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Pacte pour la réussite

Le trimestre d’automne 2020 sera en grande partie dispensé exclusivement à distance. Le défi individuel et collectif que cela représente est important. Plusieurs professeurs, chargés de cours et maitres de français en seront à leur première expérience. Sans tomber dans de grands projets d’innovation pédagogique cet été, des ajustements sont nécessaires. Et ils ne concernent pas que l’appropriation technique de quelques outils.

Nombre d’étudiants en seront aussi à leur première expérience de cours en ligne. Leur assiduité et leurs méthodes de travail seront mises à l’épreuve.

Au bilan, la qualité de l’enseignement, la réussite des étudiants et, de façon ultime, la notoriété de l’établissement sont en jeu. Des mesures méritent d’être prises à court terme pour maximiser nos chances de succès. Car la situation sera bien différente de celle de la fin du trimestre d’hiver.

Je partage ici quelques idées de mesures pour alimenter la réflexion collective vers un pacte pour la réussite des étudiants.

  • Administration

Des études sur la formation exclusivement en ligne en enseignement supérieur indiquent que le sentiment d’isolement fait partie des principales conséquences négatives susceptibles de découler d’une formation qui ne privilégie pas suffisamment d’interactions. Un tel sentiment peut culminer en l’abandon du parcours académique par l’étudiant.

On sait qu’enseigner ne se limite pas qu’à rendre accessible un contenu. Une compréhension approfondie se développe dans le cadre d’échanges et de discussions entre l’enseignant et les étudiants. Or,  ces interactions ont tendance à diminuer avec une plus forte taille des groupes. Cette diminution est susceptible d’être amplifiée par le tout-en-ligne.

Considérant que l’aspect dialogique est au coeur de l’acte d’enseigner, on pourrait limiter la taille des groupes à 35-40 étudiants au premier cycle. Cela offrirait un contexte propice aux professeurs, chargés de cours et maitres de français pour réfléchir à l’ajustement de leurs cours en considérant l’importance des interactions dans la réussite.

Dans l’éventualité où le dédoublement de cours engendré par cette mesure rendrait difficile le recrutement d’enseignants pour dispenser les cours en surplus, on pourrait considérer une majoration du budget de soutien à l’enseignement, pas tant pour embaucher des correcteurs de travaux, mais pour disposer de véritables assistants d’enseignement qui contribueraient aux échanges avec les étudiants.

  • Professeurs, chargés de cours et maitres de français

Une condition favorable étant mise en place par l’administration, dans sa réflexion estivale sur les ajustements à apporter à ses cours, le corps enseignant serait alors en mesure de mieux tenir compte de l’importance des échanges et d’un suivi régulier auprès des étudiants.

On pourrait s’engager à s’éloigner, voire à éviter, les cours entièrement préenregistrés et ceux qui consistent à livrer un contenu pendant trois heures.

  • Étudiants

Tel que mentionné précédemment, l’assiduité des étudiants sera mise à l’épreuve. Pour maximiser les chances de réussite, ils auraient intérêt non seulement à assister à l’ensemble des cours, mais à faire un effort particulier pour participer aux échanges en lien avec les contenus. En outre, une culture d’entraide entre pairs contribuerait à lutter contre un possible sentiment d’isolement.

  • Syndicats

Les syndicats pourraient se garder d’adopter une logique purement comptable (par exemple: nombre d’heures de travail en sus pour un cours en ligne) dans la négociation d’éventuelles conditions concernant les circonstances particulières du trimestre d’automne.

  • Service des technologies de l’information

Des problèmes techniques surviendront nécessairement. Il importe que ceux-ci puissent être gérés dans l’immédiateté. Les STI pourraient mettre en place des lignes de soutien juste à temps (sur Zoom, par clavardage, par téléphone, etc.) pour permettre aux corps enseignant et aux étudiants d’obtenir du soutien en temps réel, sans passer par une demande de réquisition.

  • Service aux étudiants

En collaboration avec les directions de programme, le SAÉ pourraient identifier les étudiants à risque et adopter une approche proactive et personnalisée à leur égard (aller au-devant VS attendre leur sollicitation).

  • Direction et comité de programme

On pourrait songer à mettre en place un mécanisme de suivi anonyme de l’engagement des étudiants. Par exemple, un questionnaire en ligne pourrait être acheminé quelques fois lors du trimestre pour jauger la motivation des étudiants, leur sentiment d’isolement, les difficultés éprouvées, etc. Les résultats pourraient être discutés en comité de programme.

  • Associations étudiantes

La gestion du sentiment d’isolement pouvant représenter un défi pour les étudiants, les associations pourraient offrir des occasions périodiques pour permettre aux étudiants d’échanger de façon informelle.

Ces quelques idées n’ont pas la prétention d’être une panacée ni exhaustives. Elles s’ajoutent à d’autres qui sont déjà en place et qui pourraient certainement les compléter.

 

 

Réflexion sur la FAD-UQAC (2)

Des choix de l’urgence d’aujourd’hui aux conséquences possibles sur l’enseignement de demain

La situation de crise actuelle nécessite qu’on prenne plusieurs décisions rapidement. Dans l’urgence, il n’est pas évident d’avoir conscience de l’ensemble des conséquences possibles des choix effectués. Après avoir établi des mesures pour protéger la santé des gens, il est normal qu’une université mette en priorité des mesures pour poursuivre les activités d’enseignement. Les choix collectifs qui sont en cours ne sont pas banals. Surtout si la situation sanitaire qui prévaut actuellement devait se poursuivre aux trimestres d’été et d’automne. Regard sur quelques choix et leurs conséquences potentielles.

L’accès physique à l’université est impossible. Or, il faut continuer à dispenser les activités d’enseignement. On offre donc un premier outil, dit de prestation virtuelle en temps réel (synchrone) aux enseignants. On en offre un second pour stocker du contenu sur un serveur (asynchrone). Ces choix, combinés à certaines croyances sur l’enseignement, vont possiblement donner lieu à deux cas de figure principaux.

  1. Les enseignants vont parler de leur contenu en direct aux étudiants.
  2. Les enseignants vont enregistrer des vidéos et ensuite les rendre disponibles aux étudiants, qui pourront les écouter en différé.

Les deux cas de figure sont semblables, à la différence que le second procure davantage de flexibilité aux étudiants. En effet, chacun pourra écouter les enregistrements à un moment opportun pour lui, voire les réécouter.

En contrepartie, dans les deux cas, on réduit le rôle de médiation de l’enseignant. Une sorte d’effet télé risque de se produire. Or, enseigner, ce n’est pas que présenter un contenu, tel un bulletin de nouvelles. Cela implique une conversation pédagogique qui se bâtit entre l’enseignant et les étudiants, entre autres, à partir de questions, réponses, relances, etc. Le travail de médiation contribue de façon importante à l’apprentissage des étudiants. Il est crucial de le préserver, voire de l’amplifier quand on est en ligne.

La stricte présentation de contenus pose un autre enjeu important pour l’apprentissage et la réussite des étudiants quand on est en formation à distance. Des travaux, dont ceux de notre collègue Patrick Giroux, professeur au Département des sciences de l’éducation, ont démontré une diminution importante de l’attention des étudiants entre la 20e et la 40e minute de cours.

D’autres travaux ont mis en lumière qu’une formation à distance qui prévoit peu d’interactions est susceptible d’entrainer un sentiment d’isolement qui peut mener à l’abandon.

Un déploiement massif des cas de figure présentés précédemment pourrait avoir d’autres conséquences à plus long terme. Si on accepte que donner un cours, c’est essentiellement rendre disponible du contenu et que peu d’interactions sont nécessaires…

  • Sera-t-on tenté d’augmenter la taille des groupes, compte tenu qu’il n’y a pas de contrainte d’espace physique associée à une salle numérique?
  • Que faire des cours qui nécessitent des situations de mise en pratique?
  • Pourrait-on éventuellement envisager de remplacer les enseignants par un autre type de personnel? Un tuteur qui coûterait moins cher, par exemple.
  • Songera-t-on à programmer l’enseignement à un tel point que la présence d’un spécialiste serait réduite à quelques moments clés dans un trimestre?
  • Est-ce cohérent avec l’image de proximité qu’on souhaite projeter de notre université?
  • Qu’arrivera-t-il avec les étudiants, dont ceux en difficultés, qui ont besoin d’un soutien plus proximal?
  • Les étudiants se tourneront-ils vers une université qui offre autre chose ou vers une université jugée plus prestigieuse qui offre quelque chose de semblable?
  • Quelle sera la valeur ajoutée de l’UQAC lorsque tout le monde sera en ligne?

L’intention ici n’est pas d’être alarmiste, ni de prêter d’intentions à qui que ce soit, mais plutôt de faire prendre conscience que les choix qu’on effectue actuellement sont susceptibles d’avoir une incidence sur le futur et au-delà de la situation de crise actuelle.

Le choix d’un outil technologique n’est pas neutre. Tout outil est susceptible d’induire un usage. C’est ce qu’on appelle l’affordance. Par exemple, la façon dont un marteau est conçu induit davantage l’action de cognement que de balayage. Il en va de même pour tout outil technologique.

Depuis des années – et cela s’accélère actuellement en raison de la crise – on est tentés de choisir des outils technologiques avant de considérer ce que le corps enseignant souhaite en faire. En planification de système d’enseignement, c’est une erreur de base. Il est temps de rétablir la place de la pédagogie dans l’équation.

Tel que suggéré par plusieurs lors de la journée de réflexion tenue par le CPU en mai 2019, il est souhaitable qu’on fasse une place accrue aux professeurs et aux chargés de cours de tous les départements dans l’actuelle réflexion entourant la formation à distance. Nous faisons actuellement des choix pour répondre à une situation d’urgence. C’est correct et nécessaire. Mais ces choix pourraient aussi impacter notre futur. Nos étudiants. Le corps enseignant. Notre organisation. Prenons le temps d’y réfléchir. Avec les principales personnes responsables de l’enseignement dans une université.

Y a-t-il d’autres personnes qui se posent de telles questions?

Stéphane Allaire
Patrick Giroux
Nicole Monney
Ève Pouliot

Réflexion sur la FAD-UQAC (1)

J’amorce une série de billets pour alimenter la réflexion institutionnelle sur le développement de la formation à distance (FAD) à l’UQAC. Même si on dispose de structures administratives, de personnel dédié et d’une instrumentation, cet essor en demeure à ses premiers pas. Pour ne pas dire que nous acculons un retard important sur d’autres universités. Cette réalité est à la fois un enjeu et une opportunité.

Enjeu parce qu’il fait peu de doutes que la FAD fera de plus en plus partie de l’écosystème de l’enseignement supérieur. Les universités qui sont déjà bien organisées ont nécessairement une longueur d’avance sur nous, entre autres pour le recrutement d’étudiants. Plusieurs demandent de la flexibilité pour concilier une gamme d’activités (travail, famille, etc.) avec leurs études. Je suis, ni pour, ni contre cette réalité qui caractérise une partie des étudiants d’aujourd’hui. Je la constate et je suis d’avis qu’on doit composer avec elle, sans négliger la qualité de la formation offerte.

Cela dit, bien entendu, on ne fait pas de la FAD que pour attirer des étudiants. Tout dépendant de comment on la fait, il peut y avoir divers avantages, tant pour le corps enseignant que pour les étudiants. J’y reviendrai dans d’autres billets.

Notre retard dans le développement de la FAD est aussi une opportunité. Comme les fondations de la FAD à l’UQAC ne sont pas encore solidifiées, on peut apprendre de l’expérience des autres. On peut aussi s’en servir pour se distinguer. Songer à un modèle qui correspond aux valeurs et aux intentions éducatives qu’on souhaite affirmer.

Ma réflexion est alimentée par plusieurs perspectives. D’abord, ma formation de maitrise et de doctorat en technologie éducative. J’ai fait ma thèse sur le design d’environnements d’apprentissage hybrides. Ensuite, mon travail d’enseignant et de chercheur depuis le début des années 2000, ainsi que mon expérience de gestion à titre de doyen. En outre, des constats issus de la culture et de pratiques institutionnelles à l’UQAC. Enfin, ma réflexion est aussi alimentée par le déploiement effréné de la FAD requis depuis quelques semaines dans le contexte de la crise du coronavirus.

Je tenterai d’équilibrer le mieux possible trois éléments. La réussite des étudiants. Le positionnement institutionnel. Les conditions de travail du corps enseignant. Les écrits sont proposés dans une visée constructive car, sans être une solution miracle, je considère que la FAD fait partie des conditions à mettre en place pour contribuer à la pérennité de l’Université.

COVID-19: améliorer l’école

Le gouvernement a rehaussé les mesures de prévention pour contrôler la diffusion de la COVID-19. Entre autres, on encourage les gens à travailler à la maison. Des entreprises et organismes ont déjà demandé à leurs employés de s’y conformer.

Texte paru le 14 mars dans Le Quotidien.
Par Stéphane Allaire et Patrick Giroux