Jeudi, 20 novembre 2025
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Écrire au futur : dialogue avec Bernard Angers

Le 16 octobre dernier, j’ai participé à la soirée bénéfice annuelle de la Société historique du Saguenay. Au cours de celle-ci, nous avons ouvert la capsule temporelle rédigée en 2000 par le recteur alors en fonction, M. Bernard Angers, et j’ai eu l’honneur de la commenter. Son texte m’a touché. Il parle d’éducation, de région et d’un avenir qu’il imaginait porté par le savoir et l’ouverture. Certaines intuitions se sont confirmées; d’autres ont été bousculées. S’il m’a touché, c’est aussi parce que celles et ceux qui l’ont connu m’en ont parlé avec un profond respect et une émotion vibrante.

Ce que la capsule de 2000 avait vu juste
Lire ce texte me fait comprendre que M. Angers voyait dans l’enseignement supérieur, la recherche et la coopération institutionnelle des leviers essentiels de développement. Vingt-cinq ans plus tard, cela se vérifie concrètement : notre université demeure un point d’appui pour la région, au croisement de la formation, de la recherche appliquée et de partenariats vivants avec le milieu. J’y vois aussi une continuité qui compte : il nous revient de projeter positivement notre région dans l’avenir, avec un récit lucide, ambitieux et fidèle à ce que nous sommes. J’observe également une capacité persistante du Saguenay–Lac-Saint-Jean à se projeter. L’attachement au territoire, la coopération entre les acteurs et le goût d’entreprendre restent des forces bien réelles.

Ce que le temps a bousculé
Le tournant des années 2000 fut une période bouillonnante : beaucoup d’espoir, mais déjà des doutes sur la pérennité de nos façons de vivre. Vingt-cinq ans plus tard, ces doutes se sont précisés. Notre rapport à la vérité s’est fragilisé. Par endroits, l’état de droit montre des signes d’effritement. La démocratie et la liberté d’expression sont sous pression. Le pouvoir (économique, technologique, médiatique) s’est concentré entre peu d’acteurs. Dans certaines régions du monde, des droits de la personne, notamment ceux des femmes, ont reculé. Le numérique a démocratisé l’accès à l’information, tout en créant des inégalités d’accès et de maîtrise du numérique.

Ce constat n’invalide pas l’intuition de départ; il l’oblige. Il rappelle que l’éducation doit s’accompagner d’une culture du discernement, que la science a besoin d’un cadre éthique clair et que les institutions renforcent leur crédibilité par la transparence, l’explication de leurs méthodes et l’écoute des communautés. Le savoir ne peut pas être seulement utile; il doit être responsable. C’est, à mes yeux, l’un des apprentissages majeurs de ces deux décennies.

Le fil qui demeure : savoir, éthique, responsabilité
Former ne se réduit pas à transmettre des compétences. Former, c’est aussi façonner un jugement, relier des faits à des valeurs et à des conséquences, et reconnaître les limites autant que les résultats. Dans ce travail partagé, l’université a sa part à assumer, sans surplomb et au service du public : former avec rigueur, chercher avec éthique, décider avec responsabilité. Cette exigence ne retire rien à l’ambition scientifique; elle lui donne du sens.

L’échelle humaine comme antidote à l’uniformisation
Dans un monde où tout circule vite et se ressemble parfois trop, l’échelle locale et régionale a repris de la valeur. Il ne s’agit pas de nostalgie, mais d’ancrage : une identité vécue, une langue partagée, des institutions proches, des initiatives concrètes qui donnent prise à l’action collective. Redonner sa valeur aux identités locales et régionales n’est pas un repli. C’est une manière de résister à l’uniformisation culturelle, de protéger la diversité des expériences humaines et de réinstaller la confiance dans nos institutions et dans la démocratie. À cette échelle, le dialogue se vérifie, la responsabilité se partage davantage, et le lien entre la connaissance et la vie quotidienne se renforce.

Ce que j’emporte de cette lecture
De la capsule de 2000, je retiens le respect pour la région, la confiance dans la jeunesse et la foi dans l’éducation. J’y ajoute, pour notre époque, une vigilance attentive et constante : la conscience que la démocratie, la science et la parole publique demandent des soins réguliers. La continuité est là : bâtir par le savoir. La nouveauté, c’est l’exigence d’un savoir explicite sur ses finalités et attentif à ses effets. En refermant la capsule, je n’ai pas seulement réveillé des souvenirs; j’ai surtout mesuré ce qui doit continuer de nous orienter: la clarté, la mesure et la responsabilité.

2025 : écrire à mon tour au futur
En 2025, j’ai à mon tour déposé une capsule temporelle, qui sera ouverte en 2050. Elle ne cherche pas à prédire; elle témoigne. Elle prolonge, à sa manière, la conviction que je lis chez M. Angers : un territoire grandit quand il forme avec rigueur, quand il met en discussion ses choix, quand il relie la connaissance à la vie de ses communautés. Je n’en dévoilerai pas le contenu ici. Je souhaite simplement que ce geste s’inscrive dans la même continuité : apprendre, dialoguer, et prendre soin de nos institutions.

Ouvrir la capsule de 2000 n’a pas seulement réveillé des souvenirs. Cela nous rappelle une exigence simple : tenir ensemble le savoir, l’éthique et la responsabilité. À cette hauteur, notre région — et le Québec avec elle — sait donner le meilleur d’elle-même.

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