Des étudiants en génie doivent visiter la résidence Gérard-Blanchet de Desbiens qui est la première résidence pour personnes âgées construite en CLT ou lamellé-croisé au Québec, et j’ai pensé réunir à leur intention, les caractéristiques du bâtiment édifié en 2011 afin de leur faire voir à quel point ce nouveau matériau présente des avantages et combien il serait intéressant de vaincre la résistance au changement pour en arriver à plus de préfabrication dans la construction québécoise.
Environ 500 m3 de bois d’épinette noire sont contenus dans la structure de plancher et les murs du bâtiment en lamellé-croisé, avec quelques poutres et colonnes en lamellé de Nordic Structure dans la salle-à-manger, les balcons et les escaliers de cet immeuble de 20 logements pour personnes retraitées.

La planification et la réalisation ont été faites en partenariat avec la Société d’Habitation du Québec (SHQ), la corporation de la résidence et avec le support de FPInnovations, qui a subventionné des honoraires d’accompagnement aux architectes, ingénieurs et gestionnaires de projet. Les responsables de la SHQ se sont servi du programme Projet Novateur, ce qui a permis de hausser le budget initial de construction de 10% pour convenir au dépassement prévu lorsqu’on comparait avec les coûts d’une construction standard en ossature légère.
Les planchers
Huit rangées d’épaisseur de bois collé formant une section de 185 mm sur une longueur de 12,1 m par 3 m de largeur furent déterminées pour convenir aux exigences structurales du bâtiment dont les appuis se trouvent à tous les 6 m pour les trois planchers et le toit. Comme premier avantage, la résistance au feu des planchers passe à 2 heures alors que le code exigeait un minimum de ¾ d’heure.

La faible épaisseur du plancher et son faible poids (cinq fois inférieur au béton) constitue l’autre principal avantage puisque la hauteur minimale du bâtiment ne devait pas dépasser 9 m selon les règles d’urbanisme de la ville pour le site choisi. Les fondations peuvent conséquemment posséder des empattements moins considérables. Ce qui ne fut pas le cas, cependant, dans ce bâtiment puisque les ingénieurs ont considéré dans leurs calculs des fondations véritables sous chaque mur mitoyen plutôt qu’un simple épaississement de la dalle.
On peut voir la composition du plancher en montant les escaliers à chaque palier avec un ancrage au mur conservé apparent. La pose de ces impressionnants panneaux de CLT à l’aide d’une puissante grue fut très populaire auprès des citoyens qui ont suivi la progression des travaux. Les plafonds sont tous apparents dans les logements et les salles communes où ils ont reçu respectivement un lavis blanc et une teinte de miel.

Les murs
Il fut plus difficile d’exposer le bois des murs mitoyens des logements en raison des normes acoustiques qui nous ont imposé un revêtement de gypse, mais ce fut possible dans les corridors où un vernis intumescent clair fut appliqué. Ces murs mitoyens sont composés de deux panneaux de CLT de 78 mm d’épaisseur séparés par un isolant rigide incombustible d’un pouce.

Deux murs extérieurs avec les escaliers et la cage d’ascenseur sont aussi composés de CLT de 105 mm pour pouvoir compléter l’érection du bâtiment. Les autres cloisons intérieures et les murs extérieurs contenant les ouvertures sont en ossature légère que l’entrepreneur a choisi de construire sur place avec ses ouvriers plutôt qu’en préfabrication comme nous le suggérions. Cette préfabrication devait être faite par l’entreprise Canwall de Desbiens, aujourd’hui disparue, qui n’avait pas pu s’entendre avec l’entrepreneur général.
L’isolation du bâtiment est constituée d’un isolant rigide de 100 mm attaché mécaniquement et recouvert d’un fibro-béton.

Pour des raisons de sécurité, les cages d’escalier sont recouvertes de gypse mais les marches et linteaux ont été réalisées en gros bois d’œuvre tel que permis par le code du bâtiment.
Autre élément en bois, les mains courantes des corridors sont découpées en bouleau jaune par un artisan local.
Rapidité du montage de la structure
À partir du moment où les fondations furent réalisées, dix camions remplis de panneaux sont arrivés successivement à la mi-octobre. Grossièrement, il a fallu trois semaines pour réaliser les lisses basses, les murs et toit du premier étage avec les cages verticales des ascenseurs et escaliers. Puis les murs et planchers du deuxième ont pris deux semaines et seulement une semaine pour le troisième avec son toit.
En suivant ce rythme pour des étages supplémentaires, nous aurions pu confirmer davantage la rapidité de ce système de construction qui d’ailleurs a été expérimenté avant nous en Europe. Si de plus, les murs extérieurs en ossature légère avaient été préfabriqués avec les portes et fenêtres, il y aurait eu encore des gains.
D’autres avantages
L’argument, je crois, qui a convaincu la très sérieuse SHQ d’accepter le CLT pour cette construction est la diminution du volume à chauffer de l’ordre de 16% par année en raison des 1,6 m de hauteur épargné sur les dix prévus antérieurement. Ce qui représente une économie réelle pour toute la vie du bâtiment sans diminuer les espaces de vie.
Il y a aussi le fait qu’une pareille masse de bois stabilise le degré d’humidité intérieure et possède une influence sur le contrôle de la température ambiante.
Enfin, je pourrais mentionner la satisfaction d’avoir utilisé le bois d’épinette noire, dont le Québec constitue le plus grand réservoir, et le savoir-faire de gens d’ici.
Vidéo et photos : © Christian Côté