Marguerite Berchmans

© Maya Goujon, 2017. Reproduction interdite.

[extrait d’une lettre de Spitz à Marguerite Berchmans dite Riri]

Vendredi 13 septembre [1946]

[…]

Mon Minouchet a donc été démoralisée par la lecture des romans ? Cela n’a rien d’extraordinaire, la littérature, la bonne, étant toujours faite avec du fumier, comme les fleurs. Mais s’il y a du fumier dans la vie, il y a aussi des fleurs précisément, et les fleurs qui ne sont pas l’apanage exclusif de l’art et de la littérature, poussent parfois vraies et sincères dans les cœurs qui aiment. Cet égoïsme dont tu parles, et dont je pourrais m’accuser aussi bien que tout le monde, — aggravé même chez moi d’un pessimisme excessif que tu as raison de me reprocher — cède parfois à la tendresse. Et là est précisément tout le prix de ce que tu représentes pour moi, ma chérie, puisque tu es, toi, tout ce qui me plaît au monde, et le seul point peut-être par lequel je serais vulnérable…

La coque dure du moi, il faut bien qu’elle ait une exquise possibilité de fêlure.

Que ne puis-je penser, ma chérie, que ton cœur soit un peu capable de fléchir, lui aussi, sous le poids de ma tendresse !

Pardon de ces réflexions, je suis tout à la joie de te revoir bientôt. J’en ai besoin. Je t’embrasse l’âme et le corps.

© Maya Goujon, 2017. Reproduction interdite.

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