect majeur dans le développement d’une personne.

Lacune

Je vais poursuivre en expliquant une lacune de notre système qui est mise en exergue par la pandémie. Une autre lacune que l’évidente et désolante accentuation des inégalités.

Je vais plutôt parler de l’organisation scolaire au secondaire. Une organisation statique, pour ne pas dire figée dans le temps. Une organisation qui offre peu de flexibilité dans la façon de dispenser l’enseignement. Par exemple en mode hybride. Pourtant, en implantant un enseignement hybride dès le début de l’année scolaire 2020-2021, on aurait pu offrir une nécessaire stabilité et prévisibilité aux élèves, tout en conservant un lien social et en diminuant les risques de propagation du virus via le milieu scolaire.

Comment se fait-il qu’on n’ait pas planifié un tel mode d’enseignement et qu’on doive maintenant y recourir comme pis-aller dans les zones rouges depuis quelques jours?

Je vais avancer deux pistes de réflexion à ce sujet. La première : la pandémie nous met devant notre difficulté collective à formaliser des innovations à l’ensemble du système. Parce que des initiatives et des modèles porteurs, il en existe au Québec. Il s’en développe depuis plus 20 ans. Malheureusement, on parvient trop peu à déployer ces initiatives de façon étendue et à les intégrer aux structures existantes pour qu’elles ne soient plus des à-côtés. Résultat : notre organisation scolaire statique les tolère, sans s’en inspirer pour se transformer plus en profondeur.

Une seconde piste d’explication réside dans le financement du numérique en éducation. La pandémie illustre que les investissements ont principalement ciblé la quincaillerie intramurale plutôt que le développement d’une capacité socionumérique collective.

Par capacité socionumérique, j’entends l’usage du numérique pour tisser et maintenir du lien social, de la collaboration, une relation pédagogique et des interactions à des fins d’apprentissage. Le numérique, c’est autre chose que des outils. C’est autre chose qu’un portail de sites Web. C’est une posture. C’est du relationnel qui peut dépasser les murs d’une classe. On y a trop peu porté attention et on en voit des limites importantes aujourd’hui par rapport à notre capacité à adapter l’organisation scolaire à la situation de crise.

Espoir

Je termine sur une note positive en y allant d’un espoir.

Dans la gestion de la pandémie, on consulte à peu près tous les spécialistes concernés. Virologues, psychologues, pédiatres… Nommez-les! On les consulte tous, sauf les enseignants. Pourtant, ce sont les personnes qui sont en première ligne dans les classes.

Ce n’est pas d’hier que les enseignants ont l’impression qu’on considère peu la réalité de leur pratique. Mais ce sentiment semble atteindre un point de rupture pendant la pandémie. C’est désolant. Mais il y a un quand même un espoir. Une nouvelle voix s’élève pour les enseignants.

Un enseignant au secondaire de la région de Québec est en train de mettre sur pied une association pour faire valoir la perspective spécifique des enseignants. Cette initiative, qui est portée par et pour les enseignants, est rafraichissante. J’espère qu’elle réussira à rassembler le plus de gens possible. Si ça vous intéresse, vous pouvez suivre les publications de Sylvain Dancause, le porteur de l’initiative.

Je m’arrête ici. Merci de votre attention. Il me fera plaisir de recevoir vos commentaires et de répondre à vos questions.

L’université québécoise du futur

L’université québécoise du futur: tendances, enjeux, pistes d’action et recommandations.
Paru il y a environ deux semaines, le document édité par les Fonds de recherche du Québec (FRQ) rend compte de la réflexion d’un « groupe d’une douzaine de personnes [qui] a réfléchi sur les exigences de l’université québécoise du futur dans le cadre de 12 rencontres […] ».
Quelques commentaires à brûle-pourpoint…
Très bon topo des grandes tendances susceptibles d’influencer l’université du futur.
Portrait évolutif riche de plusieurs variables concernant le milieu universitaire. Des annexes encore plus détaillées sont en préparation pour ceux qui ne seraient pas rassasiés.
L’importance de la liberté académique et de l’autonomie institutionnelle est, à juste titre, réitérée à plusieurs reprises. En espérant maintenant qu’elles ne se feront pas avaler par la reddition de comptes (que le rapport suggère d’ailleurs de simplifier) ni par les modes de gestion chiffrées qui sont en croissance.
– Une surprise
À l’exception d’une étudiante de premier cycle, aucun représentant des « grosses » universités sur le comité de travail. Ça laisse un peu pantois.
– Un défi de funambule
Autant on affirme l’importance de la recherche théorique et fondamentale, autant plusieurs recommandations ont des allures d’utilitarisme. La conciliation s’annonce un défi de taille.
– Une autre surprise
L’accent mis sur l’importance de réfléchir à des environnements d’apprentissage renouvelés. J’en suis convaincu depuis longtemps, mais de constater qu’un document édité par un bailleur de fonds de recherche pèse aussi fort sur cet aspect est rafraichissant. Il reste maintenant à souhaiter qu’on fera appel aux gens des sciences de l’éducation pour étayer le tout, car il faudra davantage que « Captiver pour réussir la formation» (intitulé du 2e enjeu) afin de relever le défi.
– Un angle mort
Par rapport au point précédent, on fait fi de la nécessité de développer une culture de la pédagogie universitaire.
– Un éléphant dans la pièce
Le financement des universités par la philanthropie, qu’on aborde du bout des lèvres, mais qui crée pourtant des disparités importantes au sein du réseau québécois. Il faudra oser ouvrir cette boite de pandore si on souhaite que le voeu d’une collaboration interuniversitaire accrue en formation se concrétise.
– Une évidence
La place octroyée au numérique.
– Des recommandations précises et porteuses d’avenir.
Beaucoup de boulot attend les universités!
– Un sujet que j’aurais aimé voir traité
En plus du discours d’excellence en recherche, pourrait-on aussi réfléchir au déploiement du plein potentiel en recherche? La concentration du financement en recherche et la présence de l’effet Matthew sont assez bien documentés. Ils ont pour conséquence de laisser toute une frange de chercheurs sans moyen. Pourtant, même s’ils n’ont pas remporté un concours d’excellence (on pourrait aussi discuter des critères d’excellence), leur compétence en recherche n’est pas caduque. Comment mobiliser leur talent sachant l’éventail de besoins rencontrés par la société?
– Un point d’attention
Oui à une université pour aider à relever les grands enjeux de notre siècle. Oui à une université qui prépare au marché du travail. Mais il y a autre chose à préserver qui relève « simplement » et purement du développement de la pensée humaine, et ce, indépendamment du champ d’étude. Sans dire que cet aspect n’est pas abordé dans le rapport, il finit un peu par être dilué à travers tout le reste.
– Conclusion
Un document qui met très bien la table à des discussions au sein de nos institutions et entre elles.
Bravo à tout le comité de travail!

Pacte pour la réussite

Le trimestre d’automne 2020 sera en grande partie dispensé exclusivement à distance. Le défi individuel et collectif que cela représente est important. Plusieurs professeurs, chargés de cours et maitres de français en seront à leur première expérience. Sans tomber dans de grands projets d’innovation pédagogique cet été, des ajustements sont nécessaires. Et ils ne concernent pas que l’appropriation technique de quelques outils.

Nombre d’étudiants en seront aussi à leur première expérience de cours en ligne. Leur assiduité et leurs méthodes de travail seront mises à l’épreuve.

Au bilan, la qualité de l’enseignement, la réussite des étudiants et, de façon ultime, la notoriété de l’établissement sont en jeu. Des mesures méritent d’être prises à court terme pour maximiser nos chances de succès. Car la situation sera bien différente de celle de la fin du trimestre d’hiver.

Je partage ici quelques idées de mesures pour alimenter la réflexion collective vers un pacte pour la réussite des étudiants.

  • Administration

Des études sur la formation exclusivement en ligne en enseignement supérieur indiquent que le sentiment d’isolement fait partie des principales conséquences négatives susceptibles de découler d’une formation qui ne privilégie pas suffisamment d’interactions. Un tel sentiment peut culminer en l’abandon du parcours académique par l’étudiant.

On sait qu’enseigner ne se limite pas qu’à rendre accessible un contenu. Une compréhension approfondie se développe dans le cadre d’échanges et de discussions entre l’enseignant et les étudiants. Or,  ces interactions ont tendance à diminuer avec une plus forte taille des groupes. Cette diminution est susceptible d’être amplifiée par le tout-en-ligne.

Considérant que l’aspect dialogique est au coeur de l’acte d’enseigner, on pourrait limiter la taille des groupes à 35-40 étudiants au premier cycle. Cela offrirait un contexte propice aux professeurs, chargés de cours et maitres de français pour réfléchir à l’ajustement de leurs cours en considérant l’importance des interactions dans la réussite.

Dans l’éventualité où le dédoublement de cours engendré par cette mesure rendrait difficile le recrutement d’enseignants pour dispenser les cours en surplus, on pourrait considérer une majoration du budget de soutien à l’enseignement, pas tant pour embaucher des correcteurs de travaux, mais pour disposer de véritables assistants d’enseignement qui contribueraient aux échanges avec les étudiants.

  • Professeurs, chargés de cours et maitres de français

Une condition favorable étant mise en place par l’administration, dans sa réflexion estivale sur les ajustements à apporter à ses cours, le corps enseignant serait alors en mesure de mieux tenir compte de l’importance des échanges et d’un suivi régulier auprès des étudiants.

On pourrait s’engager à s’éloigner, voire à éviter, les cours entièrement préenregistrés et ceux qui consistent à livrer un contenu pendant trois heures.

  • Étudiants

Tel que mentionné précédemment, l’assiduité des étudiants sera mise à l’épreuve. Pour maximiser les chances de réussite, ils auraient intérêt non seulement à assister à l’ensemble des cours, mais à faire un effort particulier pour participer aux échanges en lien avec les contenus. En outre, une culture d’entraide entre pairs contribuerait à lutter contre un possible sentiment d’isolement.

  • Syndicats

Les syndicats pourraient se garder d’adopter une logique purement comptable (par exemple: nombre d’heures de travail en sus pour un cours en ligne) dans la négociation d’éventuelles conditions concernant les circonstances particulières du trimestre d’automne.

  • Service des technologies de l’information

Des problèmes techniques surviendront nécessairement. Il importe que ceux-ci puissent être gérés dans l’immédiateté. Les STI pourraient mettre en place des lignes de soutien juste à temps (sur Zoom, par clavardage, par téléphone, etc.) pour permettre aux corps enseignant et aux étudiants d’obtenir du soutien en temps réel, sans passer par une demande de réquisition.

  • Service aux étudiants

En collaboration avec les directions de programme, le SAÉ pourraient identifier les étudiants à risque et adopter une approche proactive et personnalisée à leur égard (aller au-devant VS attendre leur sollicitation).

  • Direction et comité de programme

On pourrait songer à mettre en place un mécanisme de suivi anonyme de l’engagement des étudiants. Par exemple, un questionnaire en ligne pourrait être acheminé quelques fois lors du trimestre pour jauger la motivation des étudiants, leur sentiment d’isolement, les difficultés éprouvées, etc. Les résultats pourraient être discutés en comité de programme.

  • Associations étudiantes

La gestion du sentiment d’isolement pouvant représenter un défi pour les étudiants, les associations pourraient offrir des occasions périodiques pour permettre aux étudiants d’échanger de façon informelle.

Ces quelques idées n’ont pas la prétention d’être une panacée ni exhaustives. Elles s’ajoutent à d’autres qui sont déjà en place et qui pourraient certainement les compléter.

 

 

Réflexion sur la FAD-UQAC (2)

Des choix de l’urgence d’aujourd’hui aux conséquences possibles sur l’enseignement de demain

La situation de crise actuelle nécessite qu’on prenne plusieurs décisions rapidement. Dans l’urgence, il n’est pas évident d’avoir conscience de l’ensemble des conséquences possibles des choix effectués. Après avoir établi des mesures pour protéger la santé des gens, il est normal qu’une université mette en priorité des mesures pour poursuivre les activités d’enseignement. Les choix collectifs qui sont en cours ne sont pas banals. Surtout si la situation sanitaire qui prévaut actuellement devait se poursuivre aux trimestres d’été et d’automne. Regard sur quelques choix et leurs conséquences potentielles.

L’accès physique à l’université est impossible. Or, il faut continuer à dispenser les activités d’enseignement. On offre donc un premier outil, dit de prestation virtuelle en temps réel (synchrone) aux enseignants. On en offre un second pour stocker du contenu sur un serveur (asynchrone). Ces choix, combinés à certaines croyances sur l’enseignement, vont possiblement donner lieu à deux cas de figure principaux.

  1. Les enseignants vont parler de leur contenu en direct aux étudiants.
  2. Les enseignants vont enregistrer des vidéos et ensuite les rendre disponibles aux étudiants, qui pourront les écouter en différé.

Les deux cas de figure sont semblables, à la différence que le second procure davantage de flexibilité aux étudiants. En effet, chacun pourra écouter les enregistrements à un moment opportun pour lui, voire les réécouter.

En contrepartie, dans les deux cas, on réduit le rôle de médiation de l’enseignant. Une sorte d’effet télé risque de se produire. Or, enseigner, ce n’est pas que présenter un contenu, tel un bulletin de nouvelles. Cela implique une conversation pédagogique qui se bâtit entre l’enseignant et les étudiants, entre autres, à partir de questions, réponses, relances, etc. Le travail de médiation contribue de façon importante à l’apprentissage des étudiants. Il est crucial de le préserver, voire de l’amplifier quand on est en ligne.

La stricte présentation de contenus pose un autre enjeu important pour l’apprentissage et la réussite des étudiants quand on est en formation à distance. Des travaux, dont ceux de notre collègue Patrick Giroux, professeur au Département des sciences de l’éducation, ont démontré une diminution importante de l’attention des étudiants entre la 20e et la 40e minute de cours.

D’autres travaux ont mis en lumière qu’une formation à distance qui prévoit peu d’interactions est susceptible d’entrainer un sentiment d’isolement qui peut mener à l’abandon.

Un déploiement massif des cas de figure présentés précédemment pourrait avoir d’autres conséquences à plus long terme. Si on accepte que donner un cours, c’est essentiellement rendre disponible du contenu et que peu d’interactions sont nécessaires…

  • Sera-t-on tenté d’augmenter la taille des groupes, compte tenu qu’il n’y a pas de contrainte d’espace physique associée à une salle numérique?
  • Que faire des cours qui nécessitent des situations de mise en pratique?
  • Pourrait-on éventuellement envisager de remplacer les enseignants par un autre type de personnel? Un tuteur qui coûterait moins cher, par exemple.
  • Songera-t-on à programmer l’enseignement à un tel point que la présence d’un spécialiste serait réduite à quelques moments clés dans un trimestre?
  • Est-ce cohérent avec l’image de proximité qu’on souhaite projeter de notre université?
  • Qu’arrivera-t-il avec les étudiants, dont ceux en difficultés, qui ont besoin d’un soutien plus proximal?
  • Les étudiants se tourneront-ils vers une université qui offre autre chose ou vers une université jugée plus prestigieuse qui offre quelque chose de semblable?
  • Quelle sera la valeur ajoutée de l’UQAC lorsque tout le monde sera en ligne?

L’intention ici n’est pas d’être alarmiste, ni de prêter d’intentions à qui que ce soit, mais plutôt de faire prendre conscience que les choix qu’on effectue actuellement sont susceptibles d’avoir une incidence sur le futur et au-delà de la situation de crise actuelle.

Le choix d’un outil technologique n’est pas neutre. Tout outil est susceptible d’induire un usage. C’est ce qu’on appelle l’affordance. Par exemple, la façon dont un marteau est conçu induit davantage l’action de cognement que de balayage. Il en va de même pour tout outil technologique.

Depuis des années – et cela s’accélère actuellement en raison de la crise – on est tentés de choisir des outils technologiques avant de considérer ce que le corps enseignant souhaite en faire. En planification de système d’enseignement, c’est une erreur de base. Il est temps de rétablir la place de la pédagogie dans l’équation.

Tel que suggéré par plusieurs lors de la journée de réflexion tenue par le CPU en mai 2019, il est souhaitable qu’on fasse une place accrue aux professeurs et aux chargés de cours de tous les départements dans l’actuelle réflexion entourant la formation à distance. Nous faisons actuellement des choix pour répondre à une situation d’urgence. C’est correct et nécessaire. Mais ces choix pourraient aussi impacter notre futur. Nos étudiants. Le corps enseignant. Notre organisation. Prenons le temps d’y réfléchir. Avec les principales personnes responsables de l’enseignement dans une université.

Y a-t-il d’autres personnes qui se posent de telles questions?

Stéphane Allaire
Patrick Giroux
Nicole Monney
Ève Pouliot

Réflexion sur la FAD-UQAC (1)

J’amorce une série de billets pour alimenter la réflexion institutionnelle sur le développement de la formation à distance (FAD) à l’UQAC. Même si on dispose de structures administratives, de personnel dédié et d’une instrumentation, cet essor en demeure à ses premiers pas. Pour ne pas dire que nous acculons un retard important sur d’autres universités. Cette réalité est à la fois un enjeu et une opportunité.

Enjeu parce qu’il fait peu de doutes que la FAD fera de plus en plus partie de l’écosystème de l’enseignement supérieur. Les universités qui sont déjà bien organisées ont nécessairement une longueur d’avance sur nous, entre autres pour le recrutement d’étudiants. Plusieurs demandent de la flexibilité pour concilier une gamme d’activités (travail, famille, etc.) avec leurs études. Je suis, ni pour, ni contre cette réalité qui caractérise une partie des étudiants d’aujourd’hui. Je la constate et je suis d’avis qu’on doit composer avec elle, sans négliger la qualité de la formation offerte.

Cela dit, bien entendu, on ne fait pas de la FAD que pour attirer des étudiants. Tout dépendant de comment on la fait, il peut y avoir divers avantages, tant pour le corps enseignant que pour les étudiants. J’y reviendrai dans d’autres billets.

Notre retard dans le développement de la FAD est aussi une opportunité. Comme les fondations de la FAD à l’UQAC ne sont pas encore solidifiées, on peut apprendre de l’expérience des autres. On peut aussi s’en servir pour se distinguer. Songer à un modèle qui correspond aux valeurs et aux intentions éducatives qu’on souhaite affirmer.

Ma réflexion est alimentée par plusieurs perspectives. D’abord, ma formation de maitrise et de doctorat en technologie éducative. J’ai fait ma thèse sur le design d’environnements d’apprentissage hybrides. Ensuite, mon travail d’enseignant et de chercheur depuis le début des années 2000, ainsi que mon expérience de gestion à titre de doyen. En outre, des constats issus de la culture et de pratiques institutionnelles à l’UQAC. Enfin, ma réflexion est aussi alimentée par le déploiement effréné de la FAD requis depuis quelques semaines dans le contexte de la crise du coronavirus.

Je tenterai d’équilibrer le mieux possible trois éléments. La réussite des étudiants. Le positionnement institutionnel. Les conditions de travail du corps enseignant. Les écrits sont proposés dans une visée constructive car, sans être une solution miracle, je considère que la FAD fait partie des conditions à mettre en place pour contribuer à la pérennité de l’Université.