Chronique

Une vie remplie d’expériences

Marc Girard a écrit de nombreux livres tout au long de sa fructueuse carrière. (Photo Rocket Lavoie)
Marc Girard, prêtre et professeur

CHICOUTIMI – « Il y a beaucoup de considération mutuelle entre lui et moi. » Marc Girard, professeur au Département des sciences humaines de l’UQAC (unité d’enseignement en études religieuses, en éthique et en philosophie) ne parle pas ici de son voisin, de son cousin ou de son employeur. Non, c’est au pape Benoît XVI qu’il fait référence.

Le prêtre Marc Girard est enseignant depuis 40 ans à l’UQAC. Au cours de toutes ces années, il a eu le privilège de vivre des expériences des plus enrichissantes, et il a également rencontré celui qui allait succéder à Jean-Paul II.

« Il a déjà été mon patron alors que je travaillais au Vatican, en 1996. À ce moment, il n’était pas encore pape. Nous en avons gardé de bons souvenirs l’un comme l’autre. D’ailleurs, il m’a demandé l’an dernier d’agir à titre d’expert lors d’un synode portant sur la Bible. Je suis allé passer un mois au Vatican, je vivais avec des cardinaux et des patriarches… Ils provenaient de partout dans le monde. Presque tous les pays étaient représentés. Cette expérience est l’une des plus fortes de ma vie en raison de l’aspect universel. »

Marc Girard est un exégète, c’est-à-dire qu’il tente d’établir, selon des normes de la critique scientifique, le sens de la Bible.

Il s’est toujours intéressé à la science religieuse et au symbolisme. Monsieur Girard a écrit près d’une quinzaine d’ouvrages portant sur la science biblique, dont plusieurs ont été traduits en diverses langues.

« J’ai une distance critique par rapport à la religion. J’ai une pensée pondérée, mais qui nous porte vers l’avant. En ce sens, je suis très chanceux de vivre dans le civil et d’enseigner. L’UQAC et sa Fondation m’ont toujours soutenu. Ils m’ont donné un appui aveugle, tant monétaire que moral. Je suis parti pendant deux étés, en 1975 et 1976, afin de visiter tous les sites archéologiques du Moyen-Orient. L’UQAC m’a permis de faire cela. J’ai acquis une belle culture au fil du temps. »

Monsieur Girard parle couramment six langues, soit le français, l’anglais, l’espagnol, l’italien, le portugais et l’allemand. Il explique qu’il est très important pour un spécialiste de la science biblique d’être polyglotte.

Marc Girard a amorcé sa carrière sur les « chapeaux de roues ». À l’âge de 22 ans seulement, il est devenu prêtre. Du coup, il a écrit une page d’histoire du diocèse de Chicoutimi, devenant le plus jeune prêtre à être ordonné. L’âge minimal pour l’ordination étant de 24 ans, monsieur Girard avait donc reçu une dispense du pape. Il a par la suite étudié en Europe pendant cinq ans, en restant en tout temps affilié avec l’UQAC.

Le temps est maintenant venu d’écouter

CHICOUTIMI (KBM) – Marc Girard ne s’inquiète pas outre mesure de constater que la société devient de plus en plus laïque. « Rien ne m’inquiète, mais tout m’interpelle. La cause (du détachement envers l’Église) n’est pas seulement du côté de la société. Nous avons un trésor à communiquer, mais nous devons trouver un chemin nouveau pour nous rendre au coeur des citoyens. On a beaucoup parlé, le temps est venu d’écouter. »

Le prêtre Marc Girard, qui enseigne depuis 40 ans à l’UQAC, croit que c’est davantage à l’Église de s’adapter à la société plutôt que l’inverse.

« Je suis très Québécois, très nationaliste. Je porte notre société dans mon coeur. L’Église devrait être plus attentive à la culture des gens d’ici. Je crois beaucoup en la génération des jeunes. Ils nous porteront vers une société plus centrée sur les valeurs de fond, le rythme humain et l’environnement. Le fait de travailler à l’UQAC m’a rendu sensible à cet aspect. J’ai toujours lié des relations humaines et profondes avec mes étudiants. J’ai l’amour de mon métier, de la Bible et des étudiants. Enseigner, c’est mon sport, c’est rafraîchissant », raconte celui qui prendra sa retraite à l’issue de cette année scolaire. Il espère d’ailleurs devenir professeur émérite. Une demande a été déposée en ce sens.

Il y a à peine quinze ans, pas moins de neuf prêtres étaient professeurs à l’UQAC. Aujourd’hui, Marc Girard est le « dernier des Mohicans », tel qu’il le souligne avec un brin d’humour. Trouve-t-il cette situation déplorable? « Il faut faire face à la musique. On doit construire une société équilibrée. Les valeurs spirituelles ont leur importance. Le contact avec la nature également. Si les Québécois ont perdu l’image du Dieu de l’Église en raison des scandales, je vois un retour à la nature et toute la symbolique qui l’entoure comme une bonne manière d’avoir la foi. Le feu, la lumière et l’humain sont de puissants symboles. L’être humain est la perle de la création. »

Reconnu

Marc Girard se dit toujours surpris d’être reconnu lorsqu’il se promène à travers le monde et en particulier au Vatican. Des quatre coins du globe, on le demande afin qu’il prononce des conférences. De plus, uniquement au cours de la dernière année, il a participé à l’écriture de quatre livres collectifs.

« Je donne des conférences sur des sujets variés, comme la mondialisation et l’éducation. Ma pensée critique est reconnue. Je n’ai jamais couru après cette reconnaissance. Je ne suis pas un ambitieux de nature. »

Il participe également, de manière quotidienne, à Radio Galilée (106,7). Il y produit une chronique de cinq minutes.

« J’essaie de rendre mes écrits de manière à ce qu’ils touchent les gens, qu’ils représentent leur réalité. Je suis intérieurement libre, c’est mon tempérament », explique celui qui a cessé de faire du ministère. Il se concentre sur ses recherches et sur l’enseignement. D’ailleurs, lorsqu’il sera à la retraite, il affirme qu’il aura besoin de « deux vies » afin de terminer les recherches entreprises!

Le Quotidien, Samedi, 10 octobre 2009
Un texte de Katerine Belley-Murray