Finissant au doctorat en sciences de l’environnement, Claudio Mura a effectué sa soutenance de thèse le 19 juin 2025. Sous la direction de Sergio Rossi (UQAC) et la codirection d’Annie Deslauriers (UQAC) et de Patricia Raymond (ministère des Ressources naturelles et des Forêts), sa thèse a pour titre Surviving the winter: tree phenology and frost hardiness at the boundary between temperate and boreal forest in Eastern Canada.
Sous la présidence de Patrick Flaubert (UQAC), le jury d’évaluation était composé de Thierry Améglio (INRAE Clermont Ferrand) et de Vincent Maire (UQTR).
Résumé de la thèse
Dans les écosystèmes tempérés et boréaux, les arbres alternent entre phases de croissance et de dormance afin d’éviter le gel durant la saison froide. Ce cycle comprend des changements dans la résistance au froid, qui est minimale pendant la saison de croissance et atteint son maximum durant la dormance. À mesure que les changements climatiques s’intensifient, le réchauffement des températures et l’augmentation de la variabilité climatique peuvent créer un décalage entre la phénologie des populations adaptées aux conditions locales et les conditions environnementales, entraînant un risque accru de dégâts causés par le gel. Malgré l’importance fondamentale de ces traits pour la survie des arbres dans les régions froides, il y a encore peu d’études empiriques sur le terrain qui explorent le lien entre la phénologie et la résistance au froid pour de nombreuses espèces d’arbres.
Dans ce travail, j’ai utilisé une combinaison d’observations sur le terrain et d’analyses en laboratoire pour relier la phénologie et la résistance au gel dans deux espèces clés des forêts de l’Est du Canada, l’épinette noire (Picea mariana Mill. BSP) et l’érable à sucre (Acer saccharum Marsh.). Pour les deux espèces, différentes provenances ont été comparées pour étudier la variation intraspécifique. Les objectifs généraux étaient i) d’évaluer la variabilité intraspécifique de la résistance au gel et de la phénologie du débourrement et de la dormance, et ii) de relier ces deux traits pour comprendre les variations intraspécifiques du risque de dégâts dus au gel. L’étude est articulée en trois chapitres, chacun se concentrant sur un objectif et des hypothèses spécifiques.
Les trois chapitres de ma thèse ont ajouté des données originales à la littérature existante en clarifiant la connexion entre résistance au gel et phénologie. Les résultats montrent comment chaque espèce peut posséder différents degrés de plasticité et de différenciation intraspécifique. Les provenances de P. mariana transferées au sud ont montré des différences de débourrement entre les provenances, une tendance observée de manière cohérente sur plusieurs années d’observations. Par contre, A. saccharum a montré une plus grande plasticité puisque les provenances de la zone d’étude, toutes situées dans la partie nord de l’aire de répartition, ont eu des réponses similaires aux conditions environnementales tant en ce qui a trait à la résistance au gel qu’au débourrement. Ces différences de plasticité entre espèces ont des implications importantes pour la gestion du risque de gel. Les provenances nordiques de P. mariana pourraient être plus exposées au gel tardif à l’avenir en raison de leurs besoins de chaleur plus faible, mais la sélection de provenances pourrait être un outil efficace pour réduire les risques, du moins en contexte de forêts aménagées. En revanche, A. saccharum serait probablement déjà capable de survivre aux hivers au nord de son aire de répartition actuelle grâce à sa forte résistance au gel. Sa grande plasticité physiologique signifie toutefois aussi que la sélection des provenances serait moins utile pour réduire le risque de gel que pour P. mariana. Enfin, mes travaux montrent l’importance d’étudier la résistance au gel et la régulation de la dormance, en particulier en contexte de réchauffement climatique. Ces traits sont des composantes fondamentales du cycle de vie des arbres. Une meilleure compréhension de ces mécanismes est nécessaire pour améliorer les prédictions des impacts des changements climatiques et pour développer des mesures d’adaptation en gestion forestière.
Félicitations à Claudio Mura pour la soutenance de sa thèse de doctorat!