Chronique

Romain Chesnaux étudie les eaux souterraines de la régionUn véritable travail de détective

Chercheur à l'UQAC, Romain Chesnaux travaille au projet d'acquisition des connaissances des eaux souterraines du Saguenay–Lac-Saint-Jean. Photo Jeannot Lévesque
CHICOUTIMI – Avec un petit sourire en coin, Romain Chesnaux dit que ce qu’il aime le plus de son travail, c’est qu’il se sent un peu comme un détective. « Je travaille sur des choses que l’on ne voit pas. Il y a un aspect  » mystère  » », souligne-t-il, en faisant les guillemets avec ses doigts.

Le Français d’origine, établi au Saguenay–Lac-Saint-Jean depuis quelques mois, effectue des recherches sur les eaux souterraines de la région.

Un projet d’acquisition des connaissances des eaux souterraines du Saguenay–Lac-Saint-Jean est en branle et Romain Chesnaux est l’un des chercheurs.

Il travaille en compagnie d’Alain Rouleau, Réal Daigneault, Mélanie Lambert, Annie Moisan, Julien Walter et Denis Germaneau.

Le projet se fait à l’ensemble du Québec, les chercheurs de l’UQAC s’occupant uniquement de la portion régionale.

Après avoir étudié dans sa France natale, monsieur Chesnaux est venu réaliser un stage à l’École polytechnique de Montréal. Il y est d’ailleurs resté afin de compléter son doctorat en hydrogéologie, en cotutelle avec l’École de géologie de Nancy. Le sujet de son doctorat était les problèmes de contamination croisée entre les nappes d’eau souterraines.

Il est par la suite parti travailler dans l’Ouest canadien, où il a fondé une compagnie à son compte, « Chesnaux hydrogeology consulting. » Lorsqu’il a entendu parler du projet d’envergure qui se déroulait au Québec, il a immédiatement souhaité déménager ses pénates dans la région.

« Cette recherche nous permettra d’évaluer les ressources disponibles en dressant le portrait des eaux souterraines de la région. On pourra voir si l’eau souterraine est exploitable ou non. Il y a deux aspects importants, soit l’aspect physique, donc comprendre les écoulements, et l’aspect chimique, c’est-à-dire de voir comment les contaminants vont circuler. »

Présentement, les chercheurs synthétisent et rassemblent les données existantes. Ils créeront ensuite une base de données. « À la fin, nous aurons une image de la ressource d’un point de vue qualitatif et quantitatif », explique celui qui adore la proximité avec la nature offerte par la région.

L’eau, un enjeu

« L’eau est devenue un enjeu à l’échelle mondiale. C’est aussi une source de conflits », confirme monsieur Chesnaux.

Le chercheur souligne que les gens de la région semblent parfois moins concernés par la pollution environnementale, probablement parce que l’accès à l’eau semble illimité.

« Il y a la pollution diffuse, comme les contaminants, les herbicides, les pesticides, les fertilisants, les métaux lourds… Il y a aussi la contamination ponctuelle. Lorsqu’un camion plein de pétrole se déverse, la matière s’en va dans les nappes souterraines, soutient-il.

Un simple pot de peinture jeté dans la coulée derrière la maison est très nuisible. Tous les rejets doivent être contenus. Comme la densité de population est plus faible ici, peut-être que les gens ont moins tendance à se rendre compte des problèmes environnementaux. La nature est grande, les forêts sont partout… Or, c’est faux. Chaque action posée est importante. »

Meilleure qualité

L’eau souterraine est certes moins accessible et plus coûteuse à aller chercher, que l’eau en surface, mais comme elle est filtrée, s’écoulant à travers les roches, elle est de meilleure qualité et les coûts pour la traiter sont plus faibles. Déjà, selon les informations fournies par monsieur Chesnaux, 25 pour cent de l’eau domestique utilisée au Canada provient de sources souterraines.

Lorsque la recherche sera terminée, d’ici quatre ans, on connaîtra mieux ce qui caractérise l’eau souterraine dans la région à la fois en quantité et en qualité.

La réalité rattrape souvent le chercheur

CHICOUTIMI – « Parfois, malgré les résultats que nous obtenons, des contraintes politiques et économiques font en sorte qu’aucun changement ne sera apporté. »

Romain Chesnaux, chercheur à l’UQAC, estime que plusieurs de ses collègues ont fait face au même problème que lui : après avoir réalisé une recherche approfondie, ils se font dire que maints emplois sont en jeu et qu’il est donc impossible d’aller dans le sens du travail réalisé, même s’il est de très bonne qualité. Monsieur Chesnaux refuse de mentionner dans quelle situation cela lui est arrivé. Il souligne toutefois que c’est le lot de plusieurs chercheurs.

« On obtient du financement de la part de fonds publics dont le but est de protéger l’environnement. On donne des solutions, mais on nous mentionne qu’il y a des contraintes économiques et politiques contre lesquelles on ne peut rien faire. Ça inquiète vraiment les chercheurs. »

« Ça peut même décourager certaines personnes parce qu’on ne travaille pas juste pour avoir notre paye, pour gagner de l’argent. On veut permettre l’avancement de bonnes causes. »

L’éducation

Romain Chesnaux souligne que l’arme principale afin de contrer ce triste phénomène est l’éducation.

« Dans les classes, nous avons de futurs membres de conseils d’administration, de futurs politiciens, des citoyens… Les idées que je peux leur transmettre en ce moment resteront. Ils peuvent réfléchir à ce sujet et lorsqu’ils occuperont des fonctions dans la sphère publique, ils pourront repenser à tout ça. »

Le chercheur souligne que nous vivons dans l’hypocrisie tous les jours.

« Nous n’avons qu’à penser à la taxe sur le carbone. Les pays riches payent afin de pouvoir polluer davantage. Ça n’a aucun sens. Cet argent n’aide en rien la nature! », termine monsieur Chesnaux.

Le Quotidien, 30 janvier 2010
Un texte de Katerine Belley-Murray