La professeure au Département des sciences économiques et administratives de l’UQAC, Myriam Ertz, et son équipe du Laboratoire sur les nouvelles formes de consommation (LaboNFC ) ont publié récemment une étude touchant à l’obsolescence dans le Journal of Cleaner Production.
Ertz, M., Leblanc-Proulx, S., Sarigollu, E., et Morin, V. (2019). Made to break ? A taxonomy of business models on product lifetime extension. Journal of Cleaner Production, 234, 867-880.
Cette étude prend à revers la notion d’obsolescence programmée, dont les fabricants sont souvent accusés, et intègre également les consommateurs. Les auteurs ont décidé d’adopter une posture plus positive-iste en dressant notamment une classification des modèles d’affaires qui étendent (plutôt qu’ils ne raccourcissent) la durée de vie des produits, et dans quelle mesure ceux-ci font intervenir les consommateurs.
Deux variables de classification ont été utilisées dans cette étude : 1) les responsables de l’extension de la durée de vie des produits (les organisations OU les consommateurs) et 2) le type d’activité entreprise pour étendre la durée de vie des produits (conception améliorée OU redistribution de produit [troc, occasion, don], accès [location, partage, leasing, prêt], maintenance [réparation, mise à jour, entretien], et recouvrement [reconditionnement, réusinage, rénovation]). 150 organisations aux modèles d’affaires, industries, secteurs et tailles variés, ont été analysées et 7 groupes de modèles d’affaires étendant la durée de vie des produits ont été dérivés :
Modèle 1 : produit-en-tant-que-service : maintenance et recouvrement des produits (ex. Cisco et Toshiba). Les consommateurs fournissent parfois des produits pour être réparés ou recouverts, mais il s’agit surtout le fait d’organisations.
Modèle 2 : conservateur de produit brique-et-clic : maintenance, recouvrement, redistribution, et accès de produit (ex. constructeurs automobiles [ex. Toyota, Volvo] et constructeurs de camions [ex. Scania, Iveco]). Les consommateurs fournissent parfois des produits pour être réparés ou recouverts, mais il s’agit surtout du fait d’organisations proposant notamment des solutions en ligne.
Modèle 3 : Concepteurs de qualité : conception améliorée et maintenance (surtout réparation) (ex. Louis Vuitton, Rolex, Mont-Blanc). Surtout le fait d’organisations.
Modèle 4 : Vendeurs de seconde main : redistribution. Implication des organisations et des consommateurs (ex. Amazon, eBay, l’Armée du Salut, IKEA).
Modèle 5 : Systèmes d’accès : accès. Uniquement le fait d’organisations, mais l’accès se fait par les consommateurs ou les organisations (ex. Bixi, Zipcar, Car2Go).
Modèle 6 : Intermédiaires d’accès p2p : accès. Surtout le fait de consommateurs entre eux, mais par le biais de plateformes souvent privées (ex. Drivy, Turo, Boatsetter, Sharetribe, Peerby).
Modèle 7 : Marchés de redistribution : redistribution. Surtout le fait de consommateurs entre eux mais il peut arriver que des organisations redistribuent des biens aux consommateurs (ex. Kijiji, Craigslist, LesPAC).
Toutefois, le modèle 3 de conception de qualité (quality product designer) est le moins populaire. Ce résultat peut ainsi apporter un support indirect à l’hypothèse de l’obsolescence programmée. Comme peu de modèles d’affaires intègrent la conception améliorée des produits, on peut supposer que la qualité sera peut-être moindre et la durée de vie des produits également. Toutefois, l’étude suggère que les organisations mettent en place d’autres activités pour pallier à leur manque d’engouement pour une conception améliorée, et ainsi augmenter, tout de même, dans une certaine mesure, la durée de vie des produits.
Un article lié, expliquant plus en profondeur la méthodologie utilisée, a été publié dans une autre revue prestigieuse, Resources Conservation & Recycling:
Ertz, M., Leblanc-Proulx, S., Sarigollu, E., et Morin, V. (2019). Advancing quantitative rigor in the circular economy literature : New methodology for product lifetime extension business models. Resources, Conservation & Recycling, 150, 1-12.
Ces résultats ont déjà été présentés dans le cadre d’un cours à l’Université Laval à l’école de design et seront intégrés dans le cours de marketing responsable de la professeure Ertz. Une mention de la première publication a été effectuée sur le site de l’Université McGill : https://www.mcgill.ca/desautels/channels/news/made-break-taxonomy-business-models-product-lifetime-extension-298785