Joseph Spitz

Dans le vieux tiroir à secret d’un secrétaire, hérité de la famille, ma mère me raconte qu’elle avait trouvé après de longues années, une petite pièce d’or de deux francs, enveloppée d’un papier sur lequel on lisait : « Dernière pièce touchée par mon petit Albert, mort à sept ans. » À quoi, mon père aurait ajouté, à l’époque de la trouvaille : « Quel dommage qu’il n’ait pas touché cent francs. »

(journal, hiver 1933)

Je me suis senti avec mon pauvre père un trait de ressemblance qui a forcé ma sympathie. X tout congestionné racontait une histoire en sortant de table, s’empêtrant, bafouillant d’une façon si morbide, qu’il répétait quatre, cinq fois de suite la même chose, sans paraître s’en apercevoir, et au point qu’on pouvait le croire sur la pente d’une attaque, à l’instant d’être subitement atteint d’une paralysie partielle de vieux disque rayé, et mon père, surpris, le regardant d’un petit œil rigolard qui semblait se demander : « Comment ça va-t-il tourner ? Va-t-il devenir gâteux, paralysé, comme ça, tout d’un coup ? »

(journal, hiver 1936)

© Bibliothèque nationale de France

Ce recueil de poèmes de 1894 est de Joseph Spitz, le père du romancier.

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