Cinéma

Le cinéma, poème de la chair. Ce qui m’a le plus ému, ce qui m’émeut toujours et que je mets au dessus de tout ce que le cinéma a pu montrer, c’est un visage de femme, de femme jeune et belle, en gros plan, et regardant les yeux de celui qu’elle aime. Cette surface de chair est si transparente, qu’elle laisse voir l’âme, et l’on peut lire sur cela les nuances les plus délicates, non formulées, non formulées par l’esprit, voilà l’important. La chair avant le verbe. La pensée dans la chair, avant que d’être formulée. Ce qui précède le langage, ou en est indépendant. Voilà ce que donne le cinéma, voilà la poésie du cinéma.

(journal, automne 1930)

Sur le cinéma, on n’écrit rien de bien intelligent. Il y aurait des choses profondes à dire sur :

– le fait que le cinéma parlant par images, il agit tout à fait autrement que tout mode d’expression relevant de la pensée. Cette différence est radicale, et l’on n’en sait rien. Action profonde, instantanée de l’image : connaissance par la perception, et sans faire intervenir l’entendement, ce qui est radical.

– ce que l’immense majorité des hommes ne connaissent que par la vue, car ils ne possèdent pas étant pauvres, et doivent se contenter de voir ce qu’il y a dans les vitrines, de voir les jolies femmes, de voir toujours, et de seulement voir, le cinéma se trouve parfaitement correspondre à leur manière la plus ordinaire de sentir.

(journal, printemps 1933)

© Bibliothèque nationale de France

 

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