Industrie des Éléments du Groupe du Platine



Sarah-Jane Barnes
Julie Fredette
Unité d'Enseignement en Sciences de la Terre 
Université du Québec à Chicoutimi
Février 2001

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Introduction

Les éléments du groupe de platine (EGP) regroupent des éléments apparentés dont le platine (Pt), le palladium (Pd), le rhodium (Rh), le ruthénium (Ru), l'iridium (Ir), l'osmium (Os) et le rhénium (Re). Les EGP sont caractérisés par des propriétés variées et uniques tel que leur inertie chimique, leur excellente capacité catalytique, leur point de fusion élevé, leur résistance à la corrosion et à l'oxydation sous haute température, leur faible coefficient d'expansion thermique, leur durabilité mécanique et leurs propriétés thermoélectriques stables. Étant donné leurs propriétés, les EGP servent à de nombreuses applications. Ils sont utilisés soit à l'état pur ou alliés entre eux ou à d'autres éléments.
 

Marchés et Prix

Les principaux pays producteurs de EGP sont l'Afrique du Sud et la Russie (figure 1). Les États-Unis et le Canada occupent respectivement le 3e et 4e rang. En 2000, la production de EGP a été estimée à 5,06 millions d'onces avec une demande de 5,69 millions onces, une augmentation de 2 % de la demande par rapport à 1999. Le Canada compte un producteur de EGP comme produit principal et deux producteurs de EGP comme sous-produits. Depuis quelques années, la demande pour les EGP dans le secteur industriel des pays à économie de marché excède l'offre, occasionnant ainsi une augmentation des prix entre 1999 et 2000 (figure 2). La figure 3 présente les prix des EGP (en $/onces) pour les dernières années.

Consommations et Utilisations

Comme le démontre la figure 4, le secteur de consommation le plus important de EGP pour les pays à économie de marché sont les catalyseurs pour automobiles. L'industrie des EGP étant donc actuellement liée à celle de l'automobile, les pays consommateurs de EGP les plus importants sont l'Amérique du Nord, le Japon, et l'Europe (figure 5). 

Le platine et le palladium sont les deux EGP les plus abondamment utilisés. Avec le rhodium, ils sont surtout utilisés dans les catalyseurs, en particulier les catalyseurs pour automobiles. Les autres secteurs de consommation sont l'industrie de l'automobile en général, l'électronique, la dentisterie, la joaillerie, l'industrie du verre, les industries chimiques, électriques, le secteur industriel, les investissements et les piles à combustibles.

Catalyseurs pour automobiles

Les premières lois limitant les émissions par les automobile ont été adoptées aux États-Unis vers la fin des années 60. Au Canada, la réglementation sur les émissions est entrée en vigueur en 1987. Les limites concernant les émissions ont été progressivement resserrées et des catalyseurs à oxydation se sont avérés nécessaires pour permettre de respecter les limites portant sur la pollution de l'air. Dans les convertisseurs catalytiques pour automobiles, le platine transforme efficacement les hydrocarbures (HC) et le monoxyde de carbone (CO) des gaz d'échappement en substances moins nocives, alors que le rhodium traite plus efficacement les oxydes d'azote (NOx). Le palladium permet de traiter ces trois polluants, mais de manière moins efficace que le platine ou le rhodium. Un aspect important est que plus un catalyseur contient de EGP moins il y a d'émissions polluantes. La composition des catalyseurs pour automobiles varie selon le prix des différents EGP, la composition de l'essence, la durée de vie des composantes et les limites imposées par la réglementation. Le nombre de pays où les émissions sont réglementées ne cesse de s'accroître et les réglementations déjà en place deviennent de plus en plus sévères pour faire face à l'accroissement de la densité des véhicules automobiles. Par exemple, en janvier 2000, la phase III de la nouvelle réglementation quant aux émissions polluantes est entrée en vigueur en Europe. Dans le secteur de l'essence comme dans celui du diesel, ces nouvelles réglementations plus strictes ont donc eu un impact direct sur l'industrie des EGP, contraignant les constructeurs automobiles a utilisés plus de EGP sur les catalyseurs, contribuant ainsi à l'accroissement de la demande totale pour les EGP. 

Industrie de l'électronique

L'industrie de l'électronique emploie le platine dans certains substrats pour fabriquer des disques durs d'ordinateur afin d'améliorer la capacité mémoire des disques. En l'an 2000, 90% des disques durs contenaient du platine comparativement à 75 % en 1999.

L'emploi de palladium dans le secteur de l'électronique s'est accru parallèlement à la forte croissance de la demande de produits électroniques comme les ordinateurs personnels, les téléphones cellulaires et les caméras vidéo. Les nouvelles générations d'équipement électronique utilisent davantage de condensateurs céramiques multicouches (MLCC) contenant du palladium.

De son côté, le ruthénium est utilisé dans la fabrication de résistors, qui se retrouvent dans presque tous les appareils électroniques (téléphones cellulaires, ordinateurs personnels, caméras numériques, etc.). A l'heure actuelle, l'iridium est utilisé dans la fabrication de creusets afin de fabriquer des cristaux aux applications électroniques.

Industrie du verre

L'industrie du verre a recourt au platine pour fabriquer des fibres de verre, tirant avantage de la résistance à la corrosion et de la résistance mécanique de ce métal. L'une des applications prometteuses secondaires qui pourraient se traduire par un accroissement de la consommation future de platine et de rhodium est la fabrication d'écrans de cristaux liquides (LCD), déjà utilisés sur les ordinateurs portatifs, et dans des caméras numériques. De plus, les LCD subissent une utilisation croissante sur les écrans de télévisons et d'ordinateurs personnels.

Piles à combustible 

Une des utilisations les plus intéressantes et prometteuses à long terme des EGP sont les piles à combustibles. La première pile à combustible date du 19e siècle, mais les premières applications "commerciales" des piles à combustible furent les programmes spatiaux du début des années 60. Le principe de la pile à combustion est basé sur la conversion directe de l'énergie chimique d'une réaction en énergie électrique en utilisant un procédé électrochimique contrôlé (au lieu d'une réaction thermique de combustion, dont le travail mécanique engendré est ensuite converti en électricité). L'énergie est produite en combinant, sans les mélanger, un combustible (hydrogène, méthanol, monoxyde de carbone ...) et de l'oxygène (provenant généralement de l'air) pour produire de l'eau et de l'énergie. Le platine est utilisé comme enduit catalyseur sur les électrodes des piles. On peut obtenir l'hydrogène par électrolyse, ce qui nécessite de l'électricité. Il est aussi possible de l'obtenir après reformage d'un hydrocarbure comme le méthane ou d'un dérivé comme le méthanol. Trois éléments sont donc nécessaires  pour la production de piles à combustible: l'eau comme source d'hydrogène, l'électricité pour produire l'hydrogène et du platine comme enduit catalyseur. 

Une pile à combustible se différencie des autres piles (ou batteries) électrochimiques par le fait que les réactifs sont renouvelés et les produits évacués en permanence. Dans une pile classique, les matériaux constituant les électrodes sont consommables. Avec le temps, en fonction de l'usage, ils se dégradent (oxydation de l'anode et réduction de la cathode) pour finalement rendre le processus inactif, la pile devient usée. Dans une pile à combustible, la structure (électrodes, électrolyte et sites réactifs) ne réagit pas, et reste invariante dans le temps. Un point important est que le rendement électrique des piles à combustible est supérieur à tous les autres systèmes connus de générations électriques (40 à 80% d'efficacité). Les piles à combustible peuvent être utilisées en mode stationnaire ou mobile (pour la propulsion de véhicules individuels, de transports collectifs et de transports de frets). Divers types de piles à combustible sont présentement à l'étude. Celle offrant le plus de possibilités commerciales est la pile à combustible à membrane échangeuse de protons (PEMFC). 

Les PEMFC semblent être, à court et moyen termes, les systèmes les plus prometteurs, car elles sont à la fois compatibles avec les besoins de la traction automobile et de la cogénération stationnaire.

Les piles à combustibles existent donc depuis un certain temps mais la possibilité de les utiliser comme source d'énergie dans des véhicules est récente et les nombreuses possibilités qu'offrent cette nouvelle utilisation constitue une augmentation de la demande en platine. Depuis les années 1970, de nombreux constructeurs automobiles et entreprises industrielles financent, avec des aides institutionnelles, de gros efforts de recherche et développement, dans le cadre de programmes nationaux ou multinationaux de diversification énergétique ou de protection de l'environnement. En janvier 2001 la compagnie Ballard a mis sur pied sa première usine de production à Vancouver, La production potentielle de l'usine est de 30 000 piles par an. Les piles sont pour le moment destinées aux prototypes développés par les clients de Ballard (Ford, General Motors, Toyota, Nissan, Baimler Chrysler et Honda). Selon les plus récentes estimations, la commercialisation se fera dès 2004 et en 2020, le quart des nouveaux véhicules automobiles seraient équipées avec une pile à combustible. De plus, BMW envisage un réseau de distribution d'hydrogène en Europe pour 2010.

Les piles à combustible sont donc versatiles, efficaces et représentent une source d'énergie non polluante avec de l'eau comme seul sous-produit. La diminution inéluctable des ressources fossiles de la planète et la pression environnementale face aux émissions atmosphériques encouragent fortement l'utilisation d'énergies propres comme celles produites par les piles à combustibles. Elles s'inscrivent dans le cadre de contraintes environnementales de "zéro pollution" et dans le développement d'une nouvelle génération de voitures. Elles constituent donc une alternative intéressante aux systèmes habituels de conversion d'énergie stationnaire et mobile. 

Le Québec est donc bien positionné pour profiter de l'expansion de l'industrie des piles à combustible car il renferme d'importantes réserves en eau et d'électricité. La province possède également du magnésium et de l'aluminium en quantité, matériaux de base entrant dans la fabrication de voitures légères fonctionnant avec les piles à combustible. La seule ressource actuellement absente au Québec pour la fabrication de voitures utilisant des piles à combustibles sont les EGP, utilisés comme catalyseur.

Autres utilisations

Les EGP sont utilisés dans de nombreux autres secteurs. La joaillerie représente une industrie toujours très forte pour le platine ainsi que pour le palladium. L'industrie chimique et le raffinage du pétrole utilisent du platine et du palladium pour accélérer et améliorer les réactions chimiques. La dentisterie emploi du palladium dans les alliages dentaires et les appareils orthodontiques. Et présentement, on utilise des alliages d'iridium-ruthénium dans les électrodes des usines de fabrication de chloro-alcali. 

Conclusion

A cause de leurs propriétés variées et uniques, les EGP se substituent difficilement avec d'autres éléments. Les EGP sont utilisés dans certains secteurs traditionnels mais l'industrie des EGP est fortement liée à leurs applications dans de nouvelles technologies. Dans ce contexte économique de nouvelles technologies, l'étude des EGP permet de quantifier et de bien comprendre la genèse des gisements existants. En retour, ces études permettront la découverte de nouveaux gisements. Les deux forces mondiales en terme de réserves et production de EGP, l'Afrique du Sud et la Russie, connaissent présentement d'énormes changements socio-politiques et culturels, ce qui engendre une certaine incertitude et instabilité dans l'approvisionnement en EGP. Il devient donc important d'identifier et de définir de nouvelles réserves de EGP afin de subvenir aux besoins en EGP à court, moyen et long terme.

Sources générales d'information

Bezian, J.J. 1998. Systèmes de piles à combustible pour la cogénération: État de l'art.Rapport réalisé pour le compte de l'ADEME. Centre d'Énergétique de l'École des Mines de Paris, 44 pages.

Johnson Matthey. 2000. Platinum 2000, Interim Review. Johnson Matthey Public Limited Company, Londres, Grande-Bretagne, 28 pages.

Johnson Matthey. 1999. Platinum 1999, Interim Review. Johnson Matthey Public Limited Company, Londres, Grande-Bretagne, 28 pages.

Johnson Matthey. 1998. Platinum 2000, Interim Review. Johnson Matthey Public Limited Company, Londres, Grande-Bretagne, 28 pages.

McCutcheon, B. 1996. Les métaux du groupe platine. Annuaire des minéraux du Canada. Ressources naturelles du Canada.

Pearce, F. 2000. Kicking the habit. New Scientist, Vol 168, No 2266, p.34-42.
 

Figure 1: Principaux pays producteurs pour l'année 2000

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Figure 2: Prix des EGP en $/onces pour les années 1999 et 2000

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Figure 3: Prix moyens du Pt, Pd et Rh de 1996 à 2000($/onces)

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Figure 4: Principaux secteurs de consommation de EGP pour l'année 2000($/onces)

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Figure 5: Consommation totale de Pt, Pd et Rh par pays pour l'année 2000

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