Chronique

Démographie génétique – Le GRIG recrée l’histoire de la population

Hélène Vézina, Louis Houde et Marc Tremblay du Groupe de recherche interdisciplinaire en démographie et en épidémiologie (GRIG). Photo : Rocket Lavoie
CHICOUTIMI (FSTG) – En amont de tout problème clinique, de toutes les conclusions d’ordre généalogique ou historique, on retrouve d’abord une population. Et dans toutes les populations, on retrouve d’abord des individus. Des hommes et des femmes venus d’un peu partout et qui se sont assemblés afin de former un ensemble présentant des caractéristiques particulières. C’est donc en identifiant la structure, la composition et les mouvements de ces individus que l’on peut comprendre l’évolution d’une population, remontant du même coup jusqu’aux sources même des problèmes observés.

Voilà en tout cas le mandat et l’objectif que se sont donnés les professeurs-chercheurs Marc Tremblay, Hélène Vézina et Louis Houde du Groupe de recherche interdisciplinaire en démographie et en épidémiologie (GRIG) de l’Université du Québec à Chicoutimi. Un mandat qui paraît fort simple, mais qui implique la collecte, le dépouillement et l’analyse d’une masse de données historiques remontant jusqu’au 17e siècle, soit au tout début de l’histoire de la Nouvelle-France.

En s’appuyant en partie sur le fichier Balsac, les responsables du GRIG sont parvenus à mettre en place leur propre corpus de données génétiques liées aux mouvements des populations, permettant du même coup l’analyse et l’identification des structures qui ont mené à la composition de la population actuelle du Saguenay–Lac-Saint-Jean mais aussi du Québec en entier.

« Il s’agit d’un fichier unique qui couvre 14 générations. Il permet du même coup d’effectuer des projets de recherche uniques », explique Marc Tremblay, spécialiste en démographie.

Les projets pilotés dans les locaux du GRIG, situés à l’Institut scientifique du boulevard Talbot, couvrent deux volets distincts. D’abord la description de la démographie génétique, puis l’aspect de l’épidémiologie génétique.

Par contre, avant de pouvoir mener des études et dresser des conclusions, les chercheurs du GRIG ont dû mettre au point divers outils, comme le logiciel d’analyse Genlib, créé par le statisticien Louis Houde.

« Nous avons développé des moyens méthodologiques et des méthodes statistiques afin de traiter toutes nos données et permettant ainsi d’en faire l’analyse beaucoup plus rapidement », dit-il. Le GRIG a ainsi lancé le premier logiciel afin de calculer le coefficient d’apparentement entre des individus.

Une fois ces outils développés, le groupe a pu poursuivre ses travaux, contribuant ainsi à faire évoluer les croyances mais surtout les connaissances reliées à la composition et à la structure de la population régionale et québécoise.

« Dans le cadre du projet de démographie génétique, nous tentons de décrire la diversité génétique présente dans l’ensemble du Québec. Nous élaborons des modèles de sa structure et de sa composition. Nous cherchons aussi à comprendre les diverses interactions et les liens qui existent entre les individus et les populations régionales. Bref, nous recréons l’histoire démographique du Québec », indique Hélène Vézina, démographe.

« Dans le volet d’épidémiologie génétique, nous tentons de découvrir la distribution et la fréquence de certaines maladies héréditaires observées en clinique, surtout dans une perspective historique afin d’expliquer ces prévalences et de mieux comprendre certains mécanismes », poursuit madame Vézina.

Maladies hériditaires – Des mythes déboulonnées

CHICOUTIMI (FSTG) – « Le mythe des nombreuses maladies héréditaires propres à la région part du fait qu’ici nous les avons identifiées. Il n’y en a pas plus qu’ailleurs au Québec. En fait, tout le monde porte quatre ou cinq gènes nuisibles ».

Les nombreuses analyses effectuées par les membres du GRIG permettent de déboulonner plusieurs mythes reliés à la consanguinité supposée des habitants du Saguenay–Lac-Saint-Jean. Ainsi, selon les travaux des chercheurs, il n’y a pas plus de maladies héréditaires dans la région que dans les autres. En fait, chaque région du Québec possède ses maladies spécifiques, dont la prévalence est simplement moins bien documentée qu’ici. Et puis, le niveau de consanguinité que l’on observe au Royaume est bien loin d’être plus élevé qu’ailleurs au Québec, malgré les mythes très persistants en cette matière. Du reste, les études menées depuis 2001 par Marc Tremblay, Hélène Vézina et Louis Houde ont démontré bien d’autres conclusions étonnantes. Ainsi, 98 % des individus composant la population du Québec a, à travers les branches de son arbre généalogique, au moins un parent d’origine anglaise. De même, la population des régions de Charlevoix, du Saguenay–Lac-Saint-Jean et de l’Abitibi présentent de fortes similitudes.

Un ensemble de conclusions pouvant se révéler important sur le plan historique, mais surtout au niveau de la compréhension et du dépistage de certaines maladies héréditaires.

Un des prochains défis d’importance que compte désormais relever le GRIG consiste à échantillonner et à inclure dans sa banque de données des informations liées à la génétique autochtone et à son mélange au sein de la population du Québec. Un défi difficile parce que si les registres très complets de l’Église catholique permettent de suivre l’évolution des populations « blanches » à la trace depuis la colonisation, l’équivalent autochtone, lui, n’existe pas…