Carrefour

15e Colloque annuel du RÉDiST

Compétitivité du Québec dans la dynamique globale de l'exploration minière

Jean-Marc Lulin, Consultation Internationale en Développement des Ressources Minérales (CIDRM), 906, avenue Antonine Maillet Outremont Québec H2V 2Y9, Tel: (514) 736-2175 Fax: (514) 736-1410, Couriel: jmlulin@attglobal.net

Résumé de conférence

Le Québec est reconnu à l'échelle mondiale comme l'un des territoires présentant le plus d'attraits pour l'exploration et l'exploitation des ressources minières. Malgré cette situation enviable, l'industrie minière au Québec fait face, depuis au moins dix ans, à deux défis majeurs: renouveler les réserves dans les régions minières développées mais matures; et découvrir des gisements majeurs dans les régions dont le potentiel minier est reconnu mais encore peu ou pas développé.

La situation du Québec, replacée dans un cadre global, conduit à s'interroger sur les composantes et sur la dynamique spécifiques permettant: a) le développement durable du potentiel minier à l'échelle d'un territoire; et b) le maintien d'une position compétitive par rapport à d'autres régions à très fort potentiel.

Le développement minier d'un territoire est ainsi analysé en tant que "système": (1) composé d'éléments en interaction; et (2) caractérisé par une dynamique spécifique.

Les éléments en interaction se rapportent à des facteurs externes et internes au territoire, à des facteurs conjoncturels ("court terme") et structurels ("long terme"):
-Cours des métaux (externe, conjoncturel);
-Compétition internationale (externe, structurel);
-Potentiel minéral: types de gisements connus; types de gisements possibles; stades de maturité relative des différents secteurs du territoire (interne, structurel);
-Méthodes et concepts d'exploration et d'exploitation disponibles (structurel);
-Niveau des investissements en exploration (interne, conjoncturel);
-Climat politique, législation, fiscalité, accès au territoire (interne, structurel).

La dynamique du développement minier se caractérise dans le temps par une succession de phases de boums et de stagnations. Les boums correspondent à de courtes périodes d'intense création de richesse mais ont une influence considérable dans le développement à long terme d'un territoire. Les découvertes économiques réalisées, prises une à une, relèvent de circonstances particulières mais, de façon globale, possèdent un lien de causalité. Trois principaux types de boums sont identifiés:

Boum lié à une découverte "fortuite" (Horne, Sudbury, Voisey's Bay, etc.): considérable impact régional, effet souvent à long terme (>>20 ans), relativement indépendant de percées technologiques ou du cours des métaux;

Boum lié à une percée technologique ou conceptuelle (EM aéroporté, lixiviation, porphyry copper, diamants TNO): impact régional à mondial, effet moyen à long termes (10 à 20 ans ou plus), relativement indépendant du cours des métaux mais peut contribuer à faire baisser les cours;

Boum lié à l'augmentation des cours d'un ou plusieurs métaux (boum de l'uranium, du palladium, du tantale, etc.): impact mondial, effet souvent à court terme (2 à 5 ans), peut conduire les gîtes déjà découverts jusqu'au stade de la production.

Graphiquement, la dynamique d'un boum minier se traduit en fonction du temps par une courbe en "S", l'axe y représentant le nombre cumulatif de gisements découverts. Cette courbe se décompose en phases d'initiation, de croissance (où les succès obtenus accélèrent la réalisation de découvertes subséquentes) et de ralentissement. Cette dernière phase peut être liée à des facteurs externes ou internes à la région: déplétion des cibles disponibles, variation du cours des métaux, etc.

L'intégration des différentes phases de boums miniers permet de modéliser le développement à long terme d'un territoire et ce, à partir de plusieurs exemples (Abitibi, Sudbury, Witwatersrand, Afrique de l'Ouest):

Phase initiale: découverte d'un gisement majeur dont la taille critique provoque le déclenchement d'un boum avec la réalisation de découvertes périphériques; cette première phase entraîne la création d'infrastructures; elle correspond généralement à la découverte de gisements en surface (0 à -50 m) présentant des signatures directes;

Phase intermédiaire: périodes de croissance marquées par le développement progressif du potentiel en profondeur (-50 à -150 m) de cibles présentant, en surface, de faibles signatures directes ou bien des signatures indirectes (géophysiques et/ou géochimiques);

Phase mature: découverte de gisements cachés profonds (< -150 m), avec souvent absence de signature en surface; les découvertes résultent de l'intégration de données géoscientifiques et/ou de l'exploration sous-terre.

La phase initiale est souvent marquée par la formation de camps miniers centrés sur les gisements majeurs. Les découvertes subséquentes jouent un rôle crucial pour la pérennité de l'activité économique. Leur réalisation dépend de l'existence d'un cadre légal et fiscal stables, incitant les sociétés productrices au réinvestissement et à l'arrivée de nouveaux investisseurs et compétiteurs.

Suivant cette analyse, la situation actuelle à l'échelle du Québec se marque par les points suivants:

Il y a transition progressive de l'exploration, réalisée principalement dans et autour des camps miniers matures de l'Abitibi, vers de vastes secteurs nordiques à géologie favorable, avec la possibilité de découvertes importantes en surface (phase initiale);

Ce déploiement, débuté depuis environ dix ans, constitue un changement important dans la dynamique de l'exploration avec l'augmentation considérable des superficies potentielles à prospecter et l'adaptation à de nouveaux contextes géologiques et modèles gîtologiques (diamants, Ni-Cu magmatique, EGP, Cu-Fe oxyde, etc.);

Jusqu'à ce jour, des résultats extrêmement encourageants sont obtenus dans le nord du Québec, bien qu'aucune découverte n'ait atteint le stade de la production (à l'exception de Raglan, déjà connu). Les avancées majeures sont les découvertes de kimberlites diamantifères de Renard, du gîte à Ni-Cu-EGP de Mesamax à proximité de Raglan, des indices de Ni-Cu-EGP à Gayot, de plusieurs gîtes et indices aurifères (Zone 32, Poste Lemoyne, Aquilon, Noëlla);

L'émergence d'un prochain boum minier au Québec reste extrêmement dépendant de la réalisation initiale d'une découverte exceptionnelle provoquant ensuite l'afflux de capitaux, l'enchaînement de découvertes et la création d'infrastructures.

Le maintien de la position compétitive du Québec sous-entend que se produise un prochain boum minier dont les conditions d'existence ont été esquissées ci-dessus. Les facteurs-clés qui ressortent sont en particulier: a) le développement de stratégies d'exploration orientées vers la découverte de gisements majeurs en surface dans les régions-frontières; b) l'élaboration de nouvelles techniques d'intégration de données géoscientifiques pour augmenter la qualité des projets et des cibles; c) le maintien d'un cadre légal et fiscal très compétitif; d) l'accès au territoire pour l'exploration et la production.