Le risque de maladie génétique, plus élevé dans les zones récemment peuplées
La population du Québec présente un risque de maladie génétique plus élevé dans certaines zones récemment peuplées, et ce pour des raisons vivement débattues. Des scientifiques ont à présent pu découvrir de nouvelles pistes de réponse, en s’appuyant sur la qualité exceptionnelle des données sur l’histoire du peuplement d’origine européenne.
En combinant des données généalogiques (fichier BALSAC, voir ci-dessous) et génomiques sur des individus issus de la première vague de colonisation européenne du Québec, les scientifiques Stephan Peischl et Isabelle Dupanloup Duperret (SIB et Université de Berne, Suisse), ont pu démontrer que les individus dont les ancêtres se trouvaient principalement au premier rang du mouvement de colonisation avaient accumulé davantage de mutations que ceux dont les ancêtres habitaient surtout les régions habitées depuis plus longtemps.
« Nos résultats pourraient expliquer la plus grande prévalence de certaines maladies génétiques au Québec », indique Laurent Excoffier, chef de groupe au SIB. « Cette fréquence accrue de mutations néfastes a parfois été attribuée à la consanguinité inhérente aux populations isolées. Notre étude montre que cette interprétation n’est pas justifiée. »
Le fardeau génétique des pionniers: explication
L’accumulation de mutations délétères observée chez les descendants de pionniers s’explique par les récents travaux théoriques de l’équipe d’Excoffier, à l’Université de Berne. En se basant sur des simulations informatiques, l’évolution expérimentale et des données génétiques humaines, l’équipe avait précédemment démontré que la sélection naturelle n’était pas très efficace pour éliminer les mutations néfastes dans les fronts pionniers, car ces régions périphériques sont habituellement moins densément peuplées que les régions centrales.
C’est cependant la première fois que le phénomène est démontré dans une population aussi jeune que celle du Québec. « Le fait d’arriver à observer des différences significatives entre les deux groupes d’individus est tout à fait étonnant, car elles n’ont dû émerger que depuis leur récente divergence géographique, il y a environ six à neuf générations. Sur l’échelle de l’évolution, c’est un laps de temps très court », ajoute Peischl.
« Notre découverte d’une telle accumulation de mutations après si peu de générations pourrait fournir des indices expliquant l’incidence de maladies chez d’autres populations ayant connu des périodes d’expansion s’étendant, dans certains cas, sur des centaines de générations », conclut Excoffier. « Des échantillons d’ADN ancien, provenant de ces populations pionnières, seront nécessaires pour mettre nos hypothèses à l’épreuve. »
Une combinaison unique de données historiques et génomiques
La disponibilité des données généalogiques du fichier BALSAC et des données génomiques de CARTaGENE s’est avérée cruciale pour le projet. « Il est passionnant de voir comment le fichier BALSAC peut être utilisé en combinaison avec des données génomiques pour approfondir notre compréhension des conséquences génétiques du peuplement du Québec et, plus largement, de l’évolution humaine. Le fichier BALSAC est un outil puissant pour la recherche en sciences sociales et en génétique humaine, et cette étude en est une belle illustration », affirme Hélène Vézina, professeure à l’UQAC.
Le fichier BALSAC
Créé en 1972 à l’UQAC, le fichier BALSAC recense les relations généalogiques de la population québécoise, des premiers établissements européens au XVIIe siècle à la période contemporaine. Propriété conjointe de l’UQAC, de l’Université Laval, de l’Université McGill et de l’Université de Montréal, il s’agit d’un outil unique mis à la disposition des chercheurs des domaines des sciences historiques et sociales ainsi que de la médecine et de la génétique des populations.
http://balsac.uqac.ca
Référence
S. Peischl et al. Relaxed Selection During a Recent Human Expansion. Genetics February 1, 2018 vol. 208 no. 2 763-777; https://doi.org/10.1534/genetics.117.300551
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Source :
Josée Bourassa, agente d’information
Service des communications et des relations publiques
Université du Québec à Chicoutimi
418 545-5011, poste 2431 | josee.bourassa@uqac.ca
Renseignements
Concernant l’étude :
Stephan Peischl, assistant de recherche, SIB Institut Suisse de Bioinformatique
Unité interfacultaire de bioinformatique, Université de Berne
+41 31 631 45 19 | stephan.peischl@bioinformatics.unibe.ch
Concernant le fichier BALSAC :
Hélène Vézina
Directrice, Projet BALSAC, Université du Québec à Chicoutimi
418 545-5011, poste 6571 | hvezina@uqac.ca