Recherche-création

Originaire du Saguenay au Québec, Sylvie Morais, se consacre à la recherche-création en première personne de type autopoïétique, accordant à la création un lien étroit avec l’expérience vécue. Elle intervient en installation depuis 1989 et son champ d’investigation fait référence aux thèmes de la mémoire, du récit et de la transmission. Son œuvre, principalement des installations, des récits et des livres d’artistes, est réalisée en résidence en France et au Québec, dans des espaces chargés d’histoire où elle favorise chez le spectateur/regardeur l’émergence et le partage d’expériences vécues.

Le constat se retrouve chez W. Benjamin et c’est ce dont nous sommes privés : la faculté de raconter de transmettre des expériences. « C’est comme si nous avions été privés d’une faculté qui nous semblait inaliénable, la plus assurée entre toutes : la faculté d’échanger des expériences. » Or, renouer avec cette capacité de transmettre ne pourra se faire qu’à la lumière de la reviviscence d’expériences passées et non par une simple évocation. La remémoration visant à faire revenir ce que jamais on n’a vécu, l’histoire est à venir et nullement à restaurer. Une telle histoire ne peut qu’être tributaire d’une certaine forme de transmission : il y a des manières de transmettre qui ne se construisent qu’au présent, dans ce cercle de l’expérience et du narré, du vécu et du conté, de l’action et de la transmission qui se répondent sans cesse. En partant de cette proposition, le cheminement de sa recherche-création s’inscrit dans un maillage d’histoires qui s’écrivent/se dessinent autour du possible (la transmission), de ses enjeux (l’expérience vécue), de ses formes (histoire, imaginaire, mythe, récit, poésie) et également depuis les milieux d’où les appels se font (littérature, philosophie, recherche). Dans son travail, elle combine le dessin, la photo, le collage et le monotype ; et puis les mots, l’imprimé et les récits dans une approche multidisciplinaire pour produire des livres et des installations. Elle fixe son attention sur l’invisible, les oublis et les silences que l’histoire ne retient pas mais qu’elle porte en elle, si bien que son œuvre, à la manière de la madeleine de Proust, crée une mémoire. Mémoire vivante, mémoire concrète, mémoire symbolique, mémoire territoriale, mémoire biographique, c’est là toute la force de la création lorsqu’elle s’enracine dans l’expérience humaine : son œuvre n’est jamais détachée du métissage entre l’expérience collective et l’expérience individuelle.

Professeure en arts à l'Université du Québec à Chicoutimi