La mise en plis

Reprenant ce récit, on trouve, en travers de la page, un scaphandrier endormi. Maigre tremplin pour sauter en selle d’une inspirations dont les reins fuyants se prêtent mal à l’escalade. Si la pensée d’une invocation au sommeil, un instant peut arrêter, nous n’y céderons point. Sommeil, malicieux enfant dont la délicatesse s’attire un respect parfaitement injustifié… Allons! soyons conséquent avec nous-même. Mais que faire d’un scaphandrier? Or çà, nul ne tient à ce personnage. Recouvrons-le d’un plumage chatoyant, modelons sa tête humaine, rappelée à la mollesse de l’argile primitive, pour aplatir et arrondir à la fois la boîte crânienne qui s’étend de la nuque à l’entre-œil, et là, d’une paume michel-angélique, ramenant l’excès de matière par-dessus un nez et une bouche, que nous épaississons convenablement en leur donnant la courbure requise pour un bec, nous nous trouverons bientôt, si nous arrondissons l’œil, le recouvrons d’une taie blanchâtre, cernée de zébrures, et si nous réduisons le volume général de l’ensemble, en présence d’un magnifique perroquet. Il s’envole! Il s’envole le perroquet! Perroquet, tu bénéficieras du chant refusé au sommeil.

Perroquet, tes couleurs réjouissent, tout autant que les visiteurs de la dame chez laquelle se dresse ton perchoir de salon, l’enfant et le militaire désœuvrés qui vont promener le dimanche au Jardins des Plantes. Démocratique oiseau, tu parles, paraît-il? Mais, dans ta sagesse incommensurable, quelques mots te suffisent et ton langage, ô père du psittacisme, loin d’offrir par la multiplicité des combinaisons possibles, l’effrayante perspective d’une inépuisable littérature, permet de n’espérer en idiome perroquétique qu’une dizaine de chef-d’œuvres. Quel repos!

(La mise en plis, p. 17-18)

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