Chronique

Personnes atteintes de troubles mentaux graves – Le plus difficile, combattre les préjugés

Professeure en travail social au Département des sciences humaines de l'UQAC, l'intérêt de Christiane Bergeron-Leclerc pour les personnes souffrant de troubles mentaux graves l'a menée à entreprendre une importante recherche sur le rétablissement en santé mentale. (Photo Jeannot Lévesque)
CHICOUTIMI – Entre 40 et 60 % des personnes atteintes de troubles mentaux graves tels que la schizophrénie vont connaître le rétablissement au cours de leur vie. En d’autres mots, ils pourront, à un moment donné, reprendre leur place comme citoyen dans la société.

Toutefois, seulement 10 % réussissent à obtenir et garder un emploi en raison des préjugés et du contexte socioéconomique actuel qui prône des valeurs de compétition et de performance. La plupart de ces gens connaissent donc une situation de pauvreté et se sentent à l’écart de la société.

Professeure en travail social au Département des sciences humaines de l’Université du Québec à Chicoutimi (UQAC), Christiane Bergeron-Leclerc s’intéresse à la situation des personnes souffrant de troubles mentaux graves qui vivent des épisodes psychotiques, de délire, et qui entendent des voix.

« Je ne m’intéresse pas au côté biologique. Je veux savoir s’ils peuvent s’intégrer ou non dans la société en lien avec leur maladie », mentionne celle qui a déjà travaillé dans une clinique comme intervenante auprès de ces personnes.

L’intérêt de la professeure pour le domaine, qui lui a d’ailleurs servi pour compléter sa thèse de doctorat, l’a menée à entreprendre une importante recherche sur le rétablissement en santé mentale. Elle en est présentement à la phase de démarrage du projet.

« Je fais partie de l’Alliance de recherche sur le rétablissement qui rassemble 30 chercheurs du Québec. Cela me permet d’obtenir des subventions pour financer les études des dix étudiants à la maîtrise qui participent au projet », soutient-elle.

Le programme de recherche comprend trois objectifs principaux, soit comprendre les facteurs qui facilitent ou nuisent à l’intégration sociale des personnes ayant des troubles mentaux graves, identifier les facteurs qui facilitent ou nuisent à la mise en place de services orientés vers l’intégration sociale et, finalement, identifier les pratiques communautaires et psychosociales qui facilitent ou nuisent à leur intégration.

La recherche devrait s’étendre sur trois ans, en collaboration avec l’Agence régionale de la santé et des services sociaux (ARSSS) ainsi que la division régionale de l’Association canadienne pour la santé mentale et le Centre de santé et de services sociaux (CSSS) de Chicoutimi.

« Un projet de recherche en science sociale nécessite beaucoup de rencontres cliniques avec des intervenants afin de savoir comment ils travaillent avec les personnes ayant des troubles psychotiques. Cet été, on va observer deux types de cliniques qui offrent un suivi intensif dans le milieu et un suivi d’intensité variable. Ces services sont offerts par les CSSS. Ensuite, nous allons évaluer les équipes de soutien à l’emploi pour la réinsertion au marché du travail. Ce service est, quant à lui, offert par différents organismes dans la région », ajoute-t-elle.

Ainsi, l’équipe de chercheurs pourra établir un portrait de ces pratiques pour ensuite donner une formation aux intervenants sociaux afin de mieux les outiller. Le tout dans le but de trouver des pratiques plus efficaces pour favoriser le rétablissement en santé mentale.

« Les traitements pharmacologiques et psychosociaux sont les meilleurs remèdes. Lorsqu’on a enlevé les lits dans les hôpitaux avec la désinstitutionnalisation, on n’a pas offert le soutien nécessaire. Grâce à nos observations, on va voir si on favorise l’appropriation du pouvoir lors des consultations et comment les patients évoluent. Les intervenants nous disent souvent que le plus dur n’est pas de gérer les symptômes de la maladie, mais le poids de celle-ci en raison des préjugés », conclut-elle.

Audrey Pouliot
Le Quotidien
Actualités, samedi, 12 février 2011, p. 12