Chronique

Réapprendre à vivre en français Caitlin Lyon, arrière-arrière-petite-fille de Louis Riel

Caitlin Lyon est l'arrière-arrière-petite-fille de Louis Riel. (Photo Jeannot Lévesque)
CHICOUTIMI – Caitlin Lyon est à Chicoutimi afin d’écrire le premier chapitre, en français, de son histoire personnelle. La jeune Ontarienne tente de faire revivre une tradition familiale très riche, mais qui s’était malheureusement perdue avant que l’étudiante ne décide de remédier à la situation. Son arrière-arrière-grand-père n’est nul autre que Louis Riel.

« Ma mère est capable de comprendre le français, mais elle ne l’a jamais parlé à la maison. Mes grands-parents maternels, eux, le parlent très bien. Je faisais donc partie de la première génération qui avait totalement perdu la capacité de comprendre le français. Je me suis dit que le français faisait partie de mon histoire, et que je devais le parler, explique-t-elle, avec une maîtrise épatante de la langue de Molière. J’ai décidé de venir au Saguenay parce que je crois que le fait d’être plongée dans un milieu totalement francophone m’aide à apprendre. »

Au cours des années 1960, les grands-parents de Caitlin ont vendu la maison dans laquelle ils habitaient en compagnie de la mère de l’étudiante, à la Société historique de Winnipeg. C’est que toutes les générations depuis avaient habité la maison de Louis Riel.

« Jusqu’à présent, je ne m’étais jamais vraiment fait dire que c’était important que Louis Riel soit dans mon arbre généalogique. Ici, au Québec, les gens sont plus impressionnés. »

Louis Riel, pendu pour trahison le 16 novembre 1885, était en outre le chef du peuple métis dans les prairies canadiennes. Il est considéré comme le fondateur du Manitoba. « Ma mère et ma grand-mère ont reçu des papiers du gouvernement, qui désirait s’excuser des dommages causés par la pendaison de Louis Riel. C’est très spécial. »

Caitlin Lyon a obtenu la bourse « Mes racines francophones d’une valeur de 1 925 $ » qui est offerte, chaque année, à un étudiant dont la famille est francophone, mais qui ne parle pas le français. Cette bourse couvrait une session d’études.

« J’ai tellement aimé ma première session que j’ai décidé de rester en janvier, raconte-t-elle. Au début, je me disais qu’il n’était pas question que je reste parce que je n’aime pas l’hiver. Après j’ai réalisé que j’aimais trop la région pour partir. C’est facile de tomber en amour du Saguenay–Lac-Saint-Jean. J’adore les gens d’ici. En plus, je veux visiter les microbrasseries, les fromageries et voir les beaux paysages. J’ai déjà averti mon père qu’il doit absolument venir dans la région, parce que c’est un endroit fantastique et qu’il pourra faire de la randonnée. »

Caitlin étudie à l’École de langue française et de culture québécoise de l’UQAC. Elle ne suit donc pas un cheminement normal. Elle a déjà complété un baccalauréat en sociologie à l’Université de Guelph.

« Je ne sais pas du tout ce que l’avenir me réserve. Une chose est certaine, je parlerai le français toute ma vie. Je n’ai encore rien décidé, mais ce n’est pas impossible que je vienne habiter au Québec. Je verrai. »

Elle a fait une demande pour participer, cet été, au programme « Explore » qui permet à des étudiants francophones d’apprendre l’anglais, et à des anglophones, d’apprendre le français. Elle devrait recevoir une réponse bientôt. Si elle est choisie, elle ira à Trois-Pistoles, à Trois-Rivières ou à Québec.

En septembre, elle devrait commencer une maîtrise à l’Université York de Toronto en affaires internationales et publiques, reconnu comme un programme bilingue.

« Parler en français me permettra de travailler partout au Canada. Mes parents étaient bien contents quand je leur ai dit que je voulais apprendre cette langue, parce qu’on peut ensuite avoir beaucoup d’emplois que l’on ne pourrait pas avoir sinon », souligne celle qui possède sa carte de citoyenne métisse.

Là, là…

Caitlin raconte que lorsqu’elle est arrivée au Saguenay, elle se demandait bien ce que voulait dire ‘ là, là ‘. « Je ne savais pas si c’était un nom ou un verbe. Quand j’ai compris que ça ne voulait rien dire, j’étais tellement contente! J’avais l’impression de commencer à comprendre les gens! Je commence lentement à mettre des ‘ là, là ‘ dans mes phrases! »

Le Quotidien, 6 mars 2010
Un texte de Katerine Belley-Murray