© Laboratoire LIARA, Université du Québec à Chicoutimi
Contexte
Le vieillissement de la population provoque de graves problèmes dans les systèmes de santé, notamment une pénurie de personnel médical
pour les soins à domicile ainsi qu'une forte croissance du nombre de personnes atteintes de déficiences cognitives, telle que la maladie
d'Alzheimer. Actuellement, un demi-million de Canadiens âgés de plus de 65 ans souffrent de cette maladie et ce chiffre est appelé à doubler
d’ici 2031 (Société Alzheimer du Canada). Les symptômes inhérents aux troubles cognitifs de cet ordre entraînent chez les patients un
comportement incohérent limitant leur capacité à réaliser leurs tâches de la vie courante. Pourtant, ces personnes souhaites en grande
majorité demeurer à domicile où elles se sentent en sécurité et autonome. Le gourvenement abonde dans ce sens pour des raisons sociales
et économiques. C'est donc dans l'optique de fournir des solutions technologiques à cette problématique d'envergure que le Laboratoire
d'Intelligence Ambiante pour la Reconnaissance d'Activités (LIARA) de l'Université du Québec à Chicoutimi, en étroite collaboration avec le
Centre de Recherche sur les Habitats Intelligents (CRHI) de l'Université de Sherbrooke, explore les différents moyens de soutenir, à
l'intérieur d'un habitat dit intelligent, un occupant (par exemple un patient Alzheimer) dans l'accomplissement de ses activités. Le laboratoire
souhaite également fournir des outils technologiques pour diminuer la charge des aidants (profesionnels et naturels). Cette approche du
problème s'inscrit dans le récent courant de pensée issu de l'informatique diffuse (ubiquitous computing), qui fait référence à une tendance
voulant que l'on miniaturise un ensemble de dispositifs électroniques (capteurs et effecteurs) qu'on intègre dans les objets du quotidien, de
manière transparente pour l'usager, dans le but de lui fournir une assistance ponctuelle. Une des difficultés majeures inhérentes à ce type
d'assistance est la reconnaissance des activités de la vie quotidienne réalisées par le patient à l'intérieur de son habitat. Cette
problématique constitue une thématique clé du domaine de l'assistance car le soutien technologique pour le maintien à domicile ne peut se
faire que si le système arrive à interpréter correctement le comportement du patient et à détecter ses erreurs.
Programme de recherche et objectifs de l’équipe LIARA
Le programme de recherche du laboratoire s'inscrit en adéquation avec l'expertise des chercheurs qui en sont membres et arbore une
facette tout à fait nouvelle et distincte. Les objectifs sont:
1. Mettre en place les fondements théoriques et pratiques pour la conception et la réalisation de technologies ambiantes, en
considérant que la reconnaissance d'activités constitue le principal défi;
2. Développer et expérimenter des prototypes novateurs grandeur nature de systèmes d'assistance pour les personnes âgées en
perte d’autonomie (notamment ceux souffrant d’Alzheimer) dans une infrastructure d'habitat intelligent;
3. Favoriser l'étude multidisciplinaire de l'intelligence ambiante afin de mieux comprendre ses impacts sur la vie quotidienne et la
société en général.
Afin de répondre à ces objectifs, les principaux thèmes de recherche abordés sont :
THÈME 1 : Reconnaissance et suivi d'activités basées sur des capteurs ubiquitaires. Les travaux existants sur ce thème s'orientent
autour de trois types d'approches : (i) les approches logiques exploitant un processus d'inférence à partir d'une librairie de plans, (ii) les
approches probabilistes, basées sur les modèles bayésiens ou markoviens, et les approches hybrides (logico-probabilistes), branche
récente dans laquelle nos travaux s'inscrivent. Dans le domaine de l'assistance cognitive, les recherches sur ce thème visent le
développement de modèles d'IA capables d'interpréter l'information en provenance des capteurs de bas niveau, de manière à identifier les
activités de haut niveaux en cours, l'état de complétion de celles-ci et de déterminer si le patient a effectué des erreurs. L'interprétation de ce
comportement de haut niveau n'est pas simple car une action basique, telle que prendre une tasse dans une armoire, résulte par le
déclenchement d'une multitude de capteurs hétérogènes distincts (ex. étiquette RFID sur la tasse, tapis tactile, contact électromagnétique
sur la porte d'armoire). Cette réalité de l'habitat amplifie davantage le problème de la reconnaissance et dégage un certain nombre de
questions: comment prendre simultanément l'incertitude, l'imprécision et les contraintes spatio-temporelles qui caractérisent la complexité du
comportement dans un monde réel, souvent omises dans les travaux de recherche du domaine? Quelle combinaison de capteurs est la plus
efficace pour détecter un certain type d'actions dans un contexte spécifique? Y a-t-il plusieurs interprétations possibles pour une même série
de déclenchements de capteurs? En somme, cette thématique vise à trouver des réponses à ces questions importantes afin d'être apte à
déployer un système d'agents ambiants capables de reconnaître le comportement d’une personne âgée en perte d’autonomie et de l'assister
à domicile.
THÈME 2 : Modélisation des erreurs liées à la déficience cognitive. Cette deuxième thématique a pour objectif de définir un modèle
usager-patient en formalisant les schémas comportementaux d'erreurs (ex. schéma d'omission, schéma de séquence, etc.) relativement à la
classification des erreurs cognitives établie dans la littérature, de façon à pouvoir les exploiter dans un contexte de reconnaissance
d'activités journalières du patient ainsi que d’assistance adaptée à son besoin. Pour appuyer cette investigation, nous nous pencherons sur
les connaissances fondamentales issues des travaux en neuropsychologie, ainsi que sur l'architecture d'agent cognitif basée sur la théorie
unifiée de la cognition, telle que ACT-R, pour mieux simuler à travers l'infrastructure de l'habitat, le comportement des patients Alzheimer à
différents stades. Ce thème multidisciplinaire sera abordé en collaboration avec Julie Bouchard, Ph.D., chercheure en neuropsychologie
clinique et membre associé du laboratoire LIARA.
THÈME 3 : Assistance cognitive pour le support aux patients Alzheimer. Une théorie bien-formée d'intervention est importante pour
les systèmes d'assistance cognitive car une alerte intrusive à un mauvais moment, même s'il s'agit d'un bon conseil, peut conduire à un rejet
rapide des services proposés par l'habitat. Par exemple, si le patient prend normalement son repas à midi mais il n'a pas encore mangé à
"12:05", un message d'invitation en provenance d'un agent ambiant du frigo peut être intrusif; mais si le message de rappel est délivré à
"12:45", son utilité est supérieure relativement au coût potentiel d'être irrité. Par conséquent, cette troisième thématique de recherche, qui se
veut en adéquation avec les deux autres, vise à explorer les théories de la décision et de l'utilité pour : (i) identifier le moment opportun où
une action d'assistance doit être enclenchée, (ii) de choisir la combinaison adéquate d'effecteurs (ex. lumière, images, guidance vocale, etc.)
en fonction du type d'erreur (initiation, séquence, omission, etc.), du profil du patient appris à travers les techniques d'apprentissage des
services proposés relativement aux effecteurs utilisés, (iii) d'inférer une solution optimisée de guidance, le cas échéant, pour assister la
personne dans la correction de ses erreurs et la poursuite de ses activités en cours.
Retombées attendues Le résultat des travaux de recherche effectués au laboratoire aura un impact tangible dans le domaine de
l'intelligence artificielle ambiante et des technologies d'assistance, visant le maintien à domicile des personnes âgées en perte d'autonomie.
Ces résultats auront des impacts significatifs et durables qui profiteront non seulement à la communauté scientifique, mais aussi à toute la
société. À court terme, les chercheurs universitaires, l'industrie, et tous les groupes de recherche travaillant sur ce type de technologies
bénéficieront des avancées réalisées par l'équipe de l'UQAC au niveau fondamental et appliqué, ce qui accélérera le développement dans
ce secteur névralgique pour notre société. À moyen terme, ces recherches mèneront à la création d'une domotique adaptée aux personnes
ayant un handicap cognitif qui sera intégrée aux services du réseau de soins au Québec et partout dans le monde. Les coûts sociaux
annuels des soins à domicile (hébergement, médicaments, services de soutien, aidants, etc.) par personne varient entre 10 000$ et 40 000$,
dépendamment de la déficience. Ainsi, les technologies rendues possibles par les avancées de ce projet permettront d'offrir une alternative
viable pour la réduction des coûts et pour la diminution de la surcharge de travail des aidants naturels (famille et amis) et des professionnels.
Ces technologies permettront aux ressources d'effectuer un travail plus efficace, parfois même à distance, et de supporter un nombre accru
de patients. À long terme, le projet contribuera à l'amélioration de la qualité de vie des personnes en perte d'autonomie en permettant la
désinstitutionalisation qui correspond à des valeurs sociales à savoir que les personnes devraient vivre une vie aussi normale que possible
sans ségrégation dans les hôpitaux.