Chronique

La dignité au coeur du débat

COLLOQUE - La question du suicide assisté sera débattue dans un colloque qui aura lieu le 13 avril prochain à l'Université du Québec à Chicoutimi. Jean-Pierre Béland, un éthicien et philosophe de l'UQAC travaille présentement à la mise sur pied de ce colloque. (Photo Sylvain Dufour)
RESPONSABILITÉ - Selon Jean-Pierre Béland, être responsable d'une personne atteinte d'une maladie incurable qui demande à mourir est une lourde responsabilité et il faut savoir interpréter convenablement cette demande. (Photo : La Presse)
CHICOUTIMI – Que faire lorsqu’un parent, un ami ou un patient vous demande de l’aider à mourir dans la dignité? Chaque année, plusieurs centaines de personnes sont confrontées à cette réalité, aussi difficile soit-elle. C’est pourquoi Jean-Pierre Béland, un éthicien et philosophe de l’UQAC, travaille présentement à la mise sur pied d’un colloque sur le suicide assisté en partenariat avec le Comité régional de bioéthique du Saguenay-Lac-Saint-Jean et l’Agence de la santé et des services sociaux. « Nous voulons aider les gens à bien interpréter la demande du patient », affirme M. Béland.

Il ajoute qu’être responsable d’une personne atteinte d’une maladie incurable qui demande à mourir est une lourde responsabilité. « Il faut interpréter adéquatement cette demande car il est possible que la personne souffrante désire simplement alléger le fardeau infligé à sa famille ou recevoir des soins plus spécifiques comme des soins palliatifs », confie Jean-Pierre Béland. La qualité de vie et la dignité de ces personnes sont au coeur même du débat, il faut porter attention à leur détresse et leur solitude. « Des soins mieux adaptés seraient-ils la solution? », se questionne le philosophe.

Plusieurs éclaircissements

Lors de ce colloque qui aura lieu en avril, plusieurs concepts seront clarifiés dont celui de la dignité, fondement essentiel du suicide assisté. « Nous allons tenter de déterminer ce que signifie mourir dans la dignité dans le contexte clinique, juridique et éthique actuel », précise M. Béland. Plusieurs conférenciers et conférencières vont prendre la parole, notamment le Docteur Yves Bolduc, la psychologue Lise Hovington, l’infirmière Marie-Andrée Tremblay et Denis Plamondon, un proche qui a vécu cette situation.

La législation

Actuellement, le suicide assisté est interdit par la loi au Canada. Selon l’article 241 du Code criminel, le suicide assisté est un acte criminel passible d’un emprisonnement maximal de quatorze ans pour quiconque aide ou encore conseille une personne dans ses démarches pour se donner la mort. « Plusieurs spécialistes s’entendent donc pour dire que la loi actuelle n’est pas adaptée à la situation des médecins et des familles qui sont laissés seuls face à cette réalité. La législation tient compte de l’intention de tuer et non du motif qui inspire cette intention. Nous allons d’ailleurs élaborer sur ce sujet pendant le colloque », souligne M. Béland. Il existe seulement quelques endroits au monde où le suicide assisté est légal. Les Pays-Bas, la Belgique et l’état de l’Oregon aux États-Unis sont les principaux lieux où une personne peut légalement demander l’aide d’un tiers pour mettre fin à ses souffrances. « Ce qui est étonnant, c’est qu’en Oregon, la législation de ces pratiques n’a aucunement augmenté le nombre de personnes demandant et recevant une assistance au suicide mais cela a résulté par un accroissement significatif des consultations en soins palliatifs », s’exclame l’éthicien.

Éviter les abus

Les pires craintes des personnes dénonçant le suicide assisté est de voir cette pratique s’étendre systématiquement aux personnes en perte d’autonomie, qu’il y ait des abus et des pressions mais surtout, que les objectifs économiques en terme de santé des gouvernements privilégient cette voie. « Avec la population vieillissante, cette question va prendre de plus en plus d’importance. Nous allons analyser la situation de manière éthique. Il ne s’agit pas d’être pour ou contre mais d’offrir un choix au patient et de trouver une manière d’encadrer la pratique des intervenants dans cette situation », conclut Jean-Pierre Béland.

Le suicide assisté et l’euthanasie au Canada

  • En juin 1995, un comité du Sénat canadien se prononce sur la question de l’euthanasie et l’aide au suicide après des mois de débats à la fois philosophiques, médicaux et juridiques. La majorité des membres du comité refuse de décriminaliser l’euthanasie et l’aide au suicide.
  • En novembre 1994, Robert Latimer est condamné à la prison à vie sans possibilité de libération conditionnelle avant 10 ans pour avoir tué par compassion sa fille de 12 ans par empoisonnement à l’oxyde de carbone. Elle était lourdement handicapée par une paralysie cérébrale.
  • En septembre 1993, la Cour suprême du Canada rejette la requête de Sue Rodriguez. Cette canadienne atteinte de sclérose latérale amyotrophique demandait à ce qu’on autorise quelqu’un à l’aider légalement à mourir. Sue Rodriguez est morte en février 1994, avec l’aide d’un médecin anonyme.
  • En 1993, Nancy B. gagne une longue bataille en Cour supérieure et obtient le droit d’être débranchée des appareils qui la maintiennent en vie à l’Hôtel- Dieu de Québec. Elle souffrait du syndrome de Guillain-Barré qui l’obligeait à vivre paralysée et alitée dans un hôpital.

Un texte de Catherine Bergeron
cbergeron@lequotidien.com