13e Colloque annuel du RÉDiST

La géochronologie U-Pb: Progrès analytiques et applications.

Machado, Nuno, machado.nuno@uqam.ca, Centre de recherche en Géochimie isotopique et en Géochronologie-GEOTOP et Département des Sciences de la Terre et de l'Atmosphère, Université du Québec à Montréal, CP8888, Succ. Centre-Ville, Montréal, QC H3C 3P8.

Résumé de conférence

La méthode de datation U-Pb est basée sur la désintégration naturelle des isotopes 238U et 235U aboutissant, respectivement, aux isotopes stables 206Pb et 207Pb. Les demi-vies sont respectivement de 4468 et de 704 millions d'années. Les mesures des compositions isotopiques du Pb et de l'U livrent trois âges: 206Pb/238U, 207Pb/235U et 207Pb/206Pb. Les données sont habituellement représentées dans un diagramme 207Pb/235U vs. 206Pb/238U où les points ayant les mêmes âges 207Pb/235U et 206Pb/238U définissent la ligne dite concordia (Wetherill 1956). L'âge 207Pb/206Pb est représenté dans ce diagramme par la pente de la ligne définie par l'origine et un point sur la concordia. On appelle "concordants" les échantillons livrant des âges 207Pb/235U et 206Pb/238U (et nécessairement 207Pb/206Pb) identiques. Ces échantillons représentent des systèmes fermés par rapport à l'uranium et au plomb, c'est à dire qu'ils n'ont ni perdu ni acquis ces éléments depuis leur formation. Inversement, s'il y a eu perte ou gain d'uranium ou de plomb les échantillons sont discordants et n'appartiennent pas à la ligne concordia. Cependant, une suite d'échantillons discordants peuvent définir une ligne dite discordia dont les intersections avec la concordia datent des événements géologiques.

Les minéraux les plus utilisés sont le zircon, la baddeleyite, la monazite, l'allanite et la titanite. Les caractéristiques intrinsèques du système U-Pb comme la possibilité d'obtenir des âges fiables même dans les cas de système ouvert, lui confèrent une flexibilité et une précision uniques qui ont motivé l'amélioration continue de cette méthode.

Pendant la dernière quarentaine d'années, la méthode U-Pb a subie plusieurs changements révolutionnaires. Depuis les travaux pionniers de Silver et Deutsch (1961) rapportant l'analyse de 200-300 milligrammes de zircon, correspondant à plus de 104 grains, les étapes majeures sont la découverte que l'abrasion des zircons réduit ou élimine la discordance, la dissolution hydrothermale du zircon et la miniaturisation des procédures chimiques aboutissant à des niveaux de contamination de quelques picogrammes de Pb (Krogh 1973, 1982a, b). Ces progrès analytiques de la technique appelée dilution isotopique-ionisation thermique, permettent aujourd'hui la mesure de l'âge d'un seul cristal ou de parties d'un cristal de zircon de poids inférieur au microgramme. Une nouvelle époque fût inaugurée avec la construction d'une sonde ionique dédiée à la datation U-Pb (Sensitive High Resolution Ion MicroProbe-SHRIMP, Compston et al. 1984; voir sommaire dans Stern 1997). Cet instrument a permis de montrer clairement qu'un cristal de zircon peut enregistrer plus d'événements géologiques que la roche d'où il provient et que certain cristaux de zircon sont les plus anciens matériaux terrestres actuellement connus. Bien que ces développements permettent de dater une grande variété de processus géologiques, le système U-Pb, au contraire d'autres systèmes de datation, ne se prête pas au traçage isotopique de ces processus.

L'utilisation d'un instrument hybride composé d'un laser pour irradier l'échantillon, d'un plasma induit pour ioniser l'ejecta et d'un spectromètre de masse à multiples detecteurs pourrait devenir la prochaine étape révolutionnaire en donnant la possibilité de caractériser isotopiquement les minéraux datés. Ainsi, on peut envisager la datation U-Pb et la détermination de la composition isotopique du Hf d'un cristal de zircon. Du fait de la nouveauté de cette méthode, connue sous l'acronyme LA-ICP-MS (laser ablation-inductively coupled plasma-mass spectrometry), dans les domaines de la géochronologie et du traçage isotopique, il n'existe pas encore une procédure établie livrant des résultats aussi exacts et précis que les autres méthodes. Cependant, la technique a déjà beaucoup progressé depuis les travaux de Fryer et al. (1993) avec l'utilisation de lasers UV au lieu de lasers IR et de spectromètres de masse du type secteur magnétique à plusieurs collecteurs d'ions à la place de spectromètres quadripoles à détecteur unique. Les premiers instruments ne livraient que des âges 207Pb/206Pb, les valeurs U/Pb n'étant pas fiables. Malgré cette limitation, la détermination des âges de zircons détritiques a permis de définir la provenance de séquences sédimentaires et a apporté des contributions importantes à la compréhension de l'évolution de certains orogènes (Machado et Gauthier 1996, Machado et al. 1996, Scott et Gauthier 1996). L'obstacle le plus important pour l'obtention d'âges 207Pb/235U, 206Pb/238U et 207Pb/206Pb précis et exacts par LA-ICP-MS a trait aux fractionnements isotopiques et élémentaires qui ont lieu pendant l'analyse. Plusieurs démarches sont en cours pour comprendre les paramètres analytiques qui les causent et pour minimiser leur impact sur la précision et l'exactitude des âges.

Bibliographie

COMPSTON, W., WILLIAMS, I.S et MEYER, C. (1984): U-Pb geochronology of zircons from lunar breccia 73217 using a sensitive high mass-resolution ion microprobe. J. Geophys. Res. 89, B525-B534.

FRYER, B.J., JACKSON, S.E. et LONGERICH, H.P. (1993): The application of laser ablation microprobe-inductively coupled plasma-mass spectrometry (LAM-ICP-MS) to un situ (U)-Pb geochronology. Chemical Geology 109, 1-8.

KROGH, T.E. (1973): A low-contamination method for hydrothermal decomposition of zircon and extraction of U and Pb for isotopic age determination. Geochimica et Cosmochimica Acta 37, 485-494.

KROGH, T.E. (1982a): Improved accuracy of U-Pb zircon dating by selection of more concordant fractions using a high gradient magnetic separation technique. Geochimica et Cosmochimica Acta 46, 631-635.

KROGH, T.E. (1982b): Improved accuracy of U-Pb zircon ages by the creation of more concordant systems using an air abrasion technique. Geochimica et Cosmochimica Acta 46, 637-649.

Machado, N. et Gauthier, G. (1996): Determination of 207Pb/206Pb ages on zircon and monazite by laser ablation ICPMS and application to a study of sedimentary provenance and metamorphism in southeastern Brasil. Geochimica et Cosmochimica Acta 60: 5063-5073.

MACHADO, N., SCHRANK, A., NOCE, C.M. et GAUTHIER, G. (1996): Ages of detrital zircon from Archean-Paleoproterozoic sequences: implications for greenstone belt setting and evolution of a Transamazonian foreland basin in Quadrilátero Ferrífero, southeast Brazil. Earth Planet. Sci. Letters 141, 259-276.

SCOTT, D.J. et GAUTHIER, G. (1996): Comparison of TIMS (U-Pb) and laser ablation microprobe ICP-MS (Pb) techniques for age determination of detrital zircons from Plaeoproterozoic metasedimentary rocks from northeastern Laurentia, Canada, with tectonic implications. Chem. Geol. 131, 127-142.

SILVER, L.T. et DEUTSCH, S. (1963): Uranium-Lead isotopic variations in zircon: a case study. J. Geol. 71, 721-758.

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WETHERILL, G.W. (1956): Discordant uranium-lead ages. Trans. Amer. Geophys. Union 37, 320-326.