12e Colloque annuel du RÉDiST

Chevauchements et décrochements grenvilliens: comparaison des styles structuraux des secteurs de Chicoutimi, Manicouagan et Manitou

Daigneault, Réal, rdaignea@uqac.uquebec.ca, Sciences de la Terre, Université du Québec à Chicoutimi, 555 boulevard de l'Université, Chicoutimi, QC, G7H 2B1, Gobeil, André et Hébert, Claude, Ministère des Ressources Naturelles du Québec.

Trois régions ayant fait l'objet d'une cartographie récente par le ministère des Ressources Naturelles du Québec sont comparées au niveau de leur style structural. Les trois régions, Manitou, Manicouagan et Chicoutimi présentent différentes signatures qui peuvent être intégrées dans plusieurs événements successifs de raccourcissement crustal de direction NW-SE.

Secteur Manitou

Le secteur Manitou (feuillets 22I13 et I14, Gobeil et al. 1997) est situé dans la ceinture polycyclique de la Province de Grenville (Rivers et al. 1989). Le complexe gneissique de Manitou, constitué de gneiss variés, d'amphibolites et d'intrusions mafiques à felsiques, est chevauché par le complexe de Matamec constitué d'un peu de gneiss, de gabbronorite, de mangérite et de granite. La signature de chevauchement est marquée par des fabriques principales de direction dominante E-W et de pendage faible vers le sud à l'exception de la nappe de Matamec où des fabriques planaires de direction N-S dominent largement. Les trajectoires de linéations d'étirement montrent une structuration linéaire systématique du Manitou indiquant un transport tectonique vers le NNW. La nappe de Matamec se distingue encore avec des linéations plus variables en attitude à l'exception de la zone apicale de la nappe où une costructuration linéaire est observée avec le Manitou. La superposition des trajectoires de foliations et de linéations combinée aux indicateurs de cisaillement fait ressortir les zones de transport du sud vers le nord et des zones de réajustement qui deviennent localement en décrochement en bordure de la nappe de Matamec.

Secteur Manicouagan

Le secteur Manicouagan (Feuillets 22O10, 22O11, 22O13, 22N08, 22N09; Gobeil 95, 1997a, 97b, 97c) se situe à la frontière entre le parautochtone et l'allocthone polycyclique (Rivers et al. 1989). Une faille de chevauchement de direction NE, la faille de Hart-Jaune, permet le charriage du terrane de Manicouagan sur un complexe gneissique du parautochtone. Une intrusion anorthosique, le Complexe de Raudot, forme une écaille coincée au sein de la zone de chevauchement. Les indicateurs de cisaillement au sein de l'anorthosite sont en accord avec le transport vers le NE. Des failles tardives de direction N-S plus contiguës se caractérisent par des mylonites qui expriment une composante latérale senestre.

La zone de faille du Ruisseau Poitras (ZFRP) est une structure de direction ENE présentant des pendages vers le nord. Elle sépare le Complexe de Manicouagan au nord du Complexe gneissique au sud. La direction de transport NW peut donc être interprétée comme un mouvement en extension ou encore un chevauchement plissé. Cette signature est surimprimée par une signature de décrochement dextre tardif. Ce deuxième événement est responsable de la réorientation des linéations d'étirement vers des attitudes directionnelles et subhorizontales. La ZFRP est tronquée par une autre faille majeure de direction N-S, la zone de faille de la rivière Ste-Marguerite (ZFRSM) qui met en contact le Complexe de Manicouagan à l'W avec un complexe gneissique à l'E. La zone de déformation de quelques centaines de mètres exhibe une signature de chevauchement avec des fabriques planaires à pendages faibles vers l'W et des indicateurs de cisaillement indiquant un transport vers l'E. Cette signature de chevauchement vient donc tronquer le décrochement dextre de la ZFRP.

Plus au sud, près du Réservoir Manicouagan, le complexe gneissique de Gabriel, un assemblage de gneiss mixtes, tonalitiques à granitiques, présente également une signature de chevauchement vers le NW avec des plans de foliation S3 faiblement pentés et des linéations d'étirement de direction SE. Des plis couchés P3, réclinés et colinéaires aux linéations d'étirement représentent une signature compatible avec le charriage vers le NW. Les foliations de pendage faible S3 associées au chevauchement se superposent et plissent les deux fabriques composites que sont la foliation S2 et la gneissosité S1 (G1). Ces deux fabriques se distinguent dans les charnières de plis intrafoliaux isoclinaux P2.

Secteur Chicoutimi

Le secteur Chicoutimi (feuillets 22D06, 22D10, Hébert et Lacoste 97, Hébert et al. 1998) montre également des relations entre les chevauchements et les décrochements affectant l'anorthosite du Lac-Saint-Jean, le Complexe gneissique du Saguenay et le Complexe gneissique du Cap à l'Est au sein de l'allochtone polycyclique (Rivers et al. 1989). L'histoire de la déformation de la région peut être divisée en trois événements principaux. Le premier événement D1 est relié à une période de chevauchement à laquelle est associée une première fabrique S1 qui prend la forme d'une foliation composite comprenant une foliation et une gneissosité. Le S1 possède une direction générale E-W à ESE avec un pendage modéré tantôt nord tantôt sud. Les linéations d'étirement sont régulièrement à fort angle de chute dans la plan du S1. Les caractéristiques des fabriques S1 ont été fortement modifiées par un événement D2 qui produit d'importantes zones de déformation de direction NE. Cet événement est associé à une période de raccourcissement et de décrochement responsable du grain tectonique dominant de direction NE (S2) dans le secteur de Chicoutimi. Des plis P2 ouverts à serrés affectent la fabrique S1 et possèdent des plongées colinéaires à la linéation d'étirement. Lorsque le raccourcissement de direction NW-SE devient plus intense, les linéations d'étirement sont alors abruptes à sub-verticales. Les zones de déformation ont également été le foyer de décrochement qui ont imprimés tardivement dans les roches des linéations subhorizontales. Les indicateurs de cisaillement alors reconnus appuient un mouvement dextre. La zone de déformation de St-Fulgence (ZDSF) représente l'une des ces zones. Elle borde la limite E de l'anorthosite du Lac-Saint-Jean et peut se suivre sur plus de 100 km. La zone de déformation de Lac-St-Jean-Pipmuacan (ZDLSJP) (Hébert, 1991) appartient à la même famille de structures et travers en son centre le complexe anorthosique. Un événement de déformation D3 est associé à la formation de zones de failles fragile-ductile de direction 355° à 015°. Ces failles sont communes dans la région et la zone de déformation associée fait généralement moins de 10m. Les linéations d'étirement sont subhorizontales et indicateurs de cisaillement révèlent un mouvement senestre.

Sommaire

La comparaison entre les trois secteurs fait ressortir la dominance d'un raccourcissement crustal NW-SE s'exprimant surtout par des signatures de chevauchement vers le nord - nord-ouest. Le raccourcissement s'est poursuivi par la formation de zones majeures de déformation de direction NE. Ces zones de déformation NE peuvent être interprétées comme l'expression d'un événement de transpression dextre où le plissement relié au raccourcissement passe progressivement au coulissage dextre. Plusieurs zones de déformation de ce type peuvent être extrapolées dans la portion centrale du Grenville. Localement le raccourcissement se poursuit par de nouveaux systèmes de chevauchements hors-séquence puis finalement l'ensemble se réajuste le long de structures mineures matérialisées par des failles N-S à rejet senestre.

Références

GOBEIL, A. 1993. Carte géologique préliminaire de la région de la rivière Sainte-Marguerite (Phase 1), Côte Nord. Ministère des Ressources Naturelles du Québec. MB 93-45, 14p.

GOBEIL, A. 1997a. Carte géologique préliminaire de la région de la rivière Sainte-Marguerite (Phase 2), Côte Nord. Ministère des Ressources Naturelles du Québec. MB 96-43, 12p.

GOBEIL, A. 1997b. Géologie de la région du Lac Grandmesnil. Ministère des Ressources Naturelles du Québec. RG-96-04, 11p.

GOBEIL, A. 1997c. Géologie de la région du Lac Lacoursière. Ministère des Ressources Naturelles du Québec. RG-96-03, 14p.

GOBEIL, A., CHEVÉ, S., CLARK, T., TOGOLA, N., et DION, D.-J. 1997. Projet manitou (phase 2): Levé géologique dans la région de la rivière Baune (22P02), des lacs à l'aigle (22P03), Canatiche (22P04) et Manitou (22I14). Séminaire d'information sur la recherche géologique, Ministère des Ressources Naturelles du Québec, DV-97-03, p37.

HÉBERT, C. 1991 - Linéament Lac-Saint-Jean Pipmuacan, Dans : Rapport d'activité 91, Ministère des Ressources Naturelles du Québec, DV-94-09, p56.

HÉBERT, C. et LACOSTE, P. 1997 - Géologie de la région de Jonquière-Chicoutimi. Ministère des Ressources Naturelles du Québec, RG-97-08.

HÉBERT, C. et LACOSTE, P. 1998 - Géologie de la région de Bagotville. Ministère des Ressources Naturelles du Québec, RG-97-06.

HÉBERT, C. CHOWN, E.H., DAIGNEAULT, R. 1998 - Histoire tectono-magmatique de la région du Saguenay. Livret-guide d'excursion, GAC-MAC-APGGQ, Québec 1998.

RIVERS, T., MARTIGNOLE, J., GOWER, C. F., et DAVIDSON, A. 1989. New tectonic divisions of the Grenville Province, southeast Canadian shield. Tectonics, 8: 63-84.