CHAPITRE XV

 

LA RÉSONANCE MAGNÉTIQUE

 


Objectifs

Le chapitre précédent traite du magnétisme électronique.

Question :
   -
Qu’en est-il du magnétisme nucléaire?

Objectif :
  
- Ce court chapitre n’a pas la prétention de traiter en détail ce type de magnétisme, mais seulement de le présenter de manière limitée pour le différencier du magnétisme électronique. L’application de ce type de magnétisme, tout particulièrement en RMN, est d’une importance très grande dans la détermination des structures en chimie organique.

NOTE: ce chapitre a largement été inspiré et certaines sub-divisions préparées par le professeur GERVAIS BÉRUBÉ de l'Université du Québec à Trois-Rivières.

 


15.1 Principe de la méthode

La méthode de résonance magnétique est l’application d’une méthode spectroscopique à la mesure d’une variation de susceptibilité magnétique.ont>

Prenons une molécule qui possède du fait de la présence d’un électron non apparié, un moment magnétique m dû au spin de cet électron. La molécule se trouve dans un certain niveau d’énergie En en raison de son état électronique, rotatoire et vibratoire. Plaçons cette molécule dans un champ magnétique extérieur. On sait, depuis l’expérience de STERN et GERLACH, que le moment de spin prendra deux orientations possibles dans ce champ, l’une parallèle et l’autre antiparallèle. En présence du champ magnétique extérieur, on aura donc deux catégories de molécules : celles dont le spin est orienté parallèlement au champ et celles dont le spin est orienté en sens opposé. Ces deux catégories de molécules n’auront plus la même énergie En car, à l’énergie propre de la molécule vient s’ajouter algébriquement l’énergie du moment magnétique dans le champ magnétique. Cette dernière énergie étant m H cos q avec q = 0 ou p selon que le moment est dans le sens du champ ou dans le sens opposé. Les deux catégories de molécules auront donc respectivement l’énergie :

En + m H    et    En - m H

En fait, on ne peut parler de deux catégories puisque la même molécule peut appartenir à l’une ou à l’autre. Tout revient à dire que chaque niveau d’énergie s’est dédoublé et que l’intervalle énergétique entre les deux niveaux est 2 m H.

Figure 15.1. Effet d’un champ magnétique sur un niveau d’énergie.

 

Ce phénomène est tout simplement l’effet ZEEMAN dans le cas où le seul moment magnétique est un moment de spin.

La molécule étant toujours placée dans le champ magnétique, on pourrait concevoir une expérience d’absorption dans laquelle on fournirait à cette molécule un quantum h n = 2 m H  qui ferait passer la molécule du niveau En (- 1/2) au niveau En (+ 1/2).

En prenant dans le système CGS, on a :

h  =  6,626 10-27 erg·s  =  6,626 10-34 J·s.

  mB (magnéton de Bohr) = 9,2741 10-21 erg·gauss-1

                                           = 0,9274 10-23 A·m2 ou J·T-1

H = 103 œrsteds = 106/4 p A·m-1

   =   2,8 109 cycle·s-1

 

On trouve n = 3 000 Mc/s soit l = 10 cm.

Le domaine des fréquences convenables pour réaliser cette transformation est donc la région des hyperfréquences.

Notons que la valeur de l dépend de la valeur du champ utilisé et que ce dernier ne nous est nullement imposé. On pourra donc choisir le champ de façon telle que l soit commode à produire par des moyens électriques.

 


15.2 Appareillage expérimental

Pour réaliser l’absorption, on profite du fait que, dans tout phénomène de résonance l’énergie transférée par l’excitateur au résonateur est maximum. Dans ce cas, l’excitateur est une petite bobine parcourue par un champ électrique haute fréquence n. À l’intérieur de la bobine on crée donc un champ électromagnétique de même fréquence. Le résonateur est un échantillon (ensemble de molécules) placé dans un champ magnétique H. Au moment où n est tel que le produit hn correspond exactement à l’intervalle des deux niveaux, l’énergie haute fréquence de la bobine est absorbée de façon maximum par l’échantillon. Les moments magnétiques passent rapidement d’une orientation à l’autre. Il se produit à ce moment là une baisse de tension dans le circuit H.F. qui peut être détectée par un amplificateur, redressée et envoyée sur les plaques verticales de l’oscillographe. Ce signal vertical est proportionnel à l’absorption d’énergie. D’autre part, on module le champ H à basse fréquence. Lorsque la condition

(15.1)            h n  =  2 mB H

est réalisée, l’absorption se produit. La tension de modulation est envoyée sur les plaques horizontales de l’oscillographe. On obtient donc une courbe de résonance. Le pic de résonance est l’indice d’un moment magnétique moléculaire. On peut tirer la valeur de ce moment magnétique m à partir de n et H qui sont connus expérimentalement. On mesure donc bien en définitive la susceptibilité magnétique en mesurant directement le moment magnétique moléculaire.

 


15.3 Les unités

- hn = E   Þ   [h n] º (J·s)(s-1) º J (joule): c’est bien une énergie

- m0 perméabilité magnétique du vide
[
m0] º kg·m·s-2·A-2 ] º kg·m·s-2·A-2    ou    N·A-2

- B l'induction magnétique = mo H
et [B]
º [m0 H] º T (tesla);     H º B/mo º T (tesla);  
et [H]
º [B]/[m0]

B  peut aussi être exprimé en SI :

[B] º kg·s-1·A-1 º T º V·s·m-2

Þ    [H] º   

º   ampères par mètre

Or,   [2 mB H]  =  énergie et  [mB]º  C·J·s·kg-1  º  A·m2

En effet [C] º A·s et J º kg·m2·s-2

[mB] º A·s·kg·m2·s-2·kg-1·s º A·m2
donc [2
mB H] º A·m2·A·m-1 º A2·m

L’énergie peut donc se mesurer en (ampère)2 × mètre.

D’où (kg·m2·s-2) º (A2)·m et (A)2 º kg·m2·s-2

Note supplémentaire: si e0 est la constante diélectrique du vide (voir Chapitre 13)

[m0 e0] º c-2 puisque 4 p e0 = 1,112 64 10-10 C2·N-1·m-2

[m0 e0] º [4 p × 10-7 N·A-2]  

[m0 e0] º [4 p × 10-7 N·A-2]
[
m0 e0] º 10-17 C2·A-2·m-2 × 1,112 64 ºº (A2·s2·A-2·m-2) = (s/m)2
[
m0 e0] º [2,997 109]-2 = [vitesse de la lumière]-2

 


15.4 Résonance paramagnétique électronique - RPE

La méthode générale décrite précédemment peut être appliquée à toutes les molécules possédant des électrons non appariés. Ces molécules peuvent donc être d’une part détectées et d’autre part, dosées à l’aide du pic de résonance. En effet, l’intensité d’absorption est proportionnel au nombre de molécules dans l’état considéré, donc au nombre total de molécules. Les relations entre l’intensité du pic et la concentration sont cependant difficiles à établir.

D’autre part, on peut étudier l’environnement de la molécule dans un solide par exemple. En effet, le champ H extérieur n’est pas nécessairement le champ efficace au point où se trouve la molécule. Elle est également soumise à des champs magnétiques provenant des autres molécules environnantes. Elle est aussi soumise aux champs magnétiques provenant des noyaux possédant un spin non nul. Ces effets viennent perturber le schéma simple donné précédemment; au lieu d’un pic unique on obtient plusieurs pics suivant la localisation de l’électron. Ces effets sont compliqués mais très précieux pour l’étude de la structure moléculaire.

L’application la plus fructueuse de la RPE est actuellement faite à l’étude des radicaux libres. Ces radicaux sont des fragments moléculaires généralement instables dont l’importance est maintenant reconnue dans le déroulement d’une réaction chimique. En raison de leur instabilité, l’étude directe n’en avait pas été possible, sauf dans quelques cas par spectroscopie. Or, ces radicaux ont toujours au moins un électron non apparié qui provient de la séparation d’un doublet électronique lors de la formation du fragment moléculaire. La RPE permet donc de les détecter et d’étudier leur structure très facilement dans le milieu même où ils sont produits.

 

 


15.5 Résonance magnétique nucléaire - RMN

Introduction :

La spectroscopie de résonance magnétique nucléaire (RMN) est une méthode spectroscopique permettant d’accéder à la structure de molécules complexes. La RMN fut découverte par deux groupes de physiciens indépendants PURCELL, TONY et POUND (Harvard) ainsi que BLOCH, HAUSEN et PACKARD (Stratford) en 1945. Rapidement la méthode a été développée et les premières applications à des problèmes chimiques ont été réalisées au début des années cinquante. Par la suite, l’utilisation de la RMN fut développée sans cesse pour acquérir aujourd’hui une grande importance en chimie et en physique. De nos jours, l’utilisation de la RMN est aussi très répandue en médecine.

La RMN est, de façon simplifiée, une technique de spectroscopie d’absorption avec laquelle une radiation dans le domaine des fréquences radio est absorbée par un des noyaux soumis à un champ magnétique.

Principes de base de la RMN 

- Description quantique de la RMN

  La spectroscopie de résonance magnétique nucléaire est fondée sur les propriétés que possèdent les noyaux. Il est déterminé par la physique atomique qu’un noyau est en rotation selon un axe donné et tout noyau possède une charge électrique.  La charge transportée lors de la rotation du noyau va générer un dipôle magnétique dans la direction de l’axe de rotation.

 Figure 15.2.  Noyau d’hydrogène en rotation générant un dipôle magnétique.

Le moment angulaire de la charge en rotation est décrit en terme de nombre quantique de spin I. I peut avoir une valeur telle 0, 1/2, 1, 3/2, … La valeur 0 pour I dénote l’absence de spin résultant.

 

Le nombre quantique de spin est déterminé par la constitution du noyau du à la contribution de chacune des particules élémentaires qui constituent le noyau. On peut établir une règle qui permettra de déterminer si un noyau donnera un signal RMN, selon le nombre de chacun de ses constituants. Ainsi, on comprendra pourquoi le 12C, 16O et le 32S ne sont pas actifs en RMN.

  Tableau 15.1.  Détermination du nombre de spin selon la constitution du noyau

Nombre de protons   Nombre de neutrons   I   Exemples
Pair Pair 0 12C, 16O, 32S  
Impair Pair 1/2 1H, 19F, 31P  
3/2 11B, 79Br  
Pair Impair   1/2 13C  
3/2 127I
5/2 17O  
Impair Impair   1 2H, 14N

 

La règle générale veut que pour les noyaux à nombre de masse et de numéro atomique pair (noyaux pairs-pairs), I = 0. Tous les autres noyaux ont un I ³ 1/2. On retrouve donc, un entier de I pour les noyaux impairs-impairs et un multiple entier de 1/2 pour les noyaux impairs-pairs et pairs-impairs.

En termes de mécanique quantique, le nombre de spin I  détermine le nombre d’orientations possibles qu’un noyau peut adopter dans un champ magnétique externe selon la relation : 2I+1. Par exemple, si l’on considère un proton placé dans un champ magnétique, et que I = 1/2, alors il y a deux niveaux d’énergie possibles, spin = -1/2 et spin = +1/2. On caractérise l’état stationnaire du noyau en utilisant le nombre quantique magnétique, mI, qui correspond, en relation avec le nombre de spin, à mI = I, I-1, I-2,… -I. Donc pour le proton, on aura deux états qui sont :

                                mI  =  I  =  1/2

                et           

                                mI  =  I -1  =  - 1/2  =  -I

L’existence de ces deux niveaux d’énergie suggère donc qu’il soit possible à l’aide d’un champ magnétique de provoquer des changements d’énergie qui peupleront ces niveaux. Par la suite, il sera intéressant de quantifier ces énergies caractéristiques.

Aspect énergétique de la RMN :

Pour un noyau possédant un nombre de spin non nul, un  dipôle est induit et son amplitude est définie par le terme µ, ce qui correspond au moment magnétique nucléaire. Cette valeur est caractéristique pour chacun des noyaux. Considérons que cette valeur soit un vecteur de la composante de µ orientée selon l’axe z, µz. Il est possible de relier le nombre de spin I à la valeur µ afin de s’approcher des valeurs énergétiques des états possibles. Le nombre de spin et la moment magnétique sont en relation par la détermination du rapport gyromagnétique, g.  

15.1

Cette équation nous donne une valeur qui est une constante nucléaire fondamentale exprimant la proportionnalité entre le moment magnétique et le nombre de spin. Cette équation qui est un peu généraliste peut être raffinée en utilisant plutôt le nombre quantique de spin mI.  On retrouvera alors :

15.2

mg    mI

Donc pour un proton où nous avons des valeurs de

mI  = +1/2      et      mI   = -1/2,

on pourra dire que :  

15.3 mg    m=  ± g    I  =  ± g  / 2

Par conséquent, on considérera le proton comme un dipôle magnétique, dont la composante µz s’orientera de manières parallèle et antiparallèle  à la direction de l’axe z.

Il est aussi possible de déterminer µz par analogie avec les relations qui décrivent le comportement magnétique des électrons avec l’équation suivante :  

15.4 µZ    =    gN   µN   mI

Dans cette égalité, gN est le facteur nucléaire qui caractérise le rapport entre la charge nucléaire et la masse et µN qui est le magnéton nucléaire, une constante.

 On obtient µN par :  

15.5                  µN  = =  5,0493 10-27  J · T-1   en  SI.

     
e est la charge élémentaire.
mp
est la masse du proton.


En mécanique quantique, on décrit un système atomique au moyen de fonctions d’ondes, qui proviennent de solutions de l’équation de Schrödinger. Pour le cas présent, nous utilisons des fonctions d’onde propres qui sont
a (où m = + 1/2 ) et b (où m = - 1/2 ).  Ces deux états pour le noyau de spin 1/2 possèdent la même énergie. Elles sont dites dégénérées. Considérons la présence d’un champ magnétique externe homogène et statique noté B0. Suite à l’instauration de ce champ, une interaction survient entre B0 et le moment nucléaire µ. Ainsi la condition de dégénérescence est levée. Il en résultera une différence d’énergie entre les niveaux DE  =  µzB0   puisque l’énergie potentielle d’un dipôle µ dans le champ magnétique B0 prend une valeur relative à l’état B0 = 0 de ± = µzB0, selon l’orientation du champ ainsi qu’à l’orientation du spin (parallèle ou antiparallèle).

Ainsi la figure 15.3 illustre les valeurs obtenues selon le champ.  

Figure 15.3.  Orientation du dipôle magnétique dans un champ magnétique.

De façon plus précise, le champ est orienté dans le sens négatif de l’axe z, alors DE pour l’orientation antiparallèle résulte à +µzB0 tandis que l’on obtient -µzB0  pour l’orientation parallèle.

L’expression de l’énergie en fonction du champ appliqué est donnée par la relation :  

15.6  Em-  mz B0  =  - g B0 mI

Il est aussi possible d’exprimer cette relation en fonction de la fréquence en utilisant :

15.7                                EmI    =   -  mI h n 

n est la fréquence de résonance dans le champ B0.

En réarrangeant 15.6 et 15.7 on obtient ce qui est la condition de résonance,

15.8                                n     = 

 

Figure 15.4. Énergies des spins en fonction du champ appliqué B0.

 

En examinant la figure 15.4, on se rend facilement compte que l’énergie augmente lorsque le champ magnétique est augmenté. Il est alors ainsi possible de calculer la fréquence de résonance pour un noyau.

Exemple 1

Ainsi, pour un proton soumis à un champ de 1 Tesla, l’énergie impliquée est déterminée dans cet exemple, l'équation 15.8 devient :

La fréquence sera :

 

n  =  42,6 MHz

Ainsi, lorsque cette fréquence est atteinte, il y absorption du rayonnement électromagnétique du à la transition des noyaux entre les deux niveaux d’énergie (a®b dans ce cas-ci). Les transitions se font du niveau d’énergie le plus bas vers le plus haut. Dans le cas où l’on est en présence d’un spin 1/2 et que la valeur de g est positive, le niveau d’énergie de la fonction d’onde a est inférieure à celle de b. Il faut considérer qu’à l’origine, il y a une disparité entre les populations sous l’influence d’un champ magnétique puisque l’état à plus faible énergie est plus peuplé. L’équation de Boltzmann (loi de distribution entre les états quantiques) peut être  utilisée pour illustrer cet effet.  

15.9 NJ/N0  = e-DE/kT

Dans le cas présent, on peut faire la transformation suivante :  

15.10

  Le rapport est donc proportionnel à B0.

Comme la RMN repose sur la différence de population entre les deux niveaux, plus de photons seront absorbés. Par conséquent, le signal RMN détecté expérimentalement sera plus important. On se rend alors bien compte pourquoi les spectromètres RMN modernes à haute résolution (ex : 600 MHz) ont des champs magnétiques très importants.

Il est aussi important que mentionner que pratiquement tous les éléments du tableau périodique possèdent des isotopes stables actifs en RMN.  Par contre, il est évident que leur abondance naturelle est un critère primordial pour mener une expérience RMN.  En effet, pendant longtemps, les mesures RMN sur des atomes très utiles tels le 13C ou le 15N n’ont pas été possibles, en raison de la faiblesse du signal.  Le développement de la technologie moderne ainsi que les traitements numériques ont finalement permis d’obtenir des spectromètres assez sensibles pour s’appliquer à de tels noyaux.

- Description classique de la RMN :

Dans le but de conceptualiser le mode d’absorption d’énergie des particules lors d’une expérience RMN, il est intéressant de s’attarder à une description classique du phénomène.  Ceci permettra de comprendre comment le rayonnement électromagnétique peut être injecté dans les protons alignés dans le champ magnétique.  Si on visualise un proton comme étant en rotation dans un champ magnétique, on peut considérer qu’il possède une certaine inclinaison tel que représenté à la figure 15.5.

Le proton en rotation possède un mouvement de précession autour de l’axe du champ magnétique externe.  Le mouvement de précession possède une vitesse angulaire caractéristique, notée w0.  Cette vitesse angulaire se détermine par :  

15.11

Il est aussi possible d’exprimer cette valeur en termes de fréquence, ce qui devient :

15.12

 

Figure 15.5. Proton ayant un mouvement de précession dans un champ magnétique B0.

 

Cette fréquence, n0 est appelée fréquence de LARMOR.  En comparant l’équation 15.12 à celle 15.8, on observe que la fréquence de précession d’une particule dérivée de la mécanique classique est identique au résultat obtenu par la mécanique quantique lors de la détermination de l’énergie requise pour une transition d’un état de spin à un autre.  Ainsi la condition d’absorption en RMN est acquise lorsque la fréquence de la radiation externe est n0 = n.

L’énergie potentielle d’une particule en précession est donnée par :

15.13                                E  =  - µZ B0   =   - µ  B0  cos q

Ainsi, lorsqu’une radiofréquence est absorbée par un noyau, son angle de précession doit changer.  Alors, si on imagine un noyau de nombre quantique de spin 1/2, l’absorption d’énergie engendrera un changement de direction du moment magnétique par rapport au champ magnétique externe.  L’absorption n’a lieu que lorsque la fréquence émise est égale à celle de précession du noyau, d’où le nom de résonance magnétique nucléaire.

L’énergie électromagnétique de radiofréquence est générée de sorte à ce que sa composante magnétique B1, soit perpendiculaire à l’axe du champ magnétique principal, B0. Ceci est obtenu à l’aide d’une bobine disposée à angle droit avec l’axe du champ B0. La radiation est polarisée circulairement et aligné dans la même direction que l’orbite de précession. Les noyaux sont ainsi excités de manière réversible et l’énergie est réémise suite à la relaxation.

Lors de l’irradiation des noyaux, une absorption est perceptible grâce à une différence de population entre les états énergétiques. Une simple surpopulation de quelques parties par million dans l’état magnétique à plus faible énergie est suffisante pour obtenir un signal. Par contre, à mesure que les noyaux sont irradiés, le nombre de  noyaux à l’état excité augmente et la différence entre les états s’atténue. Comme la radiation absorbée est compensée en partie par la radiation émise lors de la relaxation des noyaux excitée, le signal devient pratiquement nul. C’est ce que l’on appel l’état de saturation. Évidemment, le mécanisme de relaxation des noyaux ne passe pas uniquement par l’émission de la radiation d’origine. Il y d’autres modes de relaxation qui sont observés en RMN. Heureusement, la réémission des photons absorbés n’est pas le processus le plus courant pour la relaxation. En effet, des processus non-radiatifs de relaxation sont observés lors de la relaxation.

Le mode de relaxation appelé longitudinal (ou réseau) est un mode dans lequel on considère que le noyau est inclus dans un ensemble d’atome ou de molécules constituant l’échantillon. L’ensemble des constituants appelé le réseau existe peu importe si le milieu sera solide, liquide ou gaz. Dans le réseau, les particules subissent une multitude de mouvements de rotation et de vibration qui créent un champ complexe autour de tout noyau. Le champ de réseau résultant contient une infinité de composantes magnétiques. Il est alors fort probable que l’une de ces composantes magnétique ait exactement la même fréquence que celle du mouvement de précession du noyau. Ainsi, les modes vibrationnels et rotationnels vont convertir le noyau en état de haute énergie vers son état plus faiblement énergétique et cette énergie sera transmise au réseau. De cette façon, une faible augmentation de l’amplitude des modes de mouvement du réseau se produira.

La relaxation de réseau est un processus de premier ordre, caractérisé par un temps t1. Ce temps t1 est une mesure du temps de vie moyen dans l’état excité d’un noyau. Ce temps de vie qui dépend du rapport gyromagnétique est également fortement influencé par la mobilité du réseau. On observera un plus long temps de relaxation dans des milieux visqueux ou dans une phase cristalline. Lorsque la mobilité augmente, comme en augmentant la température, les fréquences des mouvements de vibration et de rotation  augmentent, ce qui accroît la probabilité d’obtenir une fréquence propice à la relaxation. Par contre, si la mobilité est augmentée à outrance, il y a dépassement de la région favorable à la relaxation et t1 augmentera de nouveau.

Le temps de relaxation est aussi fortement affecté par la présence d’éléments ayant des électrons non appariés, en raison des grandes fluctuations magnétiques qu’ils engendrent. Un effet similaire est observé en présence d’éléments dont le nombre quantique de spin est supérieur à 1/2. Ces éléments se caractérisent par une asymétrie dans la distribution des charges, provoquant aussi des grandes fluctuations. Mais un élargissement des pics est observé en présence de tels éléments, comme par exemple lorsqu’un proton est attaché à un atome d’azote.

Le mode de relaxation transversal est un mode qui n’a pas d’effet sur la population excité. Dans ce mode, le noyau à l’état excité transmet son énergie à un autre noyau qui est à l’état fondamental. Ainsi, il y échange d’état, ce qui n’affecte pas les populations mais diminue le temps de vie des états excités. On parlera ici du temps t2. Ce mode de relaxation a pour conséquence d’élargir les bandes RMN.

Note   Dans le cas de la molécule d’hydrogène les deux spins nucléaires peuvent être combinés de façon parallèle.  On a alors formation de l’hydrogène "ortho" ou ortho-hydrogène.  Dans le cas des spins antiparallèles, on est alors en présence du para-hydrogène.

 


 

15.6 Résonance du proton - Glissements chimiques

 

Pour illustrer l’action des électrons et des autres spins nucléaires sur la valeur du champ efficace nous examinerons le cas particulier de résonance du proton. Le proton dont le spin est 1/2 permet l’expérience de résonance. Il est bien évident que de telles études sont généralisables à tous les noyaux de spin non nul.

Jusqu’à maintenant, on a vu que l’on peut identifier un isotope d’élément chimique spécifique en déterminant la fréquence de résonance du noyau. La figure 15.6 présente un spectre hypothétique d’un composé comportant une multitude d’éléments, le N-diméthyltrifluoroacétamide.

Figure 15.6. Spectre de résonance simulé du N-diméthyltrifluoroacétamide.

 

Sur ce spectre on voit qu’en faisant un balayage de fréquence (ou de champ), il serait possible d’identifier spécifiquement chacun des isotopes en observant un pic caractéristique pour chacun d’eux. En fait, même si cela fonctionnerait très bien, la RMN n’a pas été développée pour l’analyse élémentaire de la matière. Le véritable intérêt pour la RMN est que l’on peut étudier un isotope spécifique par rapport à son environnement dans une molécule. En effet, il a été découvert que la fréquence de résonance d’un noyau individuel subit l’influence de la distribution électronique des liaisons chimiques. Ces fins effets provoqueront des déplacements de la fréquence de résonance appelés, déplacements chimiques notés d.

- Source du déplacement chimique

Le déplacement chimique est engendré par la circulation des électrons dans le voisinage du noyau sous l’influence d’un champ magnétique. Ces courants électroniques (courants diamagnétiques locaux) sont induits par le champ magnétique fixe et il en résulte un champ magnétique secondaire qui peut augmenter ou réduire le champ auquel le proton répondra. Ce sont des effets très complexes et nous nous limiterons à la considération des effets majeurs seulement.

Par exemple, dans un champ magnétique de 1,4 T, on s’attendrait de mesurer une résonance des protons sur une molécule organique à n0 = 60 MHz. Mais, en réalité, ce que l’on obtient est n0  ± Dn Dn  est généralement inférieur à 1 kHz. Ce phénomène est valable pour tous les autres noyaux et constitue la base de la spectroscopie RMN telle qu’on l’utilise. Le déplacement de la raie de résonance des protons est provoqué en premier lieu par les électrons de la liaison C-H. Les courants électroniques qu’induisent le champ magnétique externe B0 et un dipôle magnétique µ orienté dans la direction opposée au champ excitateur est généré. Ainsi, ce qui est subit localement par le proton n’est pas B0 mais plutôt une intensité réduite de  s B0 selon :

15.14                                Blocal    = B0 (1  -  s)

La grandeur s est ce que l’on appelle la constante d’écran du proton. Cette valeur est proportionnelle à la densité électronique de l’orbitale 1s de l’hydrogène et s B0 est la valeur du champ induit près du noyau.

 

 Figure 15.7.  Courant électronique induisant la composante diamagnétique.

 

Comme on peut toujours relier l’intensité de champ à une fréquence de résonance, on obtient alors :  

15.15 

Théoriquement, il serait possible de quantifier les constantes d’écran en tenant compte de la densité électronique r(r) qui est une fonction de la distance r du noyau. Cette relation mène à la formule de LAMB :

15.16

m0 étant la perméabilité du vide.

On peut également utiliser la valeur moyenne de r selon :

15.17 

Mais, ici on ne considère que l’atome d’hydrogène. Le traitement de molécules est beaucoup plus complexe. Dans un tel cas, il nécessaire de tenir compte de la circulation des électrons dans l’ensemble de la molécule. On peut facilement envisager que la symétrie sphérique est altérée par la présence d’autres noyaux que le diamagnétisme sera alors réduit. Au niveau du proton, le champ perçu sera donc augmenté. On peut résumer la définition de la constante d’écran comme étant la somme des contributions dia- (+) et paramagnétiques (-).

15.18                                s   =   sdia   +   spara

ou encore selon l’approche empirique :

15.19              s   =   sdia   +   spara   +   ssolvant   +   svoisins

Pour un proton, seulement les composantes de diamagnétisme local et l’effet des atomes au voisinage ont une importance. On réécrira alors la valeur de la constante d’écran mais en détaillant encore plus pour l’effet des voisins par avec la relation  15.20 qui tient compte des effets magnétiques, de champs électriques, de van der Walls et du milieu.

15.20                                s   =   sdia   +   smag   +   sel   +   smil

Comme on peut le constater, le déplacement chimique dépend du blindage induit par les mouvements des électrons autour du noyau. Le déplacement chimique observé pour un proton  sera déterminé par une combinaison de ces facteurs. Le poids que possédera chacune de ces composantes l’une par rapport à l’autre déterminera la constante d’écran.

Pour les molécules organiques, l’influence des atomes voisins est transmise par le squelette de carbone. C’est alors la densité de charge du carbone voisin du proton qui devient déterminant pour la fréquence de résonance observée. C’est alors que dépendant des atomes présents sur le carbone tenant le proton, différents déplacement chimiques sont observés. L’exemple des halogénures de méthyle est très significatif. Le tableau 15.2 illustre la situation.  

Tableau 15.2.  Déplacement chimique pour les halogénures de méthyle

  CH3 CH3Cl   CH3Br   CH3I   CH3H  
d (CH3)   4,13   2,84   2,45   1,98 0,13  

 

Comme on pouvait le prévoir, le déplacement chimique, c’est-à-dire le niveau de déblindage du proton suit la tendance selon l’électronégativité croissante de l’halogénure présent.  Il serait intéressant également de mentionner que pour des molécules comportant un atome métallique, le déplacement chimique diminue en fonction du caractère ionique de métal présent. Ainsi, pour le lithium par exemple, il en résulte un déplacement chimique négatif (d = -2).  Si l’on considère des chaînes de carbone plus longues, on pourra voir l’évolution des effets inductifs en fonction de la distance des éléments attracteurs d’électrons.

Lorsque l’on considère le nitropropane, la valeur du déplacement chimique diminue à mesure que l’on s’éloigne du groupement NO2.

O2N-CH2-CH2-CH3

Il faut cependant tenir compte que d’autres facteurs peuvent jouer un rôle très important à l’égard du déplacement chimique.  Dans le cas des halogénures d’éthyle, on enregistre une tendance opposée à ce qui est observé sur les halogénures de méthyle.  Ici, l’anisotropie magnétique de la liaison jour un rôle prépondérant et c’est le terme smag qui prédomine dans la constitution de s.

- L’unité de mesure des déplacements chimiques

Les déplacements chimiques correspondent en fait tout simplement à une valeur déterminée de fréquence de résonance à champ magnétique fixe ou à une intensité de champ à fréquence constante. Il serait alors facile en principe d’exprimer les déplacements chimiques en termes de Tesla ou de MHz simplement.  Cependant, en pratique les champs utilisés dans les spectromètres sont variés en raison de la différente résolution requise par l’utilisateur. De cette façon, il n’est donc pas possible d’exprimer universellement les déplacement chimiques en terme de fréquence ou d’intensité de champ. On utilisera alors une mesure de la fréquence de résonance par rapport à celle d’une référence. De façon très courante en RMN du proton, on utilise la bande d’absorption tétraméthylsilane (TMS) comme référence. Ce composé relativement inerte dans de nombreux milieux possède donc 12 protons qui sont identiques et dont le pic d’absorption RMN sera très intense et fin. Le TMS est très souvent utilisé aussi en raison du déplacement chimique de ses protons qui se superposent très rarement avec ceux des composés étudiés.

On exprimera alors le déplacement chimique selon :  

15.21 

si l’on considère que la fréquence de résonance de la référence est celle de fonctionnement de l’appareil. Sinon on utilisera :
15.22 

Le déplacement chimique étant un rapport entre un numérateur et un dénominateur de mêmes dimensions, ce terme n’a donc pas de dimension (pas d’unités). Par contre, on voit souvent d exprimé en ppm, ceci dû à l’utilisation du facteur 106.

 

Exemple

L’acétate de benzyle en présence de TMS produit avec un spectromètre RMN 60 MHz quatre pics dont l’absorption est située à 116, 300, 433 et 500 Hz de celle du TMS. Déterminez les déplacements chimiques.

Alors, pour le premier pic,

d   =   1,93 ppm

- Effets de l’anisotropie magnétique sur le déplacement chimique

Comme il a été vu dans les précédentes pages, il arrive couramment qu’il ne soit pas possible d’expliquer le déplacement chimique par la simple raison de l’électronégativité des groupements. Ceci peut s’expliquer par ce que l’on appelle l’anisotropie magnétique. De façon générale, l’on considère un proton dans un milieu sphérique qui est isotrope, c’est-à-dire qui possède les mêmes caractéristiques indépendamment de l'orientation. Si l’on a une distorsion dans la sphéricité du milieu dans lequel se trouve un proton, on remarquera alors un effet sur le niveau de blindage.

On prend une molécule de benzène qui contient six protons qui son rattachés à des atomes de carbone. On remarque que quoiqu’il n’y ait que du carbone et des atomes d'hydrogène dans la molécule, on retrouve un déplacement chimique qui se situe dans la même région que le chloroforme (CHCl3). Les alcènes, alcynes et aldéhydes montrent aussi de tels comportements qui sont incompatibles avec une simple question d’électronégativité.

Dans la plupart des cas, on remarque que les molécules comportent un système insaturé, c’est-à-dire sur lequel on retrouve des électrons p au voisinage du proton étudié. Dans le cas du benzène par exemple, les électrons p placés dans un champ magnétique sont incités à circuler autour du cycle aromatique tel qu’illustré à la figure 15.8.

 Figure 15.8.  Anisotropie magnétique du benzène.

 

Cette circulation d’électrons est appelée  courant circulaire et génère un champ magnétique tel que généré par un courant électrique qui circule dans une boucle d’un fil conducteur. Le champ magnétique généré occupe un volume spatial assez grand pour influencer le blindage des protons sur le cycle. Les protons, qui se trouvent vers l’extérieur du cycle, sont alors déblindés par cette anisotropie magnétique et il s’en suit qu’un déplacement chimique plus grand qu’envisagé est observé. On peut alors imager les zones propices au blindage ou au déblindage par des zones coniques telles que représentées sur l’illustration de la figure 15.9. Globalement, le noyau est influencé par trois composantes de champs majeures dont, le champ externe, le champ provenant des électrons de valence autour du noyau et le champ généré par la circulation des électrons p.

Figure 15.9.  Anisotropie du benzène résultant de la circulation des électrons p. Les zones (+) sont propices au blindage alors que les zones (-) favorisent un déblindage.

 

Généralement, tous les groupements qui possèdent des électrons p au voisinage du proton étudié vont générer de l’anisotropie magnétique. La figure 15.10 donne quelques exemples d’anisotropie sur des molécules comportant des liens multiples.

Figure 15.10.  Exemples d’anisotropie sur des systèmes comportant des liaisons insaturées. Les zones (+) sont propices au blindage alors que les zones (-) favorisent un déblindage.

 

L’amplitude des effets de l’anisotropie s’atténue lorsqu’un proton se retrouve plus éloigné des liens multiples. Ainsi, le protons qui se retrouvent sur des ramifications attachées à un anneau aromatique seront peu influencés par l’anisotropie, à mesure que la chaîne carbonée s’allonge.

-  Dénombrement des protons correspondant à chacun des déplacements chimiques

Afin de déterminer une structure moléculaire à l’aide de la RMN, il est utile de connaître le nombre de noyaux en résonance correspondant à chacun des déplacements chimiques. Les pics d’absorption en RMN ont une intensité proportionnelle au nombre de noyaux identiques sur la molécule analysée. La fréquence de résonance est en fait une moyenne de celle de chacun des noyaux identiques. Mais comme on observe parfois un élargissement des pics plus ou moins important selon l’environnement dans lequel le noyau se trouve, on utilisera une méthode d’intégration qui correspondra à une quantification directement proportionnelle au nombre de noyaux identiques. Donc, ici toute l’aire sous le pic d’absorption sera considérée dans la mesure. On verra plus loin que cette méthode d’intégration est très importante lorsque l’on  est en présence de couplage spin-spin.

- Interactions entre noyaux (couplage spin - spin)  

Si l’on considère, autre exemple, une molécule telle le dichloroacétaldéhyde, CHCl2-CHO, on observe que l’on est en présence de deux protons. Ainsi, tel que démontré précédemment deux fréquences de résonance RMN devront être observées. Par contre, il est intéressant de constater que le spectre RMN expérimental montre un total de quatre pics, formés de deux paires de pics ayant la même intensité et étant faiblement séparés en déplacement chimique. Les deux pics attendus se présentent donc sous la forme de doublets. La multiplicité des signaux obtenus en RMN peut être beaucoup plus complexe et il est courant d’observer la présence de doublets, triplets, quadruplets (quartets) et même quintuplets (quintets).

La cause du fractionnement des pics provient du couplage spin-spin. Il s’agit d’interactions magnétiques entre les protons qui plutôt que d’être transmises à travers l’espace, elles le sont par l’entremise des électrons à travers les liaisons chimiques. Nous étudierons plus loin la source et la quantification des énergies correspondantes à ces effets de couplage.

De manière générale, un proton HA  qui est sur un carbone CA ressent les effets du spin d’un proton HB situé sur un carbone CB, CA et CB étant voisins. Il y alors deux possibilités, le spin de HA peut être orienté soit parallèlement à celui de HB, ou encore de manière antiparallèle.  Ainsi, le fait que le déplacement chimique de HA soit affecté par la direction du spin de HB indique qu’il y a couplage de HA avec HB. Dans le cas où les spins sont parallèles, HA est légèrement déblindé en raison du champ de HB qui est aligné avec le champ externe et son moment magnétique s’additionne avec celui du champ externe. Dans le cas opposé, c’est-à-dire quand les spins sont antiparallèles l’un par rapport à l’autre, un léger blindage se fera alors sentir sur HA et ainsi son déplacement chimique sera légèrement moindre que s’il y avait absence de couplage. Puisqu’il devrait y avoir autant de couples qui ont un spin antiparallèle et parallèle, on observera alors un dédoublement du pic de résonance en deux pics d’intensité équivalente.

Pour bien des utilisateurs de la RMN, la justification énergétique de la provenance de la séparation des pics n’a pas d’importance.  C’est pourquoi, une règle empirique est souvent utilisée pour l’interprétation de spectres RMN du proton (et pour des protons voisins) qui est la règle n + 1.  Cette règle s’exprime selon le fait que le signal d’un proton sera séparé en n + 1 pics selon le nombre n de protons équivalents présents sur le carbone voisin. 

Ainsi, pour la molécule :

on observe deux signaux de résonance RMN, le premier qui est un triplet dont l’intégration résulte à un proton et un second signal où le pic est séparé en un doublet dont l’intégration donne deux protons.

Ces effets rendent plus complexes les spectres RMN et on appelle ces précisions de structure, la structure fine.

- Quantification des énergies attribuées au couplage spin-spin.

Un noyau de nombre de spin 1/2 soumis à un champ magnétique possède deux états énergétiques à travers lequel une transition est possible (Fig. 15.4). On parle de a = mI =  +1/2 et b = mI =  -1/2.  Ainsi, une seule fréquence de résonance est possible dans un champ donné qui correspond à la transition entre les niveaux a et b.  Dans le cas où l’on considère un système à deux noyaux A et X de spin 1/2 pouvant interagir ensemble, il y a quatre possibilités :

aA aX,   aA bX,   bA bX  et  bA aX.

Nous savons selon les équations 15.6 et 15.14 que :  

15.23    E  =  - g (1 - s) B0 m

Ainsi l’énergie entre deux noyaux A et X en négligeant les effets de spin sera :  

15.24 E  =  - g  (1 - sA) B0 mA - g (1 - sX) B0 mX 

Il est connu selon l’équation 15.7 que :

15.7                                EmI    =   - mI h n

Ainsi :

15.25                                E   =   - mA h nA   -    mX h nX

Comme les nombres quantiques de spin peuvent adopter une valeur de ± 1/2, on obtient les possibilités suivantes :

15.25.1                                E   =  - 1/2 h nA - 1/2 h nX
15.25.2                                E   =  
- 1/2 h nA + 1/2 h nX
15.25.3                                E   =   + 1/2 h
nA - 1/2 h nX
15.25.4                                E   =   + 1/2 h
nA + 1/2 h nX

Ce qui représente quatre niveaux d’énergie possibles. Si l’on tient compte de la contribution des couplages spin-spin, l’énergie de ces interactions est :  

15.26                      E  =  JAX I(A) I(B)

Dans cette égalité,  J est la constante de couplage entre les atomes A et X et I(A) et I(X) sont les vecteurs de spin des atomes correspondants. Cette équation peut être réarrangée en utilisant les nombres de spin mI selon :

15.27                                E   =   h  J mA mX

L’énergie totale devient :

15.28                                E   =   -  mA  h nA  -  mX  h nX  + h J mA mX

Et alors, pour chacun des cas en utilisant les valeurs de m correspondantes (± 1/2)

15.28.1                                E   =    - 1/2 h nA  - 1/2 h nX  + 1/4 h J
15.28.2                                E   =   
- 1/2 h nA  + 1/2 h nX   - 1/4 h J
15.28.3                                E   =    + 1/2 h
nA  - 1/2 h nX   - 1/4 h J
15.28.4                                E   =   + 1/2 h
nA + 1/2 h nX   + 1/4 h J

Ainsi, il possible de schématiser les états d’énergie selon la figure 15.11 :

Figure 15.11.  Niveaux d’énergie magnétique nucléaire pour un système à deux pics.

 

Nous notons alors que les niveaux d’énergie sur lesquels figurent les spins antiparallèles sont stabilisés par un couplage spin-spin tandis que les niveaux dont les spins sont parallèles sont déstabilisés.

On aura discuté surtout des effets de couplage de spin entre des noyaux de type proton.  Le fait est qu’en réalité, il est très probable d’observer des couplages entre ces noyaux en raison de leur abondance naturelle (99,98 % pour 1H). Comme le noyau de 13C possède un nombre de spin de 1/2, on devrait assister à des couplages spin-spin.  Par contre, dans ce cas le noyau 13C est si peu abondant naturellement (1,11 %) que les probabilités d’avoir deux noyaux 13C côte à côte sont presque nulles.  Il est certain que cette configuration existe, mais elle n’est pas considérée expérimentalement en raison de l’impossibilité de détecter le signal avec les instruments, aussi sensibles soient-ils.  Cependant, il est évident qu’il devrait y avoir des interactions entre les protons et les noyaux de 13C puisque ce dernier baigne dans un environnement de protons. On élimine expérimentalement ces effets en utilisant une technique de découplage de spin qui font que les 13C ne voient qu’un spin moyen du proton.

Pour les noyaux possédant la capacité d’interagir entre eux, il existe plusieurs types de couplage en fonction du nombre de liaisons chimiques qui séparent les deux noyaux.  On parlera de couplage géminal pour deux noyaux séparés par deux liaisons, de vicinal si trois liens les séparent et de lointains ou plus précisément allyliques (4 liens + =) ou homoallyliques (5 liens + =) pour un nombre de liens de plus de trois.

Effet du nuage électronique

Prenons, autre exemple, l’éthanol C2H5OH et plaçons-le dans un appareil peu perfectionné. On observera trois pics de résonance du proton.  Les noyaux C et O ne donneront pas lieu à résonance puisque leur spin est nul.

Si l’appareil est convenable (bonne résolution), on montre que les intensités de ces trois pics sont respectivement dans le rapport 1, 2 et 3.  Il existe en effet trois catégories de protons: celui qui se trouve dans le groupe OH, ceux qui se trouvent dans le groupe CH2 et ceux qui se trouvent dans le groupe CH3.  Pour ces trois catégories, le champ magnétique efficace (celui qui agit réellement sur le noyau) est différent puisque l’environnement électronique est différent, d’où l’existence de ces trois pics.  De tels enregistrements permettent d’identifier la molécule.

Effet des spins nucléaires

Enfin, si l’appareil est très perfectionné, à très haute résolution, il permet de décomposer encore ces trois pics. Si le pic du groupe OH reste unique les pics des groupes CH2 et CH3 se séparent respectivement en quatre et trois pics. Ce phénomène est dû à l’orientation mutuelle des différents spins nucléaires. En effet, l’interaction spin-spin est très forte et les spins nucléaires s’orientent comme les spins électroniques de façon parallèle ou antiparallèle.

Chaque proton du groupe CH2 voit les protons du groupe CH3 arrangés de huit façons différentes. Le champ magnétique local prendra quatre valeurs différentes car certains arrangements sont équivalents.

 

+1/2  +1/2  +1/2

 

 

+1/2  +1/2  -1/2

+1/2  -1/2  +1/2

-1/2  +1/2  +1/2

+1/2  -1/2  -1/2

-1/2  -1/2  +1/2

-1/2  +1/2  -1/2

-1/2  -1/2  -1/2

 

 

 

Le pic de résonance de CH2 sera formé de quatre composantes. L’intensité de ces composantes sera donc dans le rapport du nombre de molécules de chaque groupe soit 1, 3, 3, 1.

Chaque proton du groupe CH3 voit les protons de CH2 arrangés de trois façons différentes créant trois champs différents

+ 1/2   +1/2

 

+ 1/2   -1/2

- 1/2   +1/2

- 1/2   -1/2

 

Le pic correspondant au fragment méthyle CH3 se résoudra en trois composants dont les rapports d’intensité seront 1, 2, 1.

Enfin on a constaté que le pic représentant OH restait simple alors qu’il devrait subir l’influence des spins du groupe CH2 et donner trois composantes. On a pu montrer qu’il en est bien ainsi dans des échantillons d’alcool extrêmement pur. On a montré aussi que des traces d’ions H+ ou OH- inférieures à 10-5 N suffisaient pour réduire le triplet à une raie unique grâce à un échange entre l'ion OH- et le radical ·OH, ou à une association par liaison hydrogène rapidement variable des radicaux •OH. Autrement dit, dans la plupart des cas l’atome d'hydrogène de •OH n’appartient pas en propre à la molécule d’alcool.

 

Remarque

On montre, mais il est difficile de l’exposer sans avoir recours à des développements mathématiques compliqués, que les protons d’un même groupe n’ont pas d’influence les uns sur les autres.

 

Résonance des autres noyaux

La propriété décrite pour les protons est aussi valable pour les noyaux dont le spin nucléaire n’est pas nul (attention l'atome 12C n’a pas de spin nucléaire).

 

Tableau 15.3. Valeurs du moment magnétique de quelques noyaux

Noyau

Abondance
naturelle

Spin
h/2
p

Moment magnétique
(magnéton nucléaire)

Fréquence
RMN*

1H

99,9844

1/2

2,792 7

42,576

2H = D

0,0156

1

0,847 28

6,536

13C

1,108

1/2

0,702 16

10,705

14N

99,635

1

0,403 57

3,076

15N

0,365

1/2

-0,283 04

4,315

17O

0,07

5/2

-1,893 0

5,772

  mN (magnéton nucléaire) = h e /(4 p mP) =  5,051 10-27 A·m2
ou encore
mN = 5,051 10-21 J·T-1; * en MHz dans un champ de 1 tesla.  

 

Ces quelques pages résument les fondements simplifiés de la spectroscopie de RMN.  Les étudiants auront beaucoup plus l’occasion de toucher à cette technique très utile pour les analyses en chimie organique. Il existe également bien d’autres considérations telles que l’utilisation de techniques par impulsion et la RMN à deux dimensions. Pour ces derniers cas, même si ces techniques sont le fruit de l’exploitation des fondements de base en RMN, elles font plutôt appel aux connaissances en chimie instrumentale.

 

 



CONCLUSIONS

Tout comme dans l’effet STARK ou dans l’effet ZEEMANN, la présence d’un champ magnétique de fréquence élevée permet de séparer des niveaux d’énergie confondus en l’absence de champ. La multiplicité des raies ainsi dédoublées renseigne sur l’environnement magnétique des atomes concernés, et donc sur les structures moléculaires.

Un cours plus approfondi et plus élaboré permettra à l'étudiante et à l'étudiant d'apprivoiser le domaine de l'établissement de structures moléculaires des plus complexes.

 


15.7 Exercices

 

1 - Lors d’une expérience de RMN de l’hydrogène 1H, on utilise l’eau lourd ou oxyde de deutédium (D2O) comme solvant. Cette substance (D2O) ne présente pas de signal lors du balayage. Expliquez exactement pourquoi.

2 - Le facteur nucléaire (gN) de l’hydrogène 1H vaut 5,586. Calculez, le rapport gyromagnétique de l’hydrogène 1H et déterminez sa fréquence de résonance dans un champ magnétique  de 3,3 T.

3 -  Le signal de l’hydrogène 1H est observé à 2,84 ppm sur le spectre RMN de CH3Cl. Déterminez la fréquence de résonance du proton en utilisant un spectromètre de 60 MHz, 100 MHz et 400 MHz. Déterminez la constante d’écran.

 


 

Pour en savoir un peu plus

Sur le NET (sites visités le 2019-02-27) :

Spectroscopie RMN:

    1- Tutoriel en anglais, Prof. Craig A.Merlic, département de chimie et de biochimie, Université de Californie :    http://www.chem.ucla.edu/~webspectra

    2-  La spectroscopie de RMN en deux dimensions en français, M. Bria et P. Watkin, Université de Lille-1. France.  On y décrit aussi ce qu'est la séquence COSY,... :           

                        http://rmn2d.univ-lille1.fr/rmn2d_fr/co/RMN2D_web.html

Biographies:

Stark :   http://nobelprizes.com/nobel/physics/1919a.html

Zeemann, P                http://nobelprizes.com/nobel/physics/1902b.html

 

Dernière mise à jour : 2021-07-07.

 

x x x x x x x x x x x