CHICOUTIMI – En ce jour d’élections, plus de 5 600 000 personnes sont conviées à se rendre dans les bureaux de vote du Québec pour exercer un droit fondamental garanti par le système démocratique. Mais pouvons nous affirmer, hors de tout doute, que cette démocratie est parfaite? Non!
Voilà ce qu’affirme Geneviève Nootens, enseignante en politique à l’UQAC et titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur la démocratie et la souveraineté. « Le système démocratique actuel n’est pas parfait et il faut l’améliorer. Beaucoup de choses sont à changer », souligne Mme Nootens.
Elle ajoute qu’avec la mondialisation, le multiculturalisme et l’érosion de l’État, la population se sent éloignée des centres de décision. « Pour que la démocratie garde un sens, il faut que les citoyens soient impliqués », s’exclame Mme Nootens. Il faut donc redéfinir les rapports entre la démocratie, la souveraineté et les obligations politiques pour proposer un modèle de démocratie qui tient compte de ces nouvelles réalités.
Revoir la démocratie actuelle
« Pour remanier le système actuel, il faut certainement travailler à l’échelle locale pour revaloriser la démocratie et pour essayer d’avoir davantage de participation des gens », avance la spécialiste. Lors des dernières élections provinciales en 2003, 30 % de la population s’est privé de son droit de vote, laissant les autres choisir pour eux. Pour renforcer la démocratie, les décideurs devront faire preuve de plus de transparence, débattre les idées sur la place publique et sortir de leur cercle clos car la discussion est importante dans une démocratie.
« Repenser la démocratie, c’est également donner davantage de pouvoir décisionnel aux régions ou aux nations minoritaires. Ainsi, les citoyens seront plus proches du pouvoir », soumet Mme Nootens. Le sentiment d’éloignement qui prévaut chez plusieurs citoyens par rapport à la politique nécessiterait le redéploiement des pratiques démocratiques.
Les imperfections
Avec la mondialisation qui accroit l’interdépendance entre les pays, ce sont toutes les pratiques sociales instituées dans le cadre de l’État national qui sont chamboulées. Plusieurs décisions importantes sont prises par un petit groupe et imposées à l’ensemble du pays. La spécialiste de philosophie politique dénonce ces pratiques et déplore que les citoyens ne puissent se prononcer sur des décisions qui les affectent. « Il faut augmenter l’imputabilité des décideurs et avoir davantage de mécanismes de surveillance. Dans certains centres de décision, la participation aux débats et aux décisions dépend de la richesse du pays ce qui est tout à fait à l’opposé de la démocratie », déplore Mme Nootens.
Le multiculturalisme est également un facteur important puisqu’il a un impact réel sur le plan social. « Nous devons accorder un soin particulier à notre manière de traiter les revendications des autres cultures. Par contre, cela ne signifie pas que toutes les demandes sont acceptables. Nous devons être ouverts au dialogue car en l’absence de protection adéquate des minorités, les décisions politiques vont refléter uniquement la culture et les volontés de la majorité. Intégrer les gens et non les assimiler, voilà une importante différence. D’ailleurs, Jean Charest a annoncé en février dernier la création de la Commission de consultation sur les pratiques d’accommodements reliées aux différences culturelles.
Heureusement, le Canada est un pays démocratique car les individus peuvent élire leurs représentants, ils ont des droits fondamentaux protégés et les minorités ont des protections particulières. « Ce n’est pas parce que ce n’est pas parfait qu’il faut négliger ce qui a de bien et d’intéressant dans le modèle démocratique actuel. Dans plusieurs pays, les dirigeants imposent au peuple ignorant leurs revendications », conclut Geneviève Nootens.
Un texte de Catherine Bergeron
cbergeron@lequotidien.com