CHICOUTIMI (FSTG) – Pourquoi, dans la longue histoire de l’humanité, y a-t-il toujours eu des leaders, des meneurs d’homme ? Comment se fait-il que certaines personnes, d’apparence anodine, soient parvenues à devenir de puissants rois médiévaux ? Par quels moyens un artiste raté d’origine autrichienne du nom d’Adolf Hitler a-t-il réussi à se faire nommer à la tête de la Chancellerie d’Allemagne, un pays cultivé fort d’un raffinement millénaire, changeant ainsi à jamais la face du monde ?
Ces questions universelles et apparemment insondables interpellent les hommes depuis des années. Elles fascinent également depuis son tout jeune âge Gilbert Larochelle. Professeur de philosophie politique à l’Université du Québec à Chicoutimi (UQAC), conférencier de renommée internationale, auteur et même conseiller politique auprès de certains ministres québécois, ce dernier tente de lever une partie de ce mystère. Une tâche colossale qui l’amène au cœur des mécanismes qui régissent les sociétés humaines.
« En tant que chercheur, ma préoccupation est l’étude du processus de légitimation politique. C’est de comprendre comment un individu parvient à en diriger plusieurs. De voir de quelle manière il réussit à s’approprier l’espace et l’intérêt public », lance Gilbert Larochelle.
La séduction, la maîtrise de la parole ou les techniques d’art oratoire ne sont pas étrangères aux succès politiques, tout comme les idéologies le furent jusqu’avant la chute du communisme, au tournant des années 90.
Le professeur mentionne que la politique, à travers le temps, a agit comme une machine à fédérer, à unir les populations autour de concepts, de thèmes ou de projets communs.
Il remarque cependant que d’importants changements surviennent depuis quelques années dans les mécanismes utilisés par les politiciens afin de persuader les citoyens. Ces changements, même s’ils peuvent sembler éloignés des préoccupations courantes, ont pourtant des impacts majeurs dans la vie de tous les jours, d’où l’intérêt de les étudier.
« La politique n’est plus uniquement l’affaire d’idéologies. Elle est devenue un jeu d’images, de représentations. L’image que vous dégagez est importante, ce que vous dégagez réellement l’est moins », illustre Gilbert Larochelle.
Résultat : il estime que la politique est en train de mettre de côté son essence même, soit de rassembler autour d’idéaux et de valeurs communes. Il croit que la politique devient lentement une machine à diviser plutôt qu’à intégrer.
Un constat qui ramène à l’idée de départ qui encadre les travaux de recherche du professeur, soit la manière employée par les hommes politiques afin de convaincre les électeurs de les choisir et surtout les enjeux et les mécanismes qu’ils mettent en œuvre afin d’y parvenir.
Un constat qui démontre également que les grands courants idéologiques prennent moins de place dans le processus de persuasion de l’électorat. Ce qui ne veut pas dire, selon Gilbert Larochelle, que celles-ci ont disparu.
« Les idéologies sont moins visibles mais toujours à l’œuvre dans la société. Il faut donc continuer à les étudier, surtout à une époque où les nouvelles technologies rendent les citoyens à la fois mieux informés mais aussi très crédules. Les idéologies que l’on ne voit pas œuvrer sont les plus dangereuses, d’où l’importance de les comprendre », soutient-il.
La majorité a perdu sa voix
CHICOUTIMI (FSTG) – « Nous vivons à une époque teintée par le relativisme. Il n’y a plus de hiérarchisation des valeurs. La majorité a perdu sa voix. Nous sommes passés de la tyrannie de la majorité à celle de la minorité. ».
Observateur et analyste attentif de la politique, le professeur Gilbert Larochelle s’inquiète de la fragmentation de la société occidentale. Il déplore la montée en puissance des minorités, de la place accordée aux plus infimes groupes et organismes sociaux. Selon lui, cette situation est d’autant plus difficile à cerner qu’elle repose sur les valeurs de base de l’humanité, soit la dignité et la liberté intrinsèque de l’homme.
«Le relativisme est fallacieux. Il nous faut protéger les droits des minorités. Il faut faire preuve de justice. Mais on ne peut pas affirmer que tous les points de vue sont égaux. Dans ce cas, il n’y a simplement plus de débats de société possible. Or, à l’heure actuelle, les enjeux et les débats se font au profit des minorités, que ce soit les droits des homosexuels, ceux des citoyens qui veulent mourir dans la dignité, du droit des pères monoparentaux (Father-4-justice). Tout cela au nom de la dignité et de la liberté humaine. Il n’y a plus de projet rassembleur, de notion de société et de valeurs communes », expose Gilbert Larochelle.
Il croit que cette particularisation de la politique explique en partie la désaffection des citoyens envers ce domaine. Trop fragmenté, celui-ci ne représente finalement plus personne et n’interpelle plus les citoyens.
« Il n’y a plus de projet commun dans l’espace public québécois. On n’y retrouve plus, comme dans tout l’occident d’ailleurs, qu’un ensemble de différences érigées en système. Et ces différences se confrontent les unes aux autres », illustre M. Larochelle.
À l’échelle mondiale, cette division crée des failles entre l’occident, l’orient et même les sociétés africaines.
Pour le professeur Larochelle, l’étude de ce phénomène représente un défi très lié au processus de légitimation et de persuasion employé par les dirigeants politiques.
Il soutient que ceux-ci doivent s’appuyer plus que jamais sur la philosophie politique afin de redéfinir des concepts qui pourraient à nouveaux agir comme éléments fédérateurs de l’humanité.
Des concepts d’autant plus nécessaires qu’ils définissent l’essence même d’une collectivité et lui donnent un élan afin d’évoluer.