CHICOUTIMI (FSTG) – « L’objectif principal du Consortium de recherche sur la forêt boréale de l’Université du Québec à Chicoutimi, c’est de mener des travaux qui soient utiles aux intervenants qui travaillent sur le terrain. Pour cela, nous devons nous démarquer. Nous devons être originaux ».
Mis sur pied il y a une quinzaine d’années, le Consortium dirigé par Réjean Gagnon, peut se targuer d’avoir changé la vision de l’exploitation de la forêt. Il en a également changé plusieurs façons de faire.
En quelque sorte, les professeurs et les chercheurs membres du groupe sont devenus des partenaires forestiers, une sorte de guide et de centre d’information pour quiconque désire exploiter durablement et intelligemment la ressource forestière. Une réalité qui s’inscrit d’ailleurs dans le mandat de l’organisme.
« Le Consortium a été fondé à la demande des intervenants régionaux à l’occasion d’un sommet économique tenu à Saint-Félicien. Il a été instauré afin de contribuer au développement et à l’amélioration de l’industrie forestière de la région. Pour trouver des sujets de recherche utiles, nous avons décidé de nous tourner vers ceux qui travaillaient déjà dans la forêt. Ces gens se posaient des questions sur certains aspects de l’exploitation et de la ressource. Ils nous ont montré leurs problèmes. Nous avons donc décidé de tenter de trouver des réponses utiles en effectuant des recherches collées sur la réalité », raconte Réjean Gagnon.
Pour le Consortium, cette réalité a très rapidement pris la forme de l’étude de l’épinette noire, essence reine de la forêt boréale régionale. Et surtout l’essence reine de l’industrie, puisque l’épinette noire donne la meilleure fibre au monde pour la fabrication de la pâte Kraft, et qu’elle fournit un bois de construction très résistant et fort prisé.
Les membres du groupe de recherche se sont donc donnés pour mandat d’assurer la pérennité de cette ressource, que l’on ne retrouve qu’en Amérique du Nord, et principalement au Québec.
Les découvertes n’ont pas tardé. D’abord, les travaux du Consortium ont démontré que les forêts d’épinettes noires se régénéraient d’elles-mêmes dans une période de deux ou trois ans après le passage d’un feu de forêt. Passé ce délai, on pouvait envisager un reboisement des zones. Auparavant, on attendait trop longtemps avant de reboiser, ou alors on procédait trop tôt à la manœuvre, ce qui nuisait à la repousse. De même, le Consortium a démontré que des incendies successifs nuisaient au processus de régénération naturelle des forêts d’épinettes noires et que l’on pouvait, dans ce cas, reboiser rapidement ces secteurs.
Les recherches menées ont aussi permis de démontrer que les racines des petits plants d’épinettes noires se formaient à la base de la tige de l’arbre, et qu’il fallait donc chercher à le planter plus profondément pour assurer une meilleure croissance. Enfin, le Consortium a pu accumuler au fil de ses travaux, effectués en collaboration avec le Groupe de recherche sur les ressources renouvelables en milieu boréal (GR3MB) de l’UQAC, une foule de données portant sur les courbes de croissance de l’épinette noire, lesquelles démontrent que si la croissance de cette essence est très lente au début, elle s’accélère ensuite de manière exponentielle.
Réjean Gagnon souligne que toutes ces découvertes permettent aujourd’hui de mieux saisir et de mieux appréhender le comportement de la forêt. Celles-ci répondent déjà à plusieurs questions posées par l’industrie forestière. « Ce sont des éléments à prendre en considération dans le calcul de la possibilité forestière et au moment de prévoir des opérations de reboisement », indique-t-il.
« D’ailleurs, une des grandes forces du Consortium est d’être basé très près de la ressource. La forêt est toute proche et elle s’avère notre laboratoire principal », dit-il.
Un défi pour les chercheurs, ressuciter d’anciennes forêts
CHICOUTIMI (FSTG) – Un des prochains défis qu’envisage de relever le Consortium de recherche sur la forêt boréale de l’UQAC s’avère de reboiser une partie des quelque 800 000 hectares victimes « d’accidents de régénération ».
« Nous avons pu démontrer que ces superficies aujourd’hui déforestées ont déjà été des forêts. Nous y avons fait des études de sols. Nous avons trouvé des restes et des vestiges d’anciennes forêts qui prouvent que ces zones peuvent accueillir et faire croître des arbres et qu’il y en a déjà eus », explique Réjean Gagnon, directeur du Consortium.
Selon lui, environ 325 000 hectares de ces superficies sont accessibles rapidement et assez facilement via les chemins de bois existant. Elles pourraient donc être reboisées à moindres coûts.
« Nous travaillons fort afin que ces zones soient acceptées comme propices à être reboisées. Nous souhaitons que la Conférence régionale des élus fasse la promotion du reboisement comme mesure d’atténuation à la baisse des coupes forestières. Ce serait par le fait même l’occasion de poser un geste positif important pour les générations futures en leur redonnant de la ressource », avance M. Gagnon.
Ce processus de reboisement pourrait même être facilité grâce au développement, dans les laboratoires de l’UQAC, de petits plants d’épinettes noires plus faciles à transporter et à manipuler.
Avance
Invité à livrer ses impressions sur l’industrie forestière québécoise, Réjean Gagnon assure que celle-ci, malgré les apparences et ses problèmes d’images, est en avance sur ce qui se fait ailleurs dans le monde.
« Nous préservons la régénération naturelle partout. Les plans de coupe incluent toujours des éléments visant à protéger les jeunes plants. Nous accordons une grande place à la préservation des lignées. Je pense que notre industrie est en avance. Elle fait très bien. Elle est victime du fait que des images de zones coupées sont laides. Mais malgré ces apparences, la forêt ne diminue pas au Québec. En plus, le bois est une ressource non polluante, renouvelable à l’infini. Nous devons continuer à l’exploiter. Nous devons aussi redonner confiance au public et aux investisseurs. C’est une industrie d’avenir », soutient Réjean Gagnon.